Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :
- d'une part, d'annuler l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 26 juin 2019 qui lui a refusé un titre de séjour, lui a enjoint de quitter la France sans délai vers la Côte d'Ivoire et l'a interdit de retour en France pendant deux ans ;
- d'autre part, d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 1902352 du 11 décembre 2019, le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2020, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1902352 du tribunal administratif de Dijon du 11 décembre 2019 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que les informations sur son état civil figurant dans les documents produits ne correspondent pas à la réalité et il ne pouvait, dès lors, se fonder, pour refuser le titre de séjour sollicité, sur le motif tiré de ce qu'il n'était pas établi qu'à la date à laquelle il avait été confié à l'aide sociale à l'enfance, il était âgé de de seize ans ;
- le refus de délai de départ volontaire est entaché d'un défaut de motivation et d'examen sérieux de sa situation ; c'est à tort que le préfet a considéré que son comportement constituait une menace à l'ordre public et qu'il existait un risque de fuite pour l'application du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la fixation du pays de destination est intervenue en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter des observations ; elle est insuffisamment motivée ;
- l'interdiction de retour est insuffisamment motivée ; elle est intervenue en méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ne se prononçant pas expressément sur chacune des conditions légales posées par ce texte.
La requête a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire qui n'a pas produit d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 février 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., se présentant comme un ressortissant de nationalité ivoirienne né le 2 mai 2001 à Daloa (Côte d'Ivoire), qui déclare être entré en France en avril 2017 et a fait l'objet d'une ordonnance du juge des enfants du 9 août 2017 de placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance, a fait l'objet d'un arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 26 juin 2019 refusant de lui délivrer un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction du territoire national pendant une durée de deux ans et désignation du pays de renvoi. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire (...), qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".
3. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Cet article dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
5. Si le requérant a produit devant le tribunal administratif et avait présenté à la préfecture de Saône-et-Loire une copie d'un extrait du registre des actes de l'état civil pour l'année 2008 de la mairie de Daloa afin d'attester de sa naissance le 2 mai 2001 dans cette commune, et sur la base duquel a été établi un passeport délivré le 2 janvier 2019, le préfet de Saône-et-Loire s'est prévalu, pour sa part, d'un courriel de l'ambassade de France en Côte d'Ivoire de mars 2019 faisant état des déclarations du responsable de l'état civil de Daloa mentionnant que l'extrait d'acte de naissance joint à la demande de titre de séjour, présenté comme délivré par le tribunal de Daloa le 22 février 2018, n'était pas conforme, notamment pour ne pas contenir une mention d'expédition du tribunal et comportait, comme le conseiller sûreté immigration de l'ambassade de France l'avait constaté sur place en 2018, un numéro de registre non conforme à la numérotation mise en oeuvre dans la commune, alors qu'il comportait en outre des similitudes avec de faux actes découverts dans une filière d'immigration clandestine. Si M. A... a produit en première instance ces mêmes pièces sur lesquelles ont été apposés des tampons de la commune ou des cachets de certification ou légalisation de " signature " ou " Signature ", ces certifications sont contredites par le message de mars 2019 déjà mentionné, reprenant les déclarations du responsable de l'état civil de Daloa sur le caractère non conforme du document soumis à son appréciation. Il ne ressort pas, dès lors, de l'ensemble des éléments produits par les parties que le requérant puisse être regardé comme ayant été confié au service de l'aide sociale à l'enfance depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision en litige par laquelle le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour méconnaît les dispositions précitées du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité du refus d'un délai de départ volontaire :
6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou s'il a fait usage d'un tel titre ou document ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".
7. D'une part, la décision refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que le requérant ne peut soutenir que l'insuffisante motivation de cette décision révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle, qui ne ressort pas davantage des pièces du dossier. D'autre part, si M. A... se prévaut de ce qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance et qu'il dispose d'une adresse et d'un travail, il résulte toutefois de ce qui a été dit qu'ayant fait usage de documents falsifiés, il entre dans le champ d'application du e) du 3 du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permet au préfet, pour ce seul motif, de refuser un délai de départ volontaire à un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, M. A... ne pouvant utilement contester le motif, qui ne fonde pas la décision qu'il conteste, tiré de ce que son comportement constituerait une menace pour l'ordre public.
Sur la légalité de l'interdiction de retour :
8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé (...) / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). La durée de l'interdiction de retour (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
9. Il appartient au préfet, en vertu des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'assortir une obligation de quitter le territoire français sans délai d'une interdiction de retour sur le territoire français sauf dans l'hypothèse où des circonstances humanitaires justifieraient qu'il soit dérogé au principe. M. A... s'est vu refuser tout délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Les circonstances dont il fait état ne peuvent être regardées comme des circonstances humanitaires qui auraient pu justifier que l'autorité administrative ne prononçât pas d'interdiction de retour sur le territoire français. S'agissant de la durée de cette interdiction, la décision contenue dans l'arrêté en litige, qui ainsi est suffisamment motivée, fait référence à la circonstance que M. A... a présenté de faux documents d'identité ne permettant d'établir de façon exacte son identité, aux conditions de son séjour sur le territoire français et à l'absence de liens stables ou anciens en France et par la mention du risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire prise par le même arrêté. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation ni méconnu les dispositions précitées en fixant à deux ans la durée de l'interdiction de retour en France faite au requérant.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. En premier lieu, M. A..., qui soutient que la décision méconnaît les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, doit ainsi être regardé comme invoquant, en réalité, les dispositions des articles L. 120-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, et notamment celles des articles L. 121-1 et L. 122-1. Et il ressort des dispositions des articles L. 512-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative fait obligation à un étranger de quitter le territoire français et désigne, pour l'exécution d'une telle mesure, le pays de renvoi. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de l'arrêté en litige en tant qu'il fixe le pays de renvoi.
11. En second lieu, l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire en litige, qui vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la nationalité ivoirienne déclarée par M. A... et constate que ce dernier n'établit pas être exposé à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, est suffisamment motivé s'agissant de la fixation du pays de destination.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.
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N° 20LY00307