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15/04/2021 | FRANCE | N°19LY01281

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 15 avril 2021, 19LY01281


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2018 par lequel le président de la communauté d'agglomération du bassin d'Aurillac a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont il est atteint et la décision du 15 mars 2018 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération du bassin d'Aurillac de prendre en charge sa pathologie au titre de la maladie professionnelle.

Par

un jugement n° 1800692 du 8 février 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2018 par lequel le président de la communauté d'agglomération du bassin d'Aurillac a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont il est atteint et la décision du 15 mars 2018 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération du bassin d'Aurillac de prendre en charge sa pathologie au titre de la maladie professionnelle.

Par un jugement n° 1800692 du 8 février 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 15 janvier 2018 et la décision du 15 mars 2018, a enjoint à la communauté d'agglomération du bassin d'Aurillac de procéder à la reconnaissance de la maladie professionnelle de M. A... et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 avril 2019, la communauté d'agglomération du bassin d'Aurillac, représentée par Me E... (F... et associés), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 février 2019 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. A... ne peut bénéficier de la présomption d'imputabilité au service de sa pathologie, à défaut de satisfaire à l'ensemble des conditions prévues par le tableau n° 42 des maladies professionnelles auquel renvoient l'article L. 461-1 du code la sécurité sociale et l'article 21 bis IV de la loi du 13 juillet 1983 ;

- M. A... ne démontre pas que sa pathologie présente un lien direct avec ses fonctions de ripeur ;

- à supposer même que l'arrêté en litige soit entaché d'une erreur de droit, il doit être procédé à une substitution de motifs, dès lors que M. A... ne démontre pas que sa pathologie présente un lien direct avec ses fonctions de ripeur.

Un mémoire a été présenté le 2 novembre 2019 par M. B... A... et n'a pas été communiqué.

Par ordonnance du 20 juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 septembre 2020.

Par un courrier en date du 17 novembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office le moyen tiré de la méconnaissance, par les décisions en litige, du champ d'application du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, issu de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, et de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, les dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 n'étant pas applicables aux situations constituées avant leur entrée en vigueur, et notamment aux droits de M. A... constitués à la date à laquelle sa pathologie a été diagnostiquée.

Un mémoire a été produit par M. A... en réponse à ce moyen d'ordre public le 21 décembre 2020 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D..., première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Marion avocat, représentant la communauté d'agglomération du bassin d'Aurillac ;

Considérant ce qui suit :

1. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 15 janvier 2018 par lequel le président de la communauté d'agglomération du bassin d'Aurillac (CABA) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont M. A... est atteint, ainsi que la décision du 15 mars 2018 rejetant son recours gracieux, et a enjoint à la CABA de reconnaître cette maladie professionnelle, par un jugement du 8 février 2019. La CABA relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...), le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

3. D'autre part, aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, crée par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions./ Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ".

4. Avant l'ordonnance du 19 janvier 2017, aucune disposition ne rendait applicables aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale, qui demandaient le bénéfice des dispositions combinées du 2° de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau.

5. Compte tenu de leur caractère suffisamment clair et précis, les dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont entrées en vigueur le lendemain de leur publication au Journal officiel, soit le 21 janvier 2017, nonobstant l'absence d'édiction du décret d'application auquel renvoie cet article. En l'absence de dispositions contraires, elles sont d'application immédiate et ont donc vocation à s'appliquer aux situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de non-rétroactivité, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée.

6. Pour rejeter la demande de M. A..., le président de la CABA a estimé que certains des critères administratifs et médicaux du tableau de maladie professionnelle n° 42 n'étaient pas satisfaits, faisant ainsi application de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de l'avis de la commission de réforme du 23 novembre 2017 qui fait état d'une " première constatation " le 24 mai 2002, que la surdité qui a justifié la demande de M. A... a été diagnostiquée bien avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 19 janvier 2017 et des dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, rappelées ci-dessus. Par suite, sa demande était entièrement régie par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 rappelées au point 2 du présent arrêt. En conséquence, en faisant application de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale et des dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, le président de la CABA a méconnu le champ d'application de la loi.

7. Par ailleurs, s'il a, pour l'application de ces dispositions, apprécié l'existence d'un lien de causalité entre la pathologie de M. A... et les emplois occupés, la CABA ne conteste pas qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il a alors commis une erreur de droit en se fondant, en méconnaissance de ce qui a été indiqué au point 2 du présent arrêt, sur l'absence de lien exclusif entre l'affection et l'activité professionnelle de l'intéressé.

8. L'arrêté du 15 janvier 2018 du président de la CABA est ainsi entaché d'erreurs de droit.

9. Cependant, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas l'intéressé d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

10. La CABA demande à la Cour de substituer au motif retenu dans l'arrêté du 15 janvier 2018, celui tiré de l'absence de lien de causalité direct entre la pathologie de M. A... et son activité professionnelle.

11. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport médical rédigé le 17 mai 2017 par le Dr Azais, que M. A... présente une surdité de perception à l'oreille gauche et plus légère à l'oreille droite, laquelle était déjà présente sur un audiogramme réalisé en mai 2002, alors qu'il exerçait comme ripeur depuis 1994. Cette activité, qui consistait à effectuer la collecte des bacs à ordures ménagères, impliquait une importante exposition sonore, due à la manutention des containers, au moteur des véhicules de collecte et à la proximité de la machinerie de compression. Si ce rapport indique qu'un lien entre cette pathologie et cette activité professionnelle est " possible ", il précise également qu'il est " donc très probable que ce soit cette période d'activité (...) de ripeur qui soit à l'origine de la constitution de sa surdité " mais qu'il ne peut être établi avec certitude que son activité professionnelle en soit l'unique cause. Il en résulte qu'eu égard à son caractère particulièrement bruyant, l'activité de ripeur a, à tout le moins, eu pour effet d'aggraver la pathologie dont souffre M. A..., alors même que d'autres causes ne peuvent être exclues et que le seuil d'action supérieur et la valeur limite d'exposition n'étaient pas atteints lors de la mesure de bruit diligentée par la CABA. La commission de réforme a ainsi, dans son avis du 23 novembre 2017, préconisé la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie. Par suite, la CABA n'est pas fondée à soutenir que la pathologie dont souffre M. A... est dépourvue de lien direct avec l'activité de ripeur qu'il a précédemment exercée. Il n'y a dès lors pas lieu de procéder à la substitution de motif demandée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la CABA n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions en litige.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la CABA.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la communauté d'agglomération du bassin d'Aurillac est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du bassin d'Aurillac et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 30 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme C... D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.

2

N° 19LY01281


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01281
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : TEILLOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-15;19ly01281 ?
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