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08/04/2021 | FRANCE | N°19LY02210

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 08 avril 2021, 19LY02210


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Chambéry Alpes Habitat, aux droits duquel vient la société Cristal Habitat, a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- de condamner solidairement la société Céna Ingénierie, la société Voiron, la société Solaire et Biomasse Thermique et la compagnie d'assurance Covea Risks à l'indemniser des frais de reprise de la chaudière bois et des préjudices financiers subis du fait des dysfonctionnements affectant cet équipement ;

- de mettre à la charge de la société Céna Ingénierie,

de la société Voiron, de la société Solaire et Biomasse Thermique et de la compagnie d'assuranc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Chambéry Alpes Habitat, aux droits duquel vient la société Cristal Habitat, a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- de condamner solidairement la société Céna Ingénierie, la société Voiron, la société Solaire et Biomasse Thermique et la compagnie d'assurance Covea Risks à l'indemniser des frais de reprise de la chaudière bois et des préjudices financiers subis du fait des dysfonctionnements affectant cet équipement ;

- de mettre à la charge de la société Céna Ingénierie, de la société Voiron, de la société Solaire et Biomasse Thermique et de la compagnie d'assurance Covea Risks la somme de 22 452,70 euros au titre des dépens et une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600951 du 26 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble a :

- rejeté sa demande dirigée contre la compagnie Covea Risks comme portée devant une juridiction incompétence pour en connaître ;

- rejeté le surplus de sa demande ;

- mis à sa charge définitive les frais et honoraires de l'expertise à hauteur de 21 181,09 euros.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2019, et un mémoire enregistré le 15 septembre 2020, la société d'économie mixte locale (SEML) Cristal Habitat, venant aux droits de Chambéry Alpes Habitat, représentée par Me C... de la Selarl Alcalex, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susmentionné n° 1600951 du 26 mars 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner in solidum la société Cena Ingénierie, la société Voiron représentée par Me G... B..., mandataire liquidateur, et la société Solaire et Biomasse Thermique, à lui verser la somme globale de 55 928,40 euros TTC au titre des travaux de reprise et la somme totale de 351 365,75 euros au titre des autres préjudices subis ;

3°) de condamner in solidum la société Cena Ingénierie, la société Voiron représentée par Me G... B..., mandataire liquidateur, et la société Solaire et Biomasse Thermique aux entiers dépens dont les frais d'expertise judiciaire d'un montant de 22 452,70 euros TTC ;

4°) de mettre à la charge in solidum de la société Cena Ingénierie, de la société Voiron représentée par Me G... B..., mandataire liquidateur, et de la société Solaire et Biomasse Thermique la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande est recevable dès lors qu'elle avait bien évoqué en première instance la responsabilité décennale des différents intervenants à la construction ;

- les désordres constatés étaient de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et engagent ainsi la responsabilité décennale in solidum de la société Cena Ingénierie, chargée de la conception, du suivi et de la réception des travaux, et des sociétés Voiron et Solaire Biomasse Thermique, chargées de la réalisation desdits travaux, et ce pour les motifs relevés par l'expert ;

- en l'absence de production des procès-verbaux de réception pour les parties autres que la société Solaire Biomasse Thermique, leur responsabilité contractuelle peut également être recherchée ;

- le maître d'oeuvre, en sus de la responsabilité décennale, encours une responsabilité spécifique en raison de son manquement à son obligation de conseil à tous les stades de la construction ;

- elle est fondée solliciter au titre de l'indemnisation de ses préjudices :

. s'agissant des travaux de reprise du conduit de fumée :

. la somme de 15 240 euros TTC correspondant au remplacement du conduit de fumées, au clapet modérateur de dépression et à la partie horizontale du conduit ;

. la somme de 1 080 euros TTC au titre de l'intervention de la société Dalkia pour la conduite de l'opération pour 20h00 à 45 euros HT de l'heure ;

. s'agissant des travaux de reprise du remplacement des supports du plateau vibreur du foyer : la somme de 540 euros TTC au titre de l'intervention de la société Dalkia pour la conduite de l'opération pour 10h00 à 45 euros HT de l'heure ;

. s'agissant des travaux de reprise du système d'amenée des granulés dans la vis sans fin : la somme de 540 euros TTC au titre de l'intervention de la société Dalkia pour la conduite de l'opération pour 10h00 à 45 euros HT de l'heure ;

. s'agissant des travaux de reprise du silo bois :

. la somme de 1 080 euros TTC au titre de la remise en place du tapis ;

. la somme de 1 428 euros TTC au titre de la mise aux normes du système électrique (ATEX) ;

. la somme de 1 620 euros TTC au titre du remplacement de l'échelle permettant l'accès au silo de granulés bois ;

. la somme de 1 920 euros TTC au titre de la reprise des étanchéités du réseau eaux pluviales ;

. la somme de 2 400 euros TTC au titre de la fourniture et de la pose d'un profil acier IPN selon les règles ATEX ;

. la somme de 1 080 euros TTC au titre de l'intervention de la société Dalkia pour la conduite de l'opération pour 20h00 à 45 euros HT de l'heure ;

. s'agissant de la remise en conformité du local de stockage des cendres :

. la somme de 369,60 euros TTC au titre du cendrier du foyer ;

. la somme de 228 euros au titre du cendrier de l'échangeur ;

. la somme de 450 euros au titre du cendrier du cyclone ;

. la somme de 406,80 euros au titre d'un jeu de trois couvercles ;

. la somme de 29 540,40 euros au titre de l'évacuation des résidus et cendres ;

. s'agissant des autres préjudices :

. la somme de 43 998 euros TTC au titre de la surconsommation de gaz de 2008 à 2014 ;

. la somme de 31 159,96 euros TTC au titre des pénalités appliquées aux tarifs des contrats GDF, en particulier de la perte financière liée à l'application du tarif tq2 ;

. la somme de 6 252 euros TTC au titre des frais de vidange du silo ;

. la somme de 12 609,60 euros TTC au titre de l'intervention de la société Dalkia pour 185 heures en sus des 60 heures prévues au contrat de maintenance initial ;

. la somme de 38 581,20 euros TTC au titre du remplacement de l'ancienne chaudière gaz par l'installation de deux chaudières en cascade d'une puissance totale de 900 kw afin de pourvoir à 100 % aux besoins de chauffage du bâtiment, en tenant compte du coefficient de vétusté de 40 % retenu par l'expert ;

. la somme de 215 028 euros TTC au titre des pertes financières en coût d'exploitation sur la base de la faisabilité effectuée par Cena Ingénierie durant 13 ans et demi correspondant à la différence entre le coût de fonctionnement des chaudières gaz et le coût de fonctionnement de la chaudière bois ;

. la somme de 159 280 euros au titre de la perte de chance d'avoir réalisé un gain de fonctionnement sur dix années.

Par un mémoire enregistré le 24 septembre 2019, la Sarl Cena Ingénierie, représentée par Me A... de la Selarl MLB Avocats, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2) à titre subsidiaire, de rejeter les demandes de la société requérante au titre des frais de remise en conformité du silo, de l'absence de mention sur la plaque signalétique de la chaudière de granulés bois, de la présence d'une canalisation dans le silo à granulés, de l'absence de tapis amortisseur dans le silo, des non conformités du système électrique, de l'absence de vérification de la filière française d'approvisionnement et de l'absence de référence de l'échelle permettant l'accès au silo, des frais afférents au local de stockage des cendres, des interventions supplémentaires de la société Dalkia, du remplacement des chaudières gaz et des pertes d'exploitation ;

3) à titre subsidiaire, de condamner la société Voiron représentée par Me G... B..., mandataire liquidateur, et la société Solaire et Biomasse Thermique à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Elle fait valoir que :

- la demande de la société requérante au titre de la responsabilité décennale des constructeurs, qui repose sur une cause nouvelle en appel, est par suite irrecevable ;

- sa responsabilité ne peut, nonobstant les conclusions de l'expert, être retenue ;

- l'absence de mention de granulés bois sur la plaque signalétique de la chaudière ne saurait lui être reprochée puisqu'elle n'est pas imposée par la règlementation et il n'est pas précisé en quoi cette absence aurait occasionné des désordres ; elle ne constitue pas un désordre en soi ;

- l'utilisation et la qualité des granulés n'est pas la cause des désordres, qui proviennent d'un problème de dimensionnement du conduit de fumées ;

- sa responsabilité ne peut être engagée concernant le sous-dimensionnement du conduit de fumée que subsidiairement à celle de la société Voiron au titre de sa mission de suivi de l'exécution des travaux et non au titre d'une erreur de conception de ce conduit ;

- l'infiltration d'eau dans le silo des granulés résulte d'un défaut d'une canalisation d'évacuation des eaux pluviales dans ce silo, imputable à une mauvaise exécution de l'entreprise, et non à un vice de conception concernant cette canalisation ;

- sa responsabilité ne saurait être retenue ou ne peut être engagée concernant la non-conformité du silo pour le stockage du granulé bois que de manière très limitée dès lors que cette non-conformité résulte d'un mauvais choix des matériaux par la société Solaire et Biomasse Thermique ;

- la responsabilité de la société Solaire et Biomasse Thermique est pleinement engagée concernant les non conformités électriques, de manière principale voire exclusive, l'expert n'indiquant pas en quoi ce manquement lui serait imputable ;

- aucun désordre ne résulte de l'absence de vérification de la compatibilité de la filière d'approvisionnement de granulés bois en France avec le matériel présélectionné et cette absence ne présente aucun lien avec les désordres allégués ;

- les travaux des entreprises ont bien été réceptionnés sans réserve par le maître d'ouvrage ; la circonstance que des difficultés sont apparues un mois plus tard n'a rien à avoir avec la réception ;

- la société Voiron, qui n'a respecté ni les documents contractuels fournis, ni les règles de l'art, a commis une faute, en particulier en installant un conduit de fumée d'un diamètre de 300 mm sous-dimensionné par rapport au CCTP ;

- les manquements de la société Solaire et Biomasse Thermique à ses obligations sont clairement établis par le rapport d'expertise judiciaire ;

- les sommes demandées au titre des frais de remise en conformité du silo doivent être laissées à la charge exclusive de la société Voiron, qui a réalisé les travaux et qui est débitrice d'une obligation de résultat ; subsidiairement, il n'y a pas lieu d'indemniser les frais de remise en place du tapis, qui n'est pas un désordre ni une cause des désordres ; le défaut de fixation de ce tapis, qui est purement hypothétique dès lors que ce tapis avait disparu au moment de l'expertise, ne saurait être mis à sa charge ;

- la mise aux normes du système électrique ne doit pas être indemnisée dès lors qu'il ne s'agit pas d'une cause des désordres, qu'il s'agit en outre de travaux d'amélioration, qui n'avaient pas été prévus dans les marchés d'origine et que l'OPAC aurait dû régler s'ils avaient été réalisés dès l'origine ;

- le remplacement de l'échelle ne constitue pas un désordre, ou une cause des désordres dont il pourrait être demandé réparation ;

- le préjudice concernant la reprise des étanchéités du réseau d'eaux pluviales sera rejeté dès lors que, comme les autres défendeurs, elle n'est pas intervenue sur ce réseau et n'a pas participé à sa mise en place, et que cet élément n'est en réalité pas une cause des désordres constatés ;

- le préjudice concernant la fourniture et la pose d'un profil acier IPN doit être rejeté dès lors qu'il s'agit de travaux d'amélioration qui ne figuraient pas aux marchés d'origine et ne sont pas nécessaires pour remédier aux désordres constatés ;

- le préjudice concernant l'installation d'un local de stockage des cendres, évalué à la somme de 15 000 euros, ne peut être indemnisé dès lors qu'il n'est pas lié aux désordres, qu'il s'agit de travaux d'amélioration de l'ouvrage et qu'il n'est pas justifié ; il sera donc rejeté ou subsidiairement ramené à de plus justes proportions ;

- le préjudice concernant l'évacuation des résidus et cendres, qui correspond à des travaux d'amélioration des ouvrages, sera rejeté ;

- le préjudice au titre des frais complémentaires d'exploitation de la société Dalkia à raison de 185 heures en plus des 60 heures prévues au contrat de maintenance initial n'est pas justifié ;

- le préjudice relatif au remplacement de la chaudière gaz doit être rejeté dès lors qu'il n'est pas lié aux désordres affectant la chaudière bois, que le coefficient de vétusté de 40 % retenu par l'expert est sous-évalué et que l'installation de deux chaudières en cascade d'une puissance de 900 kw en lieu et place de la chaudière de 800 kw seule constitue des travaux d'amélioration ne pouvant être indemnisés ; si ce poste de préjudice était retenu, il y aurait lieu de se baser sur le remplacement à l'identique de la chaudière gaz existante, et d'appliquer un coefficient de vétusté de 70 % minimum ;

- la demande d'indemnisation des prétendues pertes financières en coût d'exploitation durant 9 années à hauteur de 215 058 euros fait double emploi avec la demande au titre de la surconsommation de gaz et sera donc rejetée ;

- la perte de chance de réaliser un gain de fonctionnement sur 10 année n'existe pas ;

- à défaut de justification du régime fiscal dont la société requérante dépend et qui lui permet de solliciter l'application de la TVA, les condamnations seront prononcées hors taxe ;

- la société requérante sera déboutée de sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, à tout le moins celle-ci sera ramenée à de plus justes proportions ;

- le jugement à intervenir sera déclaré opposable à Maître G... B..., ès qualité de mandataire liquidateur de la société Voiron, désigné en cette qualité par jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 31 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code civil ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... ;

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

- les observations de Me E... pour la société d'économie mixte locale (SEML) Cristal Habitat, et celles de Me F... pour la Sarl Cena Ingénierie ;

Considérant ce qui suit :

1. En 2004, l'office public d'aménagement et de construction (OPAC) de Chambéry, devenu l'office public de l'habitat " Chambéry Alpes Habitat ", aux droits duquel vient la société d'économie mixte locale (SEML) Cristal Habitat, a entrepris la rénovation de l'installation de chauffage d'un ensemble de 253 logements, situé 170 Chemin des Trolles, dit " le Piochet " à Chambéry, consistant en la fourniture et la pose d'une chaufferie bois, en remplacement d'un chauffage au gaz, et en l'adaptation des locaux et des équipements permettant sa mise en place et son fonctionnement. Le 8 avril 2004, elle a confié la maîtrise d'oeuvre à un groupement de maitrise d'oeuvre, constitué notamment de la société Céna Ingénierie. Par acte d'engagement du 6 juillet 2004, la réalisation du lot n° 210 " Chauffage " a été confié à la société Voiron. Par acte d'engagement du même jour, le lot n° 221 " Chaufferie bois " relatif à la fourniture, la pose et la mise en service de la chaudière bois, a été confié à la société Solaire et Biomasse Thermique. La mise en service de l'ouvrage est intervenue le 26 octobre 2004, et la réception des lots nos 210 et 221 a été prononcée le 4 novembre 2004 sans réserves. La société Dalkia, chargée d'assurer la maintenance de l'installation de chauffage, a constaté peu après des dysfonctionnements affectant l'ouvrage. La société Cristal Habitat a demandé la condamnation de la société Céna Ingénierie, de la société Voiron, de la société Solaire et Biomasse Thermique et de la compagnie d'assurance Covea Risks à l'indemniser de l'ensemble des préjudices découlant des dysfonctionnements et de la mise à l'arrêt de la chaudière à bois. Par un jugement n° 1600951 du 26 mars 2019, dont elle relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre la compagnie Covea Risks comme portée devant une juridiction incompétence pour en connaître et rejeté le surplus de sa demande.

Sur la responsabilité décennale des constructeurs :

2. Il résulte de l'instruction, en particulier des éléments du dossier soumis aux premiers juges que Chambéry Alpes Habitat, aux droits duquel vient la société Cristal Habitat, n'a pas devant le tribunal fondé son action indemnitaire en réparation des préjudices découlant des dysfonctionnements et de la mise à l'arrêt de la chaudière à bois sur la responsabilité décennale des constructeurs mais s'est prévalu uniquement des manquements des divers opérateurs susceptibles d'engager leur responsabilité contractuelle. Elle s'est en effet bornée, dans ses mémoires enregistrés les 7 et 20 février 2018, pour répondre à un argument de la société Céna Ingénierie, à mentionner la responsabilité décennale comme un fondement de responsabilité invocable indépendamment de la réception de l'ouvrage, sans toutefois développer une argumentation spécifique en lien avec ce fondement. Ainsi, comme le fait valoir la société Cena, et alors d'ailleurs que l'appelante ne conteste pas la portée donnée à ses conclusions par les premiers juges qui ne se sont pas estimés saisis d'une demande au titre de la responsabilité décennale des constructeurs, la demande formée devant la cour sur un tel fondement qui relève d'une cause nouvelle en appel n'est donc pas recevable.

Sur la responsabilité contractuelle hors devoir de conseil du maître d'oeuvre :

3. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. La réception interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation.

4. Il résulte de l'instruction que le maître d'ouvrage a prononcé la réception sans réserve des travaux de la société Solaire et Biomasse et Thermique et de la société Voiron le 4 novembre 2004. Ainsi, comme l'ont jugé à juste titre les premiers juges, cette réception sans réserves a pour effet de mettre fin à la responsabilité contractuelle des sociétés Solaire et Biomasse et Thermique et Voiron quant à la réalisation de l'ouvrage, ainsi que du maître d'oeuvre en dehors de son devoir de conseil lors de la réception de l'ouvrage, et la société requérante ne fait pas état de stipulations contractuelles particulières qui s'y opposeraient. Par suite, la société Cristal Habitat n'est pas fondée à invoquer la responsabilité contractuelle de ces constructeurs.

Sur la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre pour manquement à son devoir de conseil lors de la réception de l'ouvrage :

5. Aux termes de l'article 11 du décret du 29 novembre 1993 susvisé relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé : " L'assistance apportée au maître de l'ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement a pour objet : a) D'organiser les opérations préalables à la réception des travaux ; b) D'assurer le suivi des réserves formulées lors de la réception des travaux jusqu'à leur levée ; c) de procéder à l'examen des désordres signalés par le maître de l'ouvrage (...) ".

6. Le maître d'oeuvre qui s'abstient d'attirer l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage dont il pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves, commet un manquement à son devoir de conseil de nature à engager sa responsabilité. Le caractère apparent ou non des vices en cause lors de la réception est sans incidence sur le manquement du maître d'oeuvre à son obligation de conseil, dès lors qu'il avait eu connaissance de ces vices en cours de chantier.

7. Si la société requérante soutient que le maître d'oeuvre encourt une responsabilité spécifique liée à son obligation de conseil à tous les stades de la construction, que ce soit celui de la conception, de l'exécution des travaux ou encore de la réception, elle n'explique pas en quoi la responsabilité contractuelle de la société Céna Ingénierie serait engagée pour manquement à son devoir de conseil. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'oeuvre ait eu connaissance des désordres avant la réception et qu'ainsi la société Cena Ingénierie, qui avait notamment la mission d'assistance aux opérations de réception (AOR), ait manqué à son devoir de conseil lors de la réception de l'ouvrage.

Sur les dépens :

8. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à juste titre que les premiers juges ont mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 21 181,09 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Grenoble du 25 février 2014, à la charge définitive de la société Cristal Habitat.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les conclusions présentées à ce titre par la société Cristal Habitat, partie perdante, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société d'économie mixte locale Cristal Habitat est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'économie mixte locale Cristal Habitat, à la société Cena Ingénierie, à la société Voiron représentée par Me G... B..., mandataire liquidateur, et à la société Solaire et Biomasse Thermique.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2021.

2

N° 19LY02210


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02210
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : CABINET ALCALEX - SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-08;19ly02210 ?
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