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13/04/2021 | FRANCE | N°19LY00774

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 13 avril 2021, 19LY00774


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le certificat d'urbanisme négatif du 21 mars 2016 par lequel le maire de Messery a déclaré non réalisable la construction d'une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée section D n° 694, dont elle est propriétaire.

Par un jugement n° 1605280 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 21 mars 2016.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire

enregistrés les 26 février et 21 juin 2019, la commune de Messery, représentée par Aklea Société ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le certificat d'urbanisme négatif du 21 mars 2016 par lequel le maire de Messery a déclaré non réalisable la construction d'une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée section D n° 694, dont elle est propriétaire.

Par un jugement n° 1605280 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 21 mars 2016.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 26 février et 21 juin 2019, la commune de Messery, représentée par Aklea Société d'avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 décembre 2018 et de rejeter la demande de Mme C... ;

2°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est recevable ; elle ne consiste pas en une reproduction des écritures de première instance ;

- les certificats d'urbanisme positifs dont se prévaut Mme C... n'ont créé aucun droit acquis et sont sans influence sur la légalité du certificat d'urbanisme en litige ;

- la demande est incomplète et insuffisamment précise, faute de comporter un plan à l'échelle permettant de visualiser l'emplacement du projet par rapport aux limites séparatives dont il doit être éloigné d'au moins trois mètres en application de l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme ; ce plan à l'échelle est nécessaire compte tenu de la petite superficie du terrain (222 m²) ; elle ne mentionne ni l'adresse du terrain, ni ses références cadastrales, ni l'orientation du terrain par rapport au nord ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le terrain d'assiette n'était pas enclavé ; l'accès au terrain débouche sur un parking public auquel il est relié par une portion de chemin communal ; le parking ne saurait constituer une voie d'accès au sens de l'article UA3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune ; si le parking peut être considéré comme une voie d'accès, il présente des caractéristiques inadaptées au passage de véhicules automobiles et des engins des services d'incendie et de secours compte tenu de ses aménagements ;

- le motif tiré de la méconnaissance des articles UA 4.2 du règlement du PLU et L. 111-4 du code de l'urbanisme est fondé eu égard à l'insuffisante desserte du terrain par le réseau de collecte des eaux pluviales et du réseau d'électricité ; la commune a conservé la compétence collecte des eaux pluviales et pouvait, sans requérir l'avis du gestionnaire du réseau d'assainissement statuer sur la demande de Mme C... ; le réseau de collecte des eaux pluviales est situé à une distance nécessitant des travaux de raccordement que la commune ne souhaite pas engager ; le tribunal a omis de statuer sur cette branche du moyen en se bornant à relever que l'impossibilité de raccorder le terrain d'assiette du projet au réseau de collecte des eaux pluviales n'est pas établie ; le raccordement de la parcelle au réseau d'électricité nécessite des travaux d'extension comme l'indique ERDF dans son avis joint au certificat d'urbanisme négatif.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 21 mai et le 30 juillet 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme C..., représentée par la Selarl CDMF Affaires publiques, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au maire de Messery de lui délivrer le certificat d'urbanisme positif demandé ou à défaut à ce que la commune statue à nouveau sur sa demande et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable ; elle consiste en la reproduction intégrale des écritures de première instance ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

La clôture de l'instruction a été fixée au 6 septembre 2019 par une ordonnance du même jour en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... D..., première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me B..., substituant Me A..., pour Mme C...;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... est propriétaire d'un terrain, d'une superficie totale de 222 m², situé au centre bourg de la commune de Messery et classé en zone UA. Le 27 janvier 2016, elle a déposé une demande de certificat d'urbanisme sur le fondement du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, en vue de la construction sur cette parcelle d'une maison individuelle. Le 21 mars suivant, le maire de Messery, estimant l'opération non réalisable, a délivré un certificat d'urbanisme négatif. La commune de Messery relève appel du jugement du 27 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 21 mars 2016 par lequel son maire a déclaré non réalisable la construction d'une petite maison sur la parcelle de Mme C....

Sur la légalité de l'arrêté du 21 mars 2016 :

2. Pour déclarer non réalisable l'opération projetée, le maire de Messery a estimé que la demande était incomplète et ne permettait pas aux services instructeurs d'apprécier le respect par le projet des distances aux limites séparatives, que le réseau public collecteur des eaux pluviales était insuffisant et que la parcelle n'est pas desservie par le réseau public de distribution d'électricité sans qu'il soit en mesure d'indiquer dans quel délai les travaux d'extension pourraient être réalisés. Il a indiqué également que le terrain n'était pas desservi par une voie d'accès à partir du domaine public. Les premiers juges ont estimé qu'aucun des motifs ainsi opposés n'était fondé et ont annulé l'arrêté du 21 mars 2016.

3. En premier lieu, les dispositions de l'article R. 410-1 du code de l'urbanisme prévoient, dans leur rédaction applicable au litige, que la demande de certificat d'urbanisme est accompagnée d'une note descriptive succincte de l'opération indiquant, lorsque le projet concerne un ou plusieurs bâtiments, leur destination et leur localisation approximative dans l'unité foncière. Toutefois, la circonstance que les documents produits à l'appui d'un dossier de demande de certificat d'urbanisme seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le certificat d'urbanisme qui a été accordé que dans le cas où ces omissions, inexactitudes ou insuffisances ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'extrait cadastral annoté joint à la demande indiquait une échelle, la localisation précise du bâtiment qu'il était projeté de construire sur la parcelle concernée, et mentionnait, outre les distances aux limites séparatives, son aire d'implantation. De même, le formulaire de demande indiquait précisément les références cadastrales de la parcelle d'assiette ainsi que sa superficie. Bien que le dossier ait omis de mentionner les points cardinaux sur l'extrait de plan cadastral et l'adresse précise du terrain, les informations figurant au dossier ont permis aux services instructeurs de statuer en toute connaissance de cause sur la demande. Par ailleurs, si la petite superficie du terrain d'assiette pouvait interroger les services instructeurs sur la nature de l'opération projetée ou sur la possibilité de respecter l'ensemble des dispositions applicable du PLU de Messery, la notice précisait que le projet consistait en la construction d'une " petite maison d'habitation " dont les caractéristiques, notamment l'emprise au sol projetée sur le plan cadastral ne permettait pas de déduire de la seule exiguïté de la parcelle le caractère irréalisable au regard notamment des règles de distance aux limites séparatives contenues dans l'article UA 7. Ainsi les omissions dans le dossier de demande n'ont pas eu d'incidence sur l'appréciation portée par l'autorité administrative et le moyen tiré du caractère incomplet du dossier joint à la demande de certificat d'urbanisme manque en fait et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme : " Les terrains d'assiette des constructions et installations doivent être desservis par des voies dont les caractéristiques répondent aux besoins de l'opération (...) ". Il ressort des pièces du dossier que la parcelle d'assiette est bordée sur sa limite Nord-Est par un chemin rural dit " de la Vigne du château " lequel débouche sur un parking public situé à proximité immédiate, avec lequel il se confond. Comme l'a relevé le tribunal, et sans que cela soit contesté par la commune, ce chemin, s'il relève du domaine privé communal, est ouvert à la circulation du public. Alors que les dispositions précitées de l'article UA 3 du règlement n'imposent pas que les voies de desserte des terrains d'assiette des opérations soient des voies publiques, le maire ne pouvait se fonder sur la circonstance que le chemin rural appartenait au domaine privé de la commune pour déclarer non réalisable le projet, faute de desserte par une voie publique. Par ailleurs, la commune, qui fait valoir en appel que le parking ne peut être considéré comme une voie d'accès au terrain d'assiette au sens des dispositions précitées de l'article UA 3, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une voie et que les aménagements qui y ont été réalisés empêchent toute desserte, doit être regardée comme demandant une substitution de motifs. Toutefois, une dépendance du domaine public routier tel un parking public peut constituer une voie d'accès à un terrain privé à la condition que l'accès soit adapté aux caractéristiques de l'opération et au fonctionnement de cette dépendance. Il ne ressort pas des photographies versées aux débats que des aménagements, notamment des emplacements de stationnement, empêcheraient l'accès au terrain d'assiette du projet, ni qu'un accès au droit du parking serait irréalisable. La circonstance que la fréquentation du parking notamment par des camions de livraison des équipements communaux y rende la circulation difficile est sans incidence sur le caractère suffisant de l'accès projeté. Par ailleurs, le maire ne peut utilement se prévaloir de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme, la commune étant couverte par un PLU.

6. En troisième lieu, la commune réitère en appel sans apporter d'élément nouveau son moyen tiré de ce que le projet ne pouvait être réalisable au motif que le réseau public de collecte d'eaux pluviales est insuffisant. Dès lors que le règlement du PLU de la commune impose le raccordement au réseau public de collecte des eaux pluviales en zone UA sous réserve de l'installation d'un dispositif de tamponnage / filtration relié au projet de construction nouvelle dont il n'est ni établi ni même allégué qu'il ne serait impossible en l'espèce et alors que la commune se borne à alléguer que le raccordement est impossible compte tenu de son insuffisance sans en justifier, le moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. Lorsqu'un projet fait l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à sa réalisation lorsque les conditions mentionnées au premier alinéa ne sont pas réunies. Les deux premiers alinéas s'appliquent aux demandes d'autorisation concernant les terrains aménagés pour permettre l'installation de résidences démontables constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs. ".

8. Si la commune de Messery peut utilement se prévaloir de cette disposition à l'encontre d'un certificat d'urbanisme concernant un projet situé en zone constructible, il ressort toutefois des plans joints à l'avis du gestionnaire de réseau EDF, rendu le 14 mars 2016 dans le cadre de l'instruction de la demande de Mme C..., que le terrain d'assiette du projet est situé à moins de soixante mètres du réseau et de ses branchements existants. Le motif tiré de la nécessité d'une extension du réseau pour desservir le terrain en électricité manque donc en fait et doit être comme tel, écarté.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par Mme C..., que la commune de Messery n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur l'injonction :

10. Aux termes de l'article L. 9111 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".

11. L'annulation par une décision juridictionnelle d'un certificat d'urbanisme négatif ne rend pas le demandeur titulaire d'un certificat positif et ne crée aucun droit à son profit. Le présent arrêt, qui annule l'arrêté du 21 mars 2016, implique seulement que le maire de Messery statue à nouveau sur la demande de Mme C.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre audit maire de procéder à un nouvel examen dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande la commune de Messery au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas partie perdante en appel. Il y a en revanche lieu de faire application de ces mêmes dispositions à l'encontre de la commune de Messery et de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros à verser à Mme C....

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Messery est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Messery d'examiner à nouveau la demande de Mme C... dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt.

Article 3 : La commune de Messery versera à Mme C... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Messery et à Mme F... C....

Délibéré après l'audience du 23 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente ;

M. Thierry Besse, président-assesseur ;

Mme E... D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.

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N° 19LY00774


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00774
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-025 Urbanisme et aménagement du territoire. Certificat d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-13;19ly00774 ?
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