Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Grande Pharmacie des Gratte-ciel a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 septembre 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de la 37ème section du département du Rhône a refusé de l'autoriser à licencier M. F... C..., ensemble la décision du 7 mai 2019 par laquelle le ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé contre cette décision, et d'enjoindre au ministre du travail de réexaminer son recours hiérarchique.
Par jugement n° 1905071 lu le 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire (non communiqué) enregistrés les 13 février 2020 et 21 octobre 2020, M. F... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon lu le 17 décembre 2019 ;
2°) de rejeter la demande de la société Grande Pharmacie des Gratte-ciel ;
3°) de mettre à la charge de la société Grande Pharmacie des Gratte-ciel le versement d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le grief relatif à la prise du poste de travail avec retard sans motif et sans autorisation est imprécis et n'est pas matériellement établi ;
- le grief tiré de ce qu'il ferait régner un climat de crainte et de peur dans l'équipe n'est pas matériellement établi ; il conteste la matérialité des faits reprochés à l'égard d'une apprentie le 13 juillet 2018, lesquels se sont déroulés en dehors du temps de travail ;
- les actes reprochés du 19 juillet 2018 ne constituent pas un acte de violence à l'encontre de ses collègues et sont ainsi dépourvus de gravité alors qu'il conteste la matérialité des menaces de mort qui lui sont imputées ;
- il ne peut pas lui être reproché de s'être rendu au sein de la pharmacie le 21 juillet 2018 dès lors qu'il n'était pas informé de sa mise à pied conservatoire et alors qu'aucune disposition du règlement intérieur n'interdit au salarié de se rendre à la pharmacie en dehors de son temps de travail ;
- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec son mandat ;
- il n'a jamais fait l'objet de sanction disciplinaire depuis son embauche et son licenciement est disproportionné.
Par mémoire enregistré le 5 juin 2020, la société Grande Pharmacie des Gratte-ciel, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande à ce que soit mis à la charge de M. C... le versement d'une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, faute pour M. C... de critiquer le jugement attaqué ;
- à titre subsidiaire, les griefs sont établis et d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressé.
Par ordonnance du 24 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me A... pour M. C..., ainsi que celles de Me E... substituant Me D... pour la société Grande Pharmacie des Gratte-ciel ;
Considérant ce qui suit :
1. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives comme, pendant un certain laps de temps, les candidats à de telles fonctions bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution du mandat dont il est investi. L'autorité administrative ne peut légalement faire droit à une telle demande d'autorisation de licenciement que si l'ensemble de ces exigences est rempli.
2. En premier lieu, pour solliciter l'autorisation de licencier M. C..., pharmacien adjoint employé depuis le 1er septembre 2009 et candidat aux élections de délégué du personnel organisées en mars 2018, la société Grande Pharmacie des Gratte-ciel a fait état lors de sa demande du 30 juillet 2018 à l'inspection du travail de différents griefs à l'encontre de son salarié.
3. Tout d'abord et ainsi qu'il a été retenu à bon droit par les premiers juges, les griefs tirés des retards et absences sans autorisation de M. C..., notamment lors de pauses à l'extérieur de la pharmacie, ou encore de propos injurieux vis-à-vis d'un associé le 19 juillet 2018 ou à l'égard d'une collègue devant une cliente ne sont pas suffisamment établis en l'absence de fiches horaires précises et compte tenu d'une tolérance accordée pour les pauses et, s'agissant des injures, en l'absence de témoins directs.
4. Toutefois, les autres griefs relatifs au comportement de M. C... à l'égard d'une apprentie préparatrice en pharmacie, le 13 juillet 2018, doivent être considérés comme établis compte tenu de l'attestation non contestée de l'intéressée et des craintes exprimées par les membres de sa famille. De tels faits, bien qu'ils aient eu lieu en dehors des horaires et du lieu de travail doivent être considérés, compte tenu de leur lien avec l'activité professionnelle de l'intéressé chargé de la formation de cette apprentie, comme constitutifs d'une faute. Par ailleurs, et ainsi qu'il en ressort des attestations de salariés et du procès-verbal de la police, M. C..., le 19 juillet 2018 a eu un comportement violent à l'égard de ses collègues sur son lieu de travail et a proféré à leur encontre des menaces de mort, nécessitant l'intervention des forces de l'ordre. Enfin, il n'est pas contesté que l'intéressé s'est présenté le 21 juillet 2018 à l'officine pour délivrer des médicaments alors qu'il était en arrêt maladie. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, qui démontrent le comportement inapproprié de M. C... envers une apprentie, et violent à l'encontre de ses collègues et des associés de la pharmacie, nonobstant l'ancienneté de l'intéressé et l'absence de précédente sanction disciplinaire ou encore les difficultés personnelles qu'il a rencontrées, les faits reprochés étaient d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressé.
5. En second lieu, la décision du 7 mai 2019 du ministre du travail confirmant la décision de l'inspecteur du travail ne retenant pas l'existence d'un lien entre la procédure de licenciement et la protection dont bénéficiait le salarié, le moyen tiré de que cette décision serait fondée sur l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et l'activité syndicale de M. C... est inopérant.
6. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 27 septembre 2018 de l'inspecteur du travail de la 37ème section du département du Rhône et la décision du 7 mai 2019 du ministre du travail confirmant cette décision et a enjoint à l'inspecteur du travail de procéder au réexamen de la demande de la société Grande Pharmacie des Gratte-ciel et de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Grande Pharmacie des Gratte-ciel, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Grande Pharmacie des Gratte-ciel à l'encontre de M. C... sur ce même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Grande Pharmacie des Gratte-ciel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C..., au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la société Grande Pharmacie des Gratte-ciel.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.
N° 20LY00646