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01/04/2021 | FRANCE | N°20LY02039

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 01 avril 2021, 20LY02039


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 2 août 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1909135 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon :

- a annulé les décisions du 2 août 2019 du préfet du Rhône (article 1er) ;

- a enjoint au préfet du Rhône

de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. C... après l'avoir soumise pour avi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 2 août 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1909135 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon :

- a annulé les décisions du 2 août 2019 du préfet du Rhône (article 1er) ;

- a enjoint au préfet du Rhône de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. C... après l'avoir soumise pour avis à la commission du titre de séjour selon la procédure prévue par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement et dans l'attente, a enjoint au préfet de délivrer à M. C... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler (article 2) ;

- a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à la SCP A...-Zouine au titre des frais liés au litige, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que la SCP A...-Zouine renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat (article 3) ;

- a rejeté le surplus des conclusions de sa demande (article 4).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2020, le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1, 2 et 3 de ce jugement du 7 juillet 2020 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. C....

Il soutient que :

- son recours est recevable ;

- M. C... ne présente aucun élément nouveau sur sa situation personnelle pouvant justifier une nouvelle saisine de la commission du titre de séjour ;

- l'intéressé peut effectivement disposer d'un traitement adapté à son état de santé en Turquie ;

- les stipulations protégeant sa vie privée et familiale n'ont pas été méconnues ;

- les autres décisions ne sont pas illégales du fait de l'absence d'illégalité du refus de titre de séjour.

Par un mémoire enregistré le 21 janvier 2021, M. C..., représenté par Me A..., avocat, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour d'un an dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et de le convoquer sans délai pour lui délivrer un récépissé de demande de carte de séjour l'autorisant à travailler ; en cas d'annulation de la seule obligation de quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet, de lui délivrer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, une autorisation provisoire de séjour jusqu'à réinstruction de sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- le préfet devait saisir la commission du titre de séjour car il justifiait d'éléments nouveaux ;

- le préfet ne justifie pas que le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ait examiné la possibilité d'un traitement en Turquie, ni qu'un traitement effectif soit disponible dans ce pays ;

- il vit en France depuis plus de 15 ans et y a ancré le centre de ses intérêts ; le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- compte tenu de son état de santé, cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- les observations de Zouine, représentant M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant turc, né le 1er janvier 1968, est entré irrégulièrement en France, le 16 avril 2004. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 26 mai 2005. Ce refus a été confirmé par la commission de recours des réfugiés, le 1er mars 2006. Le 16 juin 2006, sa demande de réexamen a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et ce rejet a été confirmé par la Commission de recours des réfugiés, le 1er février 2007. A compter du 8 octobre 2007, il a bénéficié d'une carte de séjour en qualité d'étranger malade qui a été renouvelée jusqu'au 1er août 2010. Le 22 novembre 2010, sa demande de renouvellement de son titre a été rejetée et il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Ces décisions ont été confirmées par le tribunal administratif de Lyon, le 31 mai 2011, puis par la cour, le 18 octobre 2012. Le 21 janvier 2013, il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, mais le 9 décembre 2014, le préfet a refusé de renouveler ce titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Ces décisions ont été annulées par le tribunal administratif de Lyon, le 30 septembre 2015. Le 3 mai 2016, la situation de M. C... a été examinée par la commission du titre de séjour et le 31 mai 2016, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Le 13 juillet 2018, M. C... a présenté une nouvelle demande d'admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-10, L. 313-11, 7°, L. 313-11, 11° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par décisions du 2 août 2019, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions du 2 août 2019 et a enjoint au préfet notamment de réexaminer la situation de l'intéressé. Le préfet du Rhône relève appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de M. C....

2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) "

3. Pour contester le vice de procédure retenu par les premiers juges et tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour, le préfet du Rhône fait valoir en appel que M. C... dont la situation a été examinée par la commission du titre de séjour, le 3 mai 2016, lors d'une précédente demande de titre de séjour n'a fait état d'aucun élément nouveau depuis cet avis du 3 mai 2016, le temps écoulé depuis lors ne pouvant être regardé, par lui-même, comme un fait nouveau. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est prévalu d'une promesse d'embauche du 8 février 2018 du restaurant Istambul à Lyon. S'il est constant que ce restaurant a cessé son activité le 31 juillet 2018, cette promesse d'embauche n'en constituait pas moins un témoignage de la volonté d'insertion professionnelle que l'intéressé aurait pu valablement porter à la connaissance de la commission du titre de séjour. Il en est de même des éléments relatifs à l'évolution de l'état de santé de l'intéressé et à sa vulnérabilité dont la commission du titre de séjour aurait pu apprécier la teneur, alors qu'à l'issue de sa réunion du 3 mai 2016, la commission du titre de séjour avait rendu " un avis partagé ", " eu égard au parcours et aux graves pathologies de M. C... ". Dans ces conditions, la circonstance que le préfet n'a pas consulté une seconde fois la commission du titre de séjour à la suite de la nouvelle demande de titre de séjour présentée par M. C..., a effectivement privé l'intéressé d'une garantie. Par suite, les premiers juges ont, à bon droit, annulé le refus de titre de séjour qui lui a été opposé au motif qu'il était intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière. C'est également à bon droit, qu'ils ont annulé, par voie de conséquence les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Le présent arrêt qui rejette la requête du préfet du Rhône n'implique pas d'autre mesure d'exécution que celles qui ont été prononcées par les premiers juges.

Sur les frais liés au litige d'appel :

5. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 7611 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. En application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à Me A..., avocat de M. C..., sous réserve de renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Rhône est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me A..., avocat de M. C..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Les conclusions de M. C... sont rejetées pour le surplus.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... C... et à Me A....

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.

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N° 20LY02039

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02039
Date de la décision : 01/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-01;20ly02039 ?
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