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08/04/2021 | FRANCE | N°18LY04197

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 08 avril 2021, 18LY04197


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI N au Carré et M. C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 mars 2015 par lequel le préfet de l'Ardèche a, d'une part, déclaré d'utilité publique les travaux de captage du ruisseau de Marcelly, effectués par la commune de Marcols les Eaux, et les mesures de protection de ce captage et, d'autre part, autorisé la production d'eau et sa distribution pour la consommation humaine par cette commune, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI N au Carré et M. C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 mars 2015 par lequel le préfet de l'Ardèche a, d'une part, déclaré d'utilité publique les travaux de captage du ruisseau de Marcelly, effectués par la commune de Marcols les Eaux, et les mesures de protection de ce captage et, d'autre part, autorisé la production d'eau et sa distribution pour la consommation humaine par cette commune, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1508090 du 26 septembre 2018, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 26 novembre 2018, le 16 mars 2020 et le 20 avril 2020, la SCI N au Carré et M. C..., représentés par la SELARL Khôra avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé, alors que la préfecture n'a produit aucune pièce justifiant de l'existence d'une délégation de signature et de sa publication, que le signataire de l'arrêté était compétent en vertu d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- l'information du public sur les modalités de l'enquête publique a été insuffisante en violation de l'article L. 123-10 du code de l'environnement, la publication dans " l'Hebdo de l'Ardèche " effectuée le 16 octobre 2014 ne précisant pas l'ensemble des permanences assurées par le commissaire enquêteur et ne mentionnant que les permanences concernant la source de la Beaume ;

- le dossier qui a été soumis à enquête publique, qui ne comporte pas de notice explicative, pas d'étude agro-environnementale, une appréciation sommaire des dépenses erronée, un rapport hydrogéologique, repris par le rapport de la direction départementale des territoires, erroné et insuffisant, est incomplet ;

- le commissaire enquêteur a émis un avis favorable avec des réserves qui n'ont pas été levées ;

- le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques n'a pas été régulièrement convoqué ;

- le projet, qui comporte des atteintes excessives pour la propriété privée, est dépourvu d'utilité publique ;

- les prescriptions édictées, qui entraînent, de fait, une interdiction générale et absolue des pratiques d'élevage et une interdiction de tout développement de l'activité sylvicole, sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SCI N au Carré et M. C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2021, la commune de Marcols les Eaux, agissant par son maire, conclut au rejet de la requête. Ce mémoire n'a pas été communiqué.

L'instruction, dont la clôture avait été reportée au 20 avril 2020 par une ordonnance du 13 mars 2020, a été rouverte par la communication du mémoire présenté par la SCI N au Carré et M. C... le 20 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SCI N au Carré et M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 10 mars 2015, le préfet de l'Ardèche a, d'une part, déclaré d'utilité publique les travaux de création d'une prise d'eau dans le ruisseau de Marcelly, effectués par la commune de Marcols les Eaux, et les mesures de protection de ce captage et, d'autre part, autorisé la production d'eau et sa distribution pour la consommation humaine par cette commune. La SCI N au Carré, qui possède des terrains concernés par cette opération, et M. C..., qui exploite ces terrains, relèvent appel du jugement du 26 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable : " En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines mentionné à l'article L. 215-13 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés. (...)". Aux termes de l'article L. 215-13 du code de l'environnement : " La dérivation des eaux d'un cours d'eau non domanial, d'une source ou d'eaux souterraines, entreprise dans un but d'intérêt général par une collectivité publique ou son concessionnaire, par une association syndicale ou par tout autre établissement public, est autorisée par un acte déclarant d'utilité publique les travaux. ".

3. En l'absence de dispositions spécifiques organisant la procédure qui leur est applicable, les actes portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique rappelées ci-dessus sont régis par les dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué.

4. Aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors applicable : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : / I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages (...) / 5° L'appréciation sommaire des dépenses (...) ". L'obligation ainsi faite à l'autorité publique qui poursuit la déclaration d'utilité publique de travaux ou d'ouvrages a pour but de permettre à tous les intéressés de s'assurer que ces travaux ou ouvrages, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à l'époque de l'enquête, ont un caractère d'utilité publique. Toutefois, la seule circonstance que certaines dépenses auraient été omises n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la procédure si, compte tenu de leur nature, leur montant apparaît limité au regard du coût global de l'opération et ne peut être effectivement apprécié qu'au vu d'études complémentaires postérieures, rendant ainsi incertaine leur estimation au moment de l'enquête.

5. L'arrêté en litige définit, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique, un périmètre de protection rapprochée, comprenant deux zones, où sont interdits ou réglementés toutes les activités et tous les rejets susceptibles d'altérer la qualité de l'eau prélevée. Sont notamment interdits dans ce périmètre tout nouveau prélèvement d'eau par pompage, l'épandage de pesticides, l'installation de bâtiments d'élevage hormis l'extension d'un bâtiment existant ou d'un équipement existant, le dessouchage, le stockage de longue durée du bois et le traitement de conservation sur place. Sont notamment réglementés les points de fixation du bétail, le stockage et l'épandage du lisier, purin, fumier et des engrais et la coupe à blanc du bois.

6. Les dépenses nécessaires à l'indemnisation des propriétaires et exploitants des terres comprises dans ce périmètre abondent nécessairement le coût global de l'opération. Contrairement à ce que fait valoir l'administration, eu égard aux contraintes imposées dans ce périmètre, les propriétaires et exploitants ont droit à une indemnisation. Le coût global de l'opération a été évalué, selon le dossier soumis à l'enquête publique, à 22 000 euros. Il n'apparait pas que cette somme inclut les dépenses nécessaires à l'indemnisation des propriétaires et exploitants des terres situées dans ce périmètre. Les requérants ont produit pour la première fois en appel le rapport d'un expert, dont les conclusions n'ont pas été contestées par l'administration, évaluant à 92 300 euros les dépenses induites pour l'exploitation agricole du fait de l'instauration du périmètre de protection pour les seules parcelles dont ils sont propriétaires. Si l'estimation sommaire des dépenses mentionne une somme de 1 400 euros au titre des " documents d'arpentage, indemnisation éventuelle, frais divers ", son intitulé ne permet pas de déterminer précisément son objet et son montant est, en tout état de cause, eu égard aux contraintes imposées dans le périmètre de protection rapprochée et à sa superficie, manifestement insuffisant pour faire face aux dépenses nécessaires à l'indemnisation des propriétaires et exploitants des parcelles. Dès lors, l'évaluation sommaire des dépenses présentée dans le dossier soumis à enquête publique était insuffisante alors que rien ne faisait obstacle à ce qu'elles puissent être appréciées au moment de l'enquête publique. Les montants ainsi omis n'apparaissent pas par ailleurs d'une importance limitée au regard du coût global de l'opération. Dans ces conditions, cette insuffisance du dossier soumis à l'enquête publique a entaché cette dernière d'irrégularité. La SCI N au Carré et M. C... sont par suite fondés à soutenir que l'arrêté litigieux, dont par ailleurs il n'est toujours pas établi que le signataire disposait d'une délégation de signature régulièrement publiée, a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation ainsi que celle du rejet de leur recours gracieux.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCI N au Carré et M. C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 10 mars 2015 du préfet de l'Ardèche, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux de la SCI N au Carré et de M. C... et le jugement n° 1508090 du 26 septembre 2018 du tribunal administratif de Lyon sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la SCI N au Carré et à M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI N au Carré, représentant unique des requérants en application des dispositions du troisième alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la commune de Marcols les Eaux et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2021.

2

N° 18LY04197


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04197
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-02-01-01-01-03 Expropriation pour cause d'utilité publique. Règles générales de la procédure normale. Enquêtes. Enquête préalable. Dossier d'enquête. Appréciation sommaire des dépenses.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL KHÔRA AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-08;18ly04197 ?
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