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15/04/2021 | FRANCE | N°19LY03849

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 avril 2021, 19LY03849


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2019, la société Sermadis, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2019 par lequel le maire de Serezin-du-Rhône a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un supermarché " Carrefour Contact " d'une surface de vente de 1 805 m² et d'un " drive " de deux pistes ;

2°) d'enjoindre à la commission nationale de l'aménagement commercial de lui délivrer un avis favorable dans

un délai de trois mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2019, la société Sermadis, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2019 par lequel le maire de Serezin-du-Rhône a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un supermarché " Carrefour Contact " d'une surface de vente de 1 805 m² et d'un " drive " de deux pistes ;

2°) d'enjoindre à la commission nationale de l'aménagement commercial de lui délivrer un avis favorable dans un délai de trois mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la cour administrative d'appel de Lyon est compétente pour connaître du litige ;

- la requête n'est pas tardive ;

- elle justifie d'un intérêt à agir ;

- l'avis de la commission nationale de l'aménagement commercial est entaché d'erreur d'appréciation ; le projet ne contrevient pas aux objectifs d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection du consommateur visés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

Par un mémoire, enregistré le 19 décembre 2019, la commission nationale de l'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés sont inopérants ou infondés.

Par un mémoire, enregistré le 5 novembre 2020, la commune de Serezin-du-Rhône conclut à l'annulation de l'arrêté du 13 septembre 2019 en litige dans la mesure où l'avis défavorable rendu par la commission nationale d'aménagement commercial sur le projet en cause est entaché d'illégalité.

Elle fait valoir qu'elle a intérêt à ce que le projet se réalise sur son territoire et qu'il ne compromet pas les objectifs visés par l'article L. 752-6 du code de commerce.

Une ordonnance du 5 novembre 2020 a fixé la clôture de l'instruction au 15 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la société Sermadis et de Me A... pour la commune de Serezin-du-Rhône.

Considérant ce qui suit :

1. Le 4 mars 2019, la société Sermadis a déposé auprès de la commune de Serezin-du-Rhône une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la construction, sur un terrain situé rue Pierre Devaux, d'un supermarché à l'enseigne " Carrefour Market ", d'une surface de vente de 1 805 m² et d'un " drive " de deux pistes. La commission départementale d'aménagement commercial du Rhône a émis le 11 avril 2019 un avis défavorable au projet. La société Sermadis a formé un recours devant la commission nationale d'aménagement commercial. Lors de sa séance du 18 juillet 2019, la commission nationale d'aménagement commercial a émis un avis défavorable au projet, ce qui a conduit le maire de Serezin-du-Rhône à opposer un refus à la demande présentée par la société Sermadis par un arrêté du 13 septembre 2019.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Si la commission nationale de l'aménagement commercial fait valoir que la requête de la société Sermadis serait irrecevable au motif que celle-ci sollicite, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la condamnation de l'Etat alors que selon cette commission, l'Etat ne se serait pas partie au présent litige, une telle argumentation ne peut qu'être écartée dès lors que la commission nationale de l'aménagement commercial est dépourvue de toute personnalité morale distincte de celle de l'Etat et que l'autorisation d'exploitation est délivrée ou refusée au nom de l'Etat, représenté en défense par le président de la commission nationale de l'aménagement commercial en application des dispositions de l'article R. 751-8 du code de commerce. Dès lors, ces conclusions afférentes aux frais liés au litige ne sont pas mal dirigées. Enfin, une telle circonstance n'entacherait pas d'irrecevabilité les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Sermadis à l'encontre de l'arrêté du 13 septembre 2019. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commission nationale de l'aménagement commercial doit être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté du maire de Serezin-du-Rhône du 13 septembre 2019 :

3. Pour opposer un refus à la demande présentée par la société Sermadis, le maire de Serezin-du-Rhône, qui était en situation de compétence liée, s'est exclusivement fondé sur l'avis défavorable émis par la commission nationale d'aménagement commercial le 18 juillet 2019.

4. Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. (...) ". Aux termes de l'article L. 752-6 du même code, dans sa version alors applicable : " La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; (...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs ".

5. Il résulte de ces dispositions que la commission départementale d'aménagement commercial prend en considération trois séries de critères liés à l'aménagement du territoire, au développement durable et à la protection des consommateurs. A titre accessoire, elle peut également prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. Lorsqu'elle est saisie, la commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux mêmes critères. Il suit de là, que l'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être accordée que si, eu égard à ses effets le projet ne compromet pas la réalisation des objectifs prévus par la loi.

En ce qui concerne le motif de refus tiré de ce que le projet compromet l'objectif d'aménagement du territoire :

6. D'une part, si la requérante se prévaut de l'impact favorable du projet sur l'animation de la vie locale, il ressort des termes mêmes de l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial que celle-ci a estimé ne pas pouvoir apprécier ce critère en l'absence d'étude d'impact présentée à ce titre par le pétitionnaire. De telles considérations, développées par la société Sermadis, sont donc sans incidence sur la légalité de l'avis rendu.

7. D'autre part, les dispositions figurant au e) du 1°) de l'article L. 752-6 du code de commerce n'ont ni pour objet, ni pour effet d'instituer des critères constitutifs d'un test économique, mais ont pour seul objet de lutter contre le déclin des centres-villes et s'inscrivent dans un objectif d'aménagement du territoire. La requérante reproche à la commission nationale d'aménagement commercial d'avoir estimé que l'extension importante de la surface de vente de l'équipement, de l'ordre de 105%, est de nature à avoir des incidences sur l'équilibre du tissu commercial de ce territoire. Il ressort des pièces du dossier que le projet porté par la société Sermadis comprend la création d'un supermarché à l'enseigne " Carrefour Market " d'une surface de vente de 1 805 m² et d'un " drive " destiné à remplacer sur une parcelle voisine de 200 mètres un supermarché existant à l'enseigne " Carrefour Contact " d'une surface de vente de 880 m². Le projet vise ainsi à doubler la surface de vente du supermarché existant alors que le projet se situe à quelques centaines de mètres du centre-ville de Serezin-du-Rhône et ses commerces. Dans ces conditions, et alors même que le taux de vacance du centre-ville de Serezin-du-Rhône est actuellement relativement faible, en estimant que le projet aurait des incidences sur l'équilibre du tissu commercial du territoire concerné, la commission nationale d'aménagement commercial n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

En ce qui concerne le motif de refus tiré de ce que le projet compromet l'objectif de développement durable :

8. S'agissant de la qualité environnementale du projet, il n'est pas contesté que la surface végétalisée ne représentera que 10% de l'emprise foncière, que seul un tiers des places de stationnement du parking sera engazonné et que le projet permettra de désimperméabiliser une surface de 997 m² soit moins de 15% du site, sur lequel existait une friche commerciale, outre la plantation de huit arbres sur le parc de stationnement. S'agissant de l'insertion paysagère et architecturale du projet, il ressort des pièces et photographies versées au dossier que le nouveau bâtiment, relativement imposant par rapport aux bâtiments situés dans son environnement proche, composé essentiellement d'habitats pavillonnaires, n'a pas fait l'objet d'une recherche particulière dans le choix de ses matériaux, par exemple par le choix de tuiles rouges, permettant de s'harmoniser avec le bâti environnant ni d'un effort architectural. Il n'est pas contesté qu'il ne reprend aucune caractéristique de la région. Par suite, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que la commission nationale d'aménagement commercial a estimé que ces éléments étaient insuffisants pour ne pas compromettre l'objectif fixé en matière de développement durable.

9. Enfin, si la société requérante fait état de la bonne desserte du projet par les modes de transport alternatifs, de l'absence d'aggravation du trafic routier et de nuisance pour les riverains et du respect de l'objectif de protection du consommateur, ces éléments ne permettent pas de considérer que la commission nationale d'équipement commercial aurait porté une appréciation erronée sur la conformité du projet aux différents critères visés par les dispositions précitées du code de commerce.

10. Il résulte de ce que qui précède que, par les moyens qu'elle invoque, la société Semadis, n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 13 septembre 2019 par lequel le maire de Serezin-du-Rhône a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un supermarché " Carrefour Contact " d'une surface de vente de 1 805 m² et d'un " drive " de deux pistes. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant au remboursement de ses frais d'instance non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Sermadis est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sermadis, à la commune de Serezin-du-Rhône et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au président de la commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2021.

2

N°19LY03849


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03849
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : JOURDAN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-15;19ly03849 ?
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