La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/04/2021 | FRANCE | N°20LY01734

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 15 avril 2021, 20LY01734


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 11 juin 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1906879 du 25 février 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le

1er juillet 2020, M. A..., représenté par Me Prudhon, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 11 juin 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1906879 du 25 février 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er juillet 2020, M. A..., représenté par Me Prudhon, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 février 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 11 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 juin 2020.

Par une ordonnance du 11 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D..., première conseillère,

- et les observations de Me Prudhon, avocat, représentant M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 23 mars 1986, déclare être entré en France au cours du mois de mars 2011. Le 12 décembre 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en invoquant son état de santé. Par des décisions du 11 juin 2019, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 25 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants tunisiens en vertu de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Pour rejeter la demande dont il était saisi, le préfet s'est approprié le sens de l'avis du collège de médecins de l'OFII du 2 juillet 2018, selon lequel si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que, depuis un grave accident dont il a été victime le 19 janvier 2015, M. A... souffre d'une tétraplégie qui a justifié de nombreuses interventions chirurgicales et une longue hospitalisation et lui a fait perdre une grande partie de son autonomie, nécessitant l'usage d'un fauteuil roulant et l'aide quotidienne d'une tierce personne. Toutefois, il ne produit aucune pièce remettant en cause la disponibilité en Tunisie des diverses spécialités pharmaceutiques qui lui sont prescrites. Par ailleurs, il ressort du certificat médical daté du 12 juin 2017 et du rapport médical établi le 25 mai 2018, que les soins que son état requiert consistent essentiellement en une rééducation multidisciplinaire composée de séances de kinésithérapie, d'ergothérapie et d'activités physiques adaptées, outre des consultations urologiques et orthopédiques. Compte tenu de la nature de ces soins, les attestations, au demeurant dépourvues de précisions, de l'hôpital régional de Sidi Bouzid et du délégué de cette même commune ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation du collège médical de l'OFII. Enfin, M. A..., qui ne peut utilement se prévaloir ni de la procédure judiciaire qu'il a engagée en France ni d'éventuelles difficultés à se déplacer dues à l'état de la chaussée dans cette ville particulière, ne démontre nullement qu'il ne pourrait y bénéficier de l'assistance d'une tierce personne, notamment d'un infirmier professionnel ou d'un membre de sa famille, pour accomplir les actes de la vie quotidienne. Dans ces circonstances, il ne ressort pas des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'a estimé le préfet du Rhône en se fondant sur l'avis du collège des médecins de l'OFII, le traitement requis par l'état de santé de M. A... ne serait pas effectivement accessible en Tunisie. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

6. Si M. A... déclare être entré en France au cours du mois de mars 2011, il ne l'établit pas, ni davantage la continuité de son séjour sur le territoire français depuis cette date. Il s'y serait en tout état de cause maintenu en dépit de trois précédentes mesures d'éloignement prononcées à son encontre en 2011 et 2016. Par ailleurs, célibataire et dépourvu de charges de famille, il ne se prévaut d'aucune attache privée ou familiale en France, ni d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière. Il ressort, à l'inverse, de son formulaire de demande de titre de séjour que ses parents et les cinq membres de sa fratrie demeurent en Tunisie, où il a lui-même vécu, à tout le moins, jusqu'à l'âge de 25 ans. Il n'établit nullement avoir quitté le foyer familial depuis l'âge de 16 ans et avoir ainsi, comme il le prétend, rompu tout lien avec les membres de sa famille. Comme indiqué au point 4, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé nécessiterait qu'il demeure sur le territoire français. Enfin, il ne peut utilement se prévaloir ni d'éventuelles difficultés à se déplacer en fauteuil roulant en Tunisie en raison de l'état de la chaussée, ni de la procédure judiciaire qu'il a engagée en France et pour laquelle il peut, au demeurant, se faire représenter. Dans ces circonstances, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Rhône a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

8. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 4 et 6 du présent arrêt, le préfet du Rhône n'a pas manifestement méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en refusant de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A....

9. Enfin, et pour ces mêmes motifs, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de M. A....

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus mentionnés, M. A..., qui n'a pas développé d'autres arguments, n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette même décision ne peut, pour les mêmes motifs, être regardée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

11. En second lieu, aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

12. Il résulte de ce qui a été indiqué au point 4 que le préfet du Rhône n'a pas méconnu les dispositions précitées en faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

13. Comme il a été indiqué ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... et celle lui faisant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ces décisions doit, en tout état de cause, être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

15. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme C... D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 15 avril 2021.

D...

2

N° 20LY01734


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01734
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : PRUDHON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-15;20ly01734 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award