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25/03/2021 | FRANCE | N°19LY02200

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 25 mars 2021, 19LY02200


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C..., M. G... J..., M. L... J..., M. A... J..., Mme E... J..., M. K... J... et M. I... J... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- de condamner l'Etat à verser à Mme B... C... une indemnité de 50 000 euros, à MM. Francis J..., Dominique J... et Guy J... des indemnités de 40 000 euros chacun et à Mme E... J..., M. K... J... et M. I... J... des indemnités de 25 000 euros chacun ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros pour chacun des requérants au titr

e de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 16068...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C..., M. G... J..., M. L... J..., M. A... J..., Mme E... J..., M. K... J... et M. I... J... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- de condamner l'Etat à verser à Mme B... C... une indemnité de 50 000 euros, à MM. Francis J..., Dominique J... et Guy J... des indemnités de 40 000 euros chacun et à Mme E... J..., M. K... J... et M. I... J... des indemnités de 25 000 euros chacun ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros pour chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1606850 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2019, Mme B... C..., M. G... J..., M. L... J..., M. A... J..., Mme E... J..., M. K... J... et M. I... J..., représentés par Me D..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement susmentionné n° 1606850 du 4 avril 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner l'Etat à verser à Mme B... C... une indemnité de 50 000 euros, à MM. Francis J..., Dominique J... et Guy J... des indemnités de 40 000 euros chacun et à Mme E... J..., M. K... J... et M. I... J... des indemnités de 25 000 euros chacun ;

3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable dès lors qu'elle a été introduite dans le délai d'appel et qu'ils ont intérêt à agir eu égard à leurs liens familiaux avec M. F... J... ;

- le service pénitentiaire de la maison d'arrêt de Grenoble-Varces a commis des fautes en raison d'un défaut de vigilance appropriée et de surveillance effective de M. F... J... et de prise en compte de sa détresse, alors que le risque de suicide de l'intéressé, qui était fragile psychologiquement, était sérieux et connu ;

- ils ont subi un préjudice moral important du fait du décès de M. F... J..., qui est en lien direct avec les fautes précitées, évalué aux sommes de 50 000 euros pour Mme B... C..., sa mère, 40 000 euros pour MM. Francis, Dominique et Guy J..., M. L... J..., ses frères, et 25 000 euros pour Mme E... J... et MM. Gauthier et Timothy J..., sa nièce et ses neveux.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2020, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que l'administration pénitentiaire n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité.

La clôture de l'instruction a été fixée au 8 octobre 2020 par une ordonnance du 21 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. H... ;

- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. F... J..., né le 21 janvier 1963, qui avait été placé en détention provisoire, le 13 mai 2016 à la maison d'arrêt de Grenoble-Varces, s'est suicidé dans sa cellule dans la nuit du 13 au 14 mai 2016. Mme B... C..., mère de M. F... J..., ses frères, MM. Francis, Dominique et Guy J..., M. L... J..., sa nièce, Mme E... J..., et ses neveux, MM. Gauthier et Timothy J..., ont, après avoir adressé une demande préalable d'indemnisation à l'administration, demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à les indemniser du préjudice moral qu'ils ont subi en raison du décès de M. F... J.... Par un jugement n° 1606850 du 4 avril 2019, dont les intéressés relèvent appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. La responsabilité de l'Etat en cas de préjudice matériel ou moral résultant du suicide d'un détenu peut être recherchée pour faute des services pénitentiaires en raison notamment d'un défaut de surveillance ou de vigilance. Une telle faute ne peut toutefois être retenue qu'à la condition qu'il résulte de l'instruction que l'administration n'a pas pris, compte tenu des informations dont elle disposait, en particulier sur les antécédents de l'intéressé, son comportement et son état de santé, les mesures que l'on pouvait raisonnablement attendre de sa part pour prévenir le suicide.

3. Il ressort des pièces du dossier que le 12 mai 2016, le conseil des requérants a écrit au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble pour lui indiquer notamment que l'accusation dont M. F... J..., mis en examen pour des faits d'agression sexuelle sur un mineur de quinze ans par un ascendant et agression sexuelle incestueuse sur un mineur de quinze ans par un ascendant, fait l'objet, lui inflige une grande souffrance et que l'intéressé ne supportera pas de passer une nuit en détention. Une demande de suspendre la garde-à-vue jusqu'au lendemain est présentée à cette occasion, sans toutefois l'assortir d'éléments médicaux faisant état d'un risque suicidaire. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier de la notice individuelle concernant M. F... J..., renseignée le 13 mai 2016 par le juge d'instruction, que l'intéressé faisait l'objet d'un traitement pour dépression, qu'un examen médical et un examen psychiatrique urgents apparaissaient nécessaires et à terme, sa mise en observation au centre médico-psychologique régional, mais qu'aucun élément tenant à la situation ou au comportement de l'intéressé ne laissait craindre qu'il porte atteinte à son intégrité physique. Le juge des libertés et de la détention a apposé trois points d'interrogation en face de cette dernière mention, sans autre commentaire, en indiquant que M. J... était en arrêt de maladie pour dépression.

4. M. F... J... est arrivé à la maison d'arrêt le 13 mai 2016 vers 21 h. Il n'est pas apparu particulièrement fragile ni en crise suicidaire lors de son arrivée. Une première surveillante ayant constaté sur la notice individuelle précitée qu'un examen médical devait être effectué, a appelé le SAMU, a lu l'ordonnance avec les prescriptions et leur grammage au médecin régulateur, qui lui avait demandé des précisions sur le traitement en cours. Ce médecin s'est entretenu avec M. J... au téléphone, puis a demandé à la première surveillante de donner à l'intéressé les doses de médicaments prescrites pour le soir, de confier le surplus au service médical (unité de consultation et de soins ambulatoires) le lendemain, et de faire examiner M. J... par un médecin de ce service dès le lendemain matin. Le lieutenant de permanence a été avisé. Aucune mention n'a été faite par ce médecin du SAMU d'un risque suicidaire. M. J... a répondu calmement et clairement aux demandes faites pour compléter les éléments d'identité. Compte tenu de la nature des faits reprochés à M. J... et de son profil, il a été décidé de l'incarcérer dans une cellule comprenant un codétenu et de le placer en surveillance adaptée, ce qui imposait un contrôle à l'oeilleton toutes les deux heures environ. Un écriteau mentionnant en gros caractères " une surveillance + + + " a été apposé par la première surveillante sur la porte de la cellule afin d'attirer l'attention des agents de nuit sur la nécessité de surveiller particulièrement cette cellule. Après avoir porté la même mention sur " la feuille des CCR ", la première surveillante a de nouveau rappelé aux agents les modalités attendues de cette surveillance. Lors de la ronde de 23 h, un surveillant a constaté que M. J... bougeait sur son lit. M. F... J... a été retrouvé pendu dans sa cellule le 14 mai 2016 à 1 h 10, son décès étant constaté à 1 h 45 par un médecin du SAMU.

5. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que compte tenu des informations dont elle disposait, qui ne faisaient pas état d'un risque suicidaire caractérisé, l'administration pénitentiaire doit être regardée comme ayant pris les mesures que l'on pouvait raisonnablement attendre de sa part, et qu'elle n'a donc pas commis une faute, notamment un défaut de surveillance, de vigilance et de prise en considération de l'état de santé de M. F... J..., de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande d'indemnisation.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les conclusions présentées à ce titre par les requérants, partie perdante, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... C..., M. G... J..., M. L... J..., M. A... J..., Mme E... J..., M. K... J... et M. I... J... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., représentant unique des requérants en application des dispositions du troisième alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. H..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2021.

2

N° 19LY02200


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02200
Date de la décision : 25/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : GALLO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-25;19ly02200 ?
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