Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Akka Ingénierie Produit a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 2 juillet 2018 par laquelle le ministre du travail, retirant sa décision implicite de rejet de recours hiérarchique née le 8 avril 2018, a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 2ème section de l'unité départementale du territoire de Belfort du 10 octobre 2017 et a refusé de l'autoriser à licencier M. D... B....
Par jugement n° 1806449 lu le 25 juin 2019, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire (non communiqué) enregistrés le 29 août 2019 et le 5 mars 2021, la société Akka Ingénierie Produit, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'inspecteur du travail de la 2ème section de l'unité départementale du territoire de Belfort était compétent pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. A... B... ;
- les faits reprochés sont établis et imputables à M. A... B... ;
- le ministre du travail n'a pas respecté le délai pour retirer sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique.
L'affaire ayant été dispensée d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, le mémoire enregistré le 20 mars 2020, présenté pour M. A... B... n'a été ni analysé ni communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
La société Akka Ingénierie Produit a été régulièrement avertie du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., recruté en 2011 par la société Akka Ingénierie Produit, spécialisée dans la fourniture de prestations d'énergies, exerçait les fonctions de chef de projet sur le site de Belfort et était investi du mandat de conseiller du salarié. Son employeur a demandé, par lettre du 14 septembre 2017, l'autorisation de le licencier. Par décision du 10 octobre 2017, l'inspection du travail du territoire de Belfort la lui a accordée. Saisi, le 7 décembre 2017, d'un recours hiérarchique de M. A... B..., le ministre du travail a implicitement confirmé, le 8 avril 2018, la décision de l'inspecteur du travail. Mais, par décision du 2 juillet 2018, il a retiré cette décision implicite, a annulé la décision du 10 octobre 2017 au motif que son auteur était territorialement incompétent et a refusé d'autoriser le licenciement en raison de la subsistance d'un doute sur l'imputabilité du fait reproché au salarié. La société Akka Ingénierie Produit relève appel du jugement du 25 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
En ce qui concerne le retrait du rejet implicite de recours hiérarchique et l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 10 octobre 2017 :
2. Aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours (...) du salarié (...) / (...) / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ", et aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut (...) retirer une décision créatrice de droits (...) que si elle est illégale et si (...) le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".
3. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur le recours hiérarchique formé par M. A... B... a fait naître un rejet de ce recours, le 8 avril 2018, que le ministre du travail pouvait, en vertu de l'article L. 242-1 précité du code des relations entre le public et l'administration, retirer dans le délai de quatre mois à condition que cette décision implicite soit entachée d'illégalité, ce qui implique que celle-ci ait à tort refusé de faire droit au recours hiérarchique en annulant ou en réformant la décision de l'inspecteur du travail.
4. Or et d'une part, le retrait litigieux a été prononcé dans le délai de quatre mois décompté depuis le 8 avril 2018, sans égard au caractère tacite de la décision retirée, aucune disposition législative ou réglementaire ou principe général du droit ne limitant l'exercice de la faculté ouverte par l'article L. 242-1 précité du code des relations entre le public et l'administration aux décisions expresses.
5. D'autre part, les articles L. 2421-3 et R. 2421-10 du code du travail attribuent à l'inspecteur du travail dans le ressort duquel est implanté l'établissement disposant d'une autonomie de gestion suffisante la compétence pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement du salarié. Le siège social de la société Akka Ingénierie Produit est implanté à Boulogne Billancourt et son siège administratif, à Lyon, tandis que l'agence de Belfort ne dispose pas d'autonomie de gestion, notamment en ressources humaines, permettant de caractériser un établissement au sens des dispositions susmentionnées du code du travail. Il suit de là que la décision prise le 10 octobre 2017 par l'inspecteur du travail de Belfort était entachée d'incompétence de son auteur et que le refus implicite de l'annuler était lui-même illégal, de telle sorte que le ministre du travail a pu, sans méconnaître l'article L. 242-1 précité du code des relations entre le public et l'administration, en prononcer le retrait exprès.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Akka Ingénierie Produit n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le ministre a retiré la décision créatrice de droits ayant rejeté implicitement le recours hiérarchique présenté par M. A... B... contre la décision l'ayant autorisée à le licencier et qu'il y a lieu, pour la cour, d'examiner la légalité du motif sur lequel le ministre s'est fondé, après nouvel examen, pour rejeter la demande d'autorisation présentée par l'employeur.
En ce qui concerne le refus d'autoriser le licenciement de M. A... B... :
7. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. En outre, il résulte des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail que, lorsqu'un doute subsiste au terme de l'instruction diligentée par le juge de l'excès de pouvoir sur l'exactitude matérielle des faits à la base des griefs formulés par l'employeur, ce doute profite au salarié.
8. Le geste de colère imputé par l'employeur à M. A... B... lors d'un trajet routier effectué, le 6 juillet 2017, à l'occasion d'un différend l'ayant opposé à son responsable hiérarchique qui conduisait le véhicule est contesté par l'intéressé et n'a pu être observé par aucun témoin si ce n'est le conducteur, chaque protagoniste ayant intérêt à faire supporter à l'autre la survenue de l'incident. Compte tenu de la subsistance d'un doute sur la matérialité de la faute imputée à M. A... B..., le ministre a pu, sans méconnaître l'article L. 1235-1 du code du travail, rejeter l'autorisation de licenciement présentée par la société Akka Ingénierie Produit.
9. Il résulte de ce qui précède que la société Akka Ingénierie Produit n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 2 juillet 2018 du ministre du travail portant retrait de rejet implicite du recours hiérarchique, annulation de l'autorisation délivrée le 10 octobre 2017 et refus d'autoriser le licencier M. A... B.... Les conclusions de sa requête, présentées aux mêmes fins, doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les conclusions présentées par la société Akka Ingénierie Produit, partie perdante, contre l'État doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Akka Ingénierie Produit est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Akka Ingénierie Produit, au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à M. D... B....
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.
N° 19LY03372 2