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15/04/2021 | FRANCE | N°19LY01118

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 15 avril 2021, 19LY01118


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une requête enregistrée sous le n° 1800043, M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 7 décembre 2017 par laquelle le maire de Gueugnon l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois.

Par une requête enregistrée sous le n° 1801478 M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 9 avril 2018 par lequel le maire de Gueugnon a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion de ses fonctions pour une durée de six mois

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Par un jugement n° 1800043 et n°1801478 du 12 février 2019, le tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une requête enregistrée sous le n° 1800043, M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 7 décembre 2017 par laquelle le maire de Gueugnon l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois.

Par une requête enregistrée sous le n° 1801478 M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 9 avril 2018 par lequel le maire de Gueugnon a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion de ses fonctions pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 1800043 et n°1801478 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses deux demandes.

Procédure devant la cour

I- Par une requête enregistrée le 25 mars 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 12 février 2019 et l'arrêté du 7 décembre 2017 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Gueugnon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée de vices de procédure, dès lors que les obligations de saisine immédiate du conseil de discipline et d'invitation à prendre connaissance de son dossier n'ont pas été respectées ;

- elle est entachée de détournement de procédure, dès lors qu'il s'agit d'une sanction déguisée, qui aurait dû être motivée et adoptée dans le respect du principe du contradictoire ;

- aucun fait n'est avéré, et les faits reprochés ne sont pas de nature à empêcher l'exercice professionnel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2019, la commune de Gueugnon représentée par Me A... :

1°) conclut au rejet de la requête ;

2°) et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

II- Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 mars 2019 et le 5 juin 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 12 février 2019 et l'arrêté du 9 avril 2018 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Gueugnon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les faits ne sont pas établis, ne constituent pas une faute et que la sanction est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2019, la commune de Gueugnon représentée par Me A... :

1°) conclut au rejet de la requête ;

2°) et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens présentés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. C..., et celles de Me A..., représentant la commune de Gueugnon.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ingénieur principal et directeur en charge de la planification et de l'expertise technique de la ville de Gueugnon, a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler, d'une part, la décision du 7 décembre 2017 par laquelle le maire de Gueugnon l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois, d'autre part, l'arrêté du 9 avril 2018 par lequel le maire de Gueugnon a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion de ses fonctions pour une durée de six mois. Le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. C... dont il relève appel.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 19LY01118 et n° 19LY01119 présentées par M. C... concernent la situation d'un même fonctionnaire et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la mesure de suspension :

3. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. (...) ". En vertu de ces dispositions, il appartient à l'autorité compétente, lorsqu'elle estime que l'intérêt du service l'exige, d'écarter provisoirement de son emploi un agent, en attendant qu'il soit statué disciplinairement sur sa situation. Une telle suspension peut être légalement prise dès lors que l'administration est en mesure d'articuler à l'encontre de l'agent des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave. Saisi d'un recours contre une telle mesure, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision.

4. Aucun texte n'enferme dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire. Si les dispositions précitées limitent les conséquences de la suspension d'un fonctionnaire, elles n'ont pas pour objet ou pour effet d'encadrer le délai de l'action disciplinaire exercée par l'autorité compétente. Par suite, la circonstance, qu'en l'espèce, le conseil de discipline n'ait pas été saisi immédiatement après la mesure de suspension édictée à l'encontre de M. C... est sans incidence

5. La mesure de suspension litigieuse, qui ne présente pas, au regard des pièces du dossier, le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée, mais qui constitue bien une mesure conservatoire, n'exige pas que le fonctionnaire concerné soit mis à même de présenter au préalable sa défense. Dès lors, le moyen tiré, du défaut de motivation, du non-respect de la " prise de connaissance de son dossier " et du caractère contradictoire de la procédure, doit être écarté.

6. La suspension contestée a été prise au motif que le requérant aurait délibérément mis en danger la vie de deux agents de la commune, une attachée territoriale et un policier municipal, en tentant, avec le véhicule de service, de faire sortir leur voiture personnelle de la route. Les intéressés, qui datent ces faits au 5 décembre 2017, ont déposé plainte auprès de la gendarmerie le lendemain. Un certificat médical du même jour constate un état de stress post-traumatique de la conductrice du véhicule, conduisant à une incapacité totale temporaire de dix jours. M. C..., dont il est constant qu'il conduisait au moment des faits en cause, ne peut utilement se prévaloir des circonstances qu'il n'a pas fait l'objet d'une mesure de poursuite de la part de l'autorité judiciaire à raison de ces faits, que ceux-ci ont été commis hors du service et qu'il a une longue carrière sans casier judiciaire. En outre, il ressort des pièces du dossier que le maire de Gueugnon avait été destinataire d'un courrier, daté du 10 novembre 2017, émanant de deux habitants de la commune, certifiant que M. C... les avait délibérément frôlés, la veille, avec son véhicule, en se rendant au travail, et précisant que le requérant avait déjà eu ce type de comportement. Cette réitération d'accusations d'agissements particulièrement dangereux, de la part de quatre personnes différentes, se situe, en outre, dans un contexte professionnel particulier puisque l'appelant a fait l'objet de plusieurs témoignages de la part de ses subordonnés attestant qu'il était très agressif et présentait des troubles du comportement, justifiant à ce titre un changement d'affectation et de missions quelques semaines auparavant. Dans ces conditions, les faits relevés à l'encontre de M. C... présentaient, à la date de l'arrêté litigieux, d'une part, un degré suffisant de vraisemblance, compte tenu du risque pour la sécurité des agents et des usagers, et, eu égard à ses fonctions d'encadrement, d'autre part, de gravité suffisante pour justifier légalement la mesure de suspension attaquée.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la mesure d'exclusion des fonctions pour une durée de six mois :

7. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'enquête administrative, diligentée par la commune, qui s'est déroulée du 6 février au 16 février 2018, au cours de laquelle vingt-cinq agents de la collectivité ont été auditionnés au sujet du comportement professionnel de M. C..., que la synthèse produite, à partir des déclarations de douze agents, fait état de problèmes comportementaux majeurs de la part de M. C... se traduisant par une agressivité verbale envers ses collaborateurs, débouchant sur des relations souvent conflictuelles, une imprévisibilité de son humeur et surtout des agissements tendant à humilier ou à rabaisser ses interlocuteurs, à l'origine de vives tensions dans les services et ayant, en particulier, conduit à une demande, adressée au maire, de protection fonctionnelle par le directeur adjoint du pôle technique et trois chefs de service. Les douze agents ont également affirmé que, depuis plusieurs années, presque quotidiennement, M. C... présentait de graves problèmes de comportement, à l'égard notamment de ses subordonnés mais aussi de représentants d'entreprises, caractérisés par une recherche systématique d'affrontements lors de visites de chantier, comme cela ressort d'ailleurs du témoignage d'une technicienne de la société Apave lors d'une visite sur le chantier du collège du Vieux Fresnes au mois de mai 2017. En outre, les attestations versées au dossier par M. C..., indiquant de manière stéréotypée, qu'un certain nombre d'entrepreneurs ont toujours eu avec lui " des relations constructives et cordiales de travail en toute bonne entente ", ne sont pas de nature à infirmer les échanges parfois vifs, que l'intéressé a par ailleurs reconnus devant le conseil de discipline, qu'il a pu avoir avec différentes entreprises dans le cadre de ses fonctions. Enfin, l'appelant ne peut pas utilement se prévaloir d'une part, de la circonstance que son comportement serait justifié par la défense des intérêts de la collectivité territoriale, compte tenu de sa grande expérience professionnelle, d'autre part, d'un déroulement de carrière et d'une manière de servir exemplaires. Dans ces conditions, compte tenu notamment des nombreux procès-verbaux d'audition produits, lesquels présentent un caractère concordant non sérieusement contesté par l'appelant, le comportement de M. C... doit être regardé d'une part, comme incompatible avec l'exercice de fonctions de responsabilité de nature à entraîner une rupture du lien de confiance avec son employeur, d'autre part, comme étant susceptible de nuire au bon fonctionnement du service public, ainsi qu'à l'image de la collectivité. Par suite, au regard de ces faits, qui constituent une faute justifiant une sanction disciplinaire, la sanction d'exclusion de fonctions pour une durée de six mois infligée à M. C... n'apparaît pas disproportionnée au regard de la gravité de la faute commise.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses deux demandes.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Gueugnon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. C.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Gueugnon.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera à la commune de Gueugnon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la commune de Gueugnon.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. Jean Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021

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N° 19LY01118-19LY01119


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01118
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP AUDARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-15;19ly01118 ?
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