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15/04/2021 | FRANCE | N°19LY01838

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 15 avril 2021, 19LY01838


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté n° 2016-96 en date du 16 novembre 2016 par lequel le président du syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets l'a muté dans un autre service à compter du 1er décembre 2016, d'enjoindre à la même autorité de le réintégrer dans son ancien poste et de mettre à la charge du syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice admin

istrative.

Par un jugement n° 1606961 du 18 mars 2019, le tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté n° 2016-96 en date du 16 novembre 2016 par lequel le président du syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets l'a muté dans un autre service à compter du 1er décembre 2016, d'enjoindre à la même autorité de le réintégrer dans son ancien poste et de mettre à la charge du syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1606961 du 18 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la requête de M. C....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 mai 2019 et un mémoire enregistré le 18 décembre 2020, M. B... C..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 2016-96 en date du 16 novembre 2016 par lequel le président du syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets l'a muté dans un autre service à compter du 1er décembre 2016 ;

3°) d'enjoindre à la même autorité de le réintégrer dans son ancien poste d'adjoint de quart, avec reconstitution de sa carrière, dans le délai de huit jours à compter notification de la décision et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée constitue, eu égard aux manquements et fautes qui lui sont reprochés, une sanction déguisée et il n'a pas bénéficié des garanties qui s'attachent à la procédure disciplinaire ; ainsi, il n'a pas eu la possibilité de consulter son dossier et d'être accompagné d'un défenseur de son choix, l'administration n'a pas établi de rapport, conformément à l'article 90 de la loi du 26 janvier 1984 et la commission administrative paritaire n'a pas été réunie en formation disciplinaire ;

- le principe " non bis in dem " a été violé, dès lors que l'arrêté litigieux vise les mêmes faits que ceux ayant donné lieu à deux rappels à l'ordre les 7 juillet et 12 septembre 2016 ;

- l'arrêté attaqué porte une atteinte importante à ses attributions professionnelles ;

- il est entaché de détournement de pouvoir ;

- aucun des griefs mentionnés dans l'arrêté litigieux n'est établi et ce dernier est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 juillet 2020, le syndicat mixte Savoie Déchets, représenté par Me D... (G...), conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le comportement et la manière de servir de M. C... justifiaient la décision de mutation, prise dans l'intérêt du service, qui ne peut être regardée comme une sanction déguisée ; en conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des garanties procédurales en matière disciplinaire doit être écarté ; au surplus, la mutation attaquée a bien été prise après avis de la commission administrative paritaire ;

- le moyen tiré de la violation de la règle " non bis in dem " doit être écarté, dès lors que ni la décision attaquée ni les deux rappels à l'ordre, ne constituent des sanctions disciplinaires ;

- le moyen tiré de l'atteinte à la situation professionnelle n'est pas fondé ;

- le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi, eu égard aux motifs de l'arrêté litigieux ;

- les faits mentionnés dans l'arrêté litigieux sont établis et celui-ci n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par ordonnance du 3 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 janvier 2021.

Vu le jugement et la décision attaqués, et les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tallec, président,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de M. C..., et de Me D..., avocat, représentant le syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets.

Considérant ce qui suit :

1. Adjoint technique territorial principal de première classe, M. B... C... était employé par le syndicat mixte Savoie Déchets en qualité d'" adjoint de quart ", ou " adjoint au conducteur de production d'énergie sur chaudière industrielle ", au sein de l'usine de valorisation énergétique et de traitement des déchets (UVETD) de Chambéry. Par arrêté du président en date du 16 novembre 2016, il a été muté à compter du 1er décembre 2016 en qualité d'" agent d'entretien industriel " dans le service maintenance de l'UVETD. Il a saisi le tribunal administratif de Grenoble, lequel, par jugement n° 1606961 du 18 mars 2019, a rejeté sa requête. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Pour prendre l'arrêté portant mutation de M. C..., le président de Savoie Déchets s'est fondé sur les circonstances que " l'agent rencontre des difficultés pour respecter les consignes données par son supérieur hiérarchique direct, pour lui rendre compte de ses rondes, l'informer de ses activités ou interventions diverses et ce, malgré les multiples demandes de son responsable en ce sens, et alors que l'UVETD est une installation classée ICPE imposant, pour la sécurité du site et des agents y travaillant, un travail en équipe réel avec une communication fluide dans les échanges avec le chef d'équipe ". Il a par ailleurs précisé que " M. C... rencontre des difficultés relationnelles importantes avec son supérieur hiérarchique, à l'origine d'un climat de tensions et de relations de travail fortement dégradées " et que " M. C... n'effectue de fait jamais certaines factions et/ou missions ". Il en a déduit que l'intérêt du service, " en particulier pour des motifs tenant à la sécurité de l'usine, à la nécessité de préserver le bon fonctionnement du service et les relations entre agents sur les lieux de travail ", justifie la mutation de l'intéressé " sur un emploi tenant compte de sa manière de servir, dans lequel il bénéficiera d'un encadrement plus continu ".

3. En premier lieu, M. C... soutient qu'aucun des reproches formulés sur sa manière de servir et son comportement n'est établi. Il ressort toutefois des pièces versées au dossier, notamment du rapport adressé à la commission administrative paritaire par l'autorité territoriale, ainsi que des courriers échangés entre les parties entre juillet et septembre 2016, que les motifs ayant servi de fondement à la mutation contestée sont bien documentés et ne reposent pas sur des faits matériellement inexacts. Il en résulte que la décision portant mutation de M. C..., qui au demeurant reconnaît ne pas avoir effectué le " quart du matin " (04 h 00 - 12 h 00) et alors que des tensions l'ont opposé à son supérieur hiérarchique et l'ont conduit à demander à deux reprises un changement d'affectation, a bien été prise dans l'intérêt du service.

4. En deuxième lieu, si M. C... soutient que les tâches relevant de son nouveau poste sont moins variées, moins valorisantes, offrent une faible perspective de carrière et requièrent un niveau de qualification moindre que celles de ses fonctions précédentes, il ressort des pièces versées au dossier qu'elles relèvent des tâches d'exécution pouvant être confiées à un adjoint technique territorial de première classe en application des dispositions du décret susvisé du 22 décembre 2006. En outre, s'il fait valoir que sa nouvelle affectation a pour conséquence une diminution de son régime indemnitaire, il est constant que les primes qui lui étaient versées en qualité d'" adjoint de quart " étaient destinées à compenser les importantes contraintes horaires, notamment le travail posté en 3 x 8, y compris les week-ends et les jours fériés, liées à l'exercice effectif de ces fonctions, alors que, dans son nouveau poste d'" agent d'entretien industriel ", M. C... est appelé à exercer son activité exclusivement en journée, du lundi au vendredi. Dans ces conditions, la décision litigieuse, qui ne méconnaît aucun des droits et prérogatives que M. C... tient de son statut, ne peut être regardée comme étant entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

5. En troisième lieu, une mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier.

6. Si M. C... fait valoir que les manquements qui lui sont reprochés ont un caractère disciplinaire et que l'administration lui avait indiqué, par un " rappel à l'ordre " du 7 juillet 2016, qu'elle pourrait engager une procédure disciplinaire à son encontre, les pièces versées au dossier ne permettent pas d'établir que l'autorité territoriale aurait eu l'intention de sanctionner M. C..., alors au demeurant que dans son rapport de saisine de la commission administrative paritaire, elle indique expressément qu'une sanction disciplinaire serait en l'espèce inappropriée.

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la mutation dans l'intérêt du service dont il a fait l'objet serait en réalité une sanction déguisée. Par voie de conséquence, ses moyens tirés du non-respect de la procédure disciplinaire, et des garanties qui s'y attachent, ainsi que de la méconnaissance de la règle " non bis in idem ", ne peuvent qu'être écartés.

8. En quatrième et dernier lieu, si M. C... soutient que la décision litigieuse serait la conséquence de son engagement syndical et du rôle actif qu'il aurait joué, notamment au sein du CHSCT dont il assure le secrétariat, pour dénoncer des dangers résultant de poussières générées par l'activité du site, qui a fait l'objet de nouvelles prescriptions de la part du préfet de la Savoie, les pièces versées au dossier ne permettent pas d'établir le détournement de pouvoir ainsi allégué.

9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2016-96 en date du 16 novembre 2016 par lequel le président du syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets l'a muté dans un autre service à compter du 1er décembre 2016.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. C... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions aux fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat mixte Savoie Déchets, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. C.... Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions dudit syndicat mixte présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le syndicat mixte Savoie Déchets au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au syndicat mixte Savoie Déchets.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme A... F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 15 avril 2021.

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N° 19LY01838


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01838
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Mutation.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Caractère disciplinaire d'une mesure - Mesure ne présentant pas ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Jean-Yves TALLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CABINET LANES et CITTADINI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-15;19ly01838 ?
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