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15/04/2021 | FRANCE | N°20LY00805

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 15 avril 2021, 20LY00805


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire pendant un an.

Par jugement n° 1907181 lu le 23 janvier 2020, le tribunal a annulé l'arrêté du 7 octobre 2019.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 24

février 2020, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter les demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire pendant un an.

Par jugement n° 1907181 lu le 23 janvier 2020, le tribunal a annulé l'arrêté du 7 octobre 2019.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 24 février 2020, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter les demandes présentées par M. A... au tribunal administratif.

Il soutient que :

- c'est à tort que le jugement attaqué a considéré que l'arrêté du 7 octobre 2019 portait une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. A... ;

- les moyens invoqués en premières instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. B... C... A... qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger (...) qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant guinéen né le 1er janvier 2002, déclare être entré sur le territoire français le 29 septembre 2017 et a été pris en charge, suite à un jugement en assistance éducative du juge des enfants près le tribunal de grande instance de Grenoble, par l'aide sociale à l'enfance. Si l'intéressé a manifesté une volonté d'intégration lors de son arrivée sur le territoire français, il ressort toutefois des pièces du dossier, d'une part, qu'il ne dispose d'aucune attache familiale en France alors, comme l'indique le préfet, que le décès de son père n'est pas établi compte tenu des mentions figurant sur le jugement supplétif qu'il a produit à l'administration, ni l'absence de liens avec sa soeur et son jeune frère qui sont restés dans son pays d'origine. D'autre part, M. A... a fait l'objet d'un précédent refus de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement par arrêté du préfet de l'Isère du 25 mai 2018, dont les recours ont été rejetés par des décisions définitives des juridictions administratives et qu'il n'a pas exécuté. Compte tenu de ces circonstances et au regard de la très faible durée de présence de M. A... sur le territoire français, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté en litige du 7 octobre 2019, les premiers juges se sont fondés sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble.

4. En premier lieu, Mme Chloé Lombard, secrétaire générale adjointe du préfet de l'Isère, disposait d'un arrêté de délégation de signature par arrêté n° 38-2018-08 du 1er septembre 2018 publié au recueil des actes administratifs du même jour. Par suite, l'arrêté en litige n'est pas entaché d'incompétence de son signataire.

5. En deuxième lieu, il ne ressort pas de l'arrêté en litige que le préfet de l'Isère se soit abstenu d'examiner la situation personnelle de M. A....

6. En troisième lieu, aux termes de L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-10 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 2° de l'article R. 313-1: 1° L'étranger qui suit en France un enseignement ou y fait des études, en cas de nécessité liée au déroulement des études. Sauf cas particulier, l'étranger doit justifier avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme (...) au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur. Il est tenu compte des motifs pour lesquels le visa de long séjour ne peut être présenté à l'appui de la demande de titre de séjour, du niveau de formation de l'intéressé, ainsi que des conséquences que présenterait un refus de séjour pour la suite de ses études ; 2° L'étranger qui a suivi une scolarité en France depuis au moins l'âge de seize ans et qui y poursuit des études supérieures. A l'appui de sa demande, l'étranger doit justifier du caractère réel et sérieux des études poursuivies ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne dispose pas d'une entrée régulière sur le territoire français ni d'un visa de long séjour, sans que sa qualité de mineur pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance ne le dispense d'une telle obligation dès lors qu'il était, compte tenu de sa minorité dépourvu d'obligation de disposer d'un titre de séjour. Par ailleurs, dès lors que l'intéressé ne démontre pas suivre des études supérieures, il ne saurait davantage être dispensé de l'obligation de présenter un visa long séjour en application des dispositions précitées. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif de l'absence de présentation d'un visa long séjour, le préfet de l'Isère aurait méconnu les dispositions précitées.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée (...) à l'étranger (...) dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...). " Le maintien de M. A... en situation irrégulière sur le territoire français ainsi que le souhait de poursuivre une scolarité alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'une carte de séjour temporaire au sens des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En cinquième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 2 et en l'absence d'autre élément, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige emporte une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle.

10. En dernier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". M. A..., qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai par l'arrêté en litige et n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement prescrite par arrêté du 25 mai 2018, entrait dans le champ d'application de ces dispositions sans que ses allégations quant à la durée de sa présence en France ainsi que la poursuite de sa scolarité ou encore les craintes exprimées mais non démontrées en cas de retour dans son pays d'origine, ne constituent des circonstances humanitaires de nature à entacher d'illégalité l'interdiction de retour d'une durée d'une année, qui lui a été opposée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 7 octobre 2019 en tant qu'il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination, et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'une année. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé et la demande d'annulation présentée par M. A... contre l'arrêté du 7 octobre 2019 doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, la demande d'injonction et celle tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1907181 lu le 23 janvier 2020 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.

N° 20LY00805 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00805
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : VIGNERON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-15;20ly00805 ?
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