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25/03/2021 | FRANCE | N°19LY01846

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 25 mars 2021, 19LY01846


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par un jugement avant dire droit n° 1306954 du 5 avril 2016 confirmé, sur appel de la société SPIE Sud-Est, par un arrêt 16LY01866 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a ordonné une expertise afin de déterminer la ou les causes de la détérioration des réseaux de refroidissement du palais de justice de Grenoble.

Par un jugement n° 1306954 du 18 mars 2019, ce tribunal a condamné la société SPIE Sud-Est à verser à l'Etat la somme de 645 245,11 euros en réparation du préjudi

ce résultant de ce désordre et mis à sa charge les frais de l'expertise judiciaire.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par un jugement avant dire droit n° 1306954 du 5 avril 2016 confirmé, sur appel de la société SPIE Sud-Est, par un arrêt 16LY01866 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a ordonné une expertise afin de déterminer la ou les causes de la détérioration des réseaux de refroidissement du palais de justice de Grenoble.

Par un jugement n° 1306954 du 18 mars 2019, ce tribunal a condamné la société SPIE Sud-Est à verser à l'Etat la somme de 645 245,11 euros en réparation du préjudice résultant de ce désordre et mis à sa charge les frais de l'expertise judiciaire.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 mai 2019, la société SPIE Sud-Est, désormais dénommée SPIE Industrie et Tertiaire, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce second jugement et d'ordonner une nouvelle expertise au contradictoire de la société Engie Energie Services ;

2°) de condamner cette société à la garantir en totalité de la condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de tout succombant les dépens ainsi que la somme de 8 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- sa responsabilité ne peut être engagée sur la base d'un rapport d'expertise judiciaire subjectif et incomplet ;

- elle est fondée à appeler en garantie la société Engie Energie Services, en tant qu'elle vient aux droits de la société Cofathec Services, qui a conçu le réseau d'eau de rafraîchissement du palais de justice mêlant acier et cuivre sans palliatifs aux phénomènes d'érosion ;

- elle est fondée à demander la mise en cause de la société Engie Energie Services, en tant qu'elle vient aux droits de la société Elyo Centre-Est Méditerranée, puisque des percements se sont produits alors que cette société était chargée de la maintenance des installations ;

- il n'était pas nécessaire de remplacer la totalité du réseau ;

- un coefficient de vétusté de 50 à 80 % doit être appliqué au montant de la réparation.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2019, la société Engie Energie Services, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société SPIE Industrie et Tertiaire au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- les conclusions d'appel en garantie, nouvelles en appel, sont irrecevables ;

- elles sont présentées sur la base du rapport d'une expertise postérieure au dépôt du rapport d'expertise judiciaire et qui n'a pas été diligentée de manière contradictoire ;

- la société SPIE Sud-Est n'a pas émis de réserve sur le risque de corrosion lors de la prise en main de l'installation ;

- le rapport d'expertise judiciaire établit que sa responsabilité ne peut être engagée ni au titre des travaux réalisés par la société Elyo Centre-Est Méditerranée, ni au titre du contrat de maintenance de la société Cofathec Services.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 février 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions d'appel en garantie, nouvelles en appel, sont irrecevables ;

- elles sont présentées sur la base du rapport d'une expertise qui n'a pas été diligentée de manière contradictoire ;

- n'ayant pas demandé au juge des référés d'étendre les opérations d'expertise à la société Engie Energies Services, la société SPIE Industrie et Tertiaire n'est plus fondée à demander sa mise en cause ;

- une nouvelle expertise judiciaire serait inutile à la solution du litige ;

- les opérations d'expertise judicaire ont été régulières ;

- le tribunal a jugé à bon droit que la responsabilité de la société SPIE Sud-Est était engagée ;

- il a justement apprécié le préjudice de l'Etat.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de fournitures courantes et de services issu du décret n° 77-699 du 27 mai 1977 modifié ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société SPIE Industrie et Tertiaire et celles de Me E..., substituant Me D..., pour la société Engie Energie Services, exerçant son activité sous l'enseigne Engie Cofely.

Considérant ce qui suit :

1. l'État, en la personne du garde des sceaux, ministre de la justice, a confié par un acte d'engagement signé le 31 décembre 2008 à la société SPIE Sud-Est un marché à prix forfaitaire ayant pour objet pour la période courant du 1er janvier 2009 jusqu'au 31 décembre 2013 toutes les prestations intellectuelles, techniques et matérielles en vue d'assurer la conduite, la surveillance et les opérations de maintenance des installations techniques et de l'ensemble des éléments constitutifs du palais de justice de Grenoble. Au mois d'août 2012, des fuites sont apparues de façon aléatoire sur les canalisations en acier au carbone électrozingué distribuant l'eau de refroidissement dans les plafonds froids d'une trentaine de bureaux du palais de justice. Le garde des sceaux, ministre de la justice a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la société SPIE Sud-Est à lui verser la somme de 797 287,39 euros TTC en réparation du préjudice résultant de la détérioration de ces réseaux de refroidissement sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'entreprise. Par un jugement avant dire droit du 5 avril 2016, confirmé sur appel de la société SPIE Sud-Est, par un arrêt du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a ordonné une expertise. Sur la base du rapport de l'expert judiciaire déposé le 5 octobre 2017, ce tribunal a, par un jugement du 18 mars 2019, condamné la société SPIE Sud-Est à verser à l'Etat la somme de 645 245,11 euros en réparation du préjudice résultant de ce désordre et mis à sa charge les frais de l'expertise judiciaire. La société SPIE Sud-Est, désormais dénommée SPIE Industrie et Tertiaire, demande l'annulation de ce jugement ou subsidiairement la minoration de l'indemnité qu'elle a été condamnée à verser et à être totalement garantie par la société Engie Energie Services, venant aux droits des sociétés Cofathec Services et Elyo Centre Est Méditerranée, respectivement chargées des travaux de réalisation des installations de rafraîchissement du palais de justice et de de leur maintenance de 2002 à 2005.

Sur l'expertise judiciaire :

2. Aux termes de l'article R. 621-7 du code de justice administrative : " Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport ".

3. Il résulte de l'instruction que le pré-rapport d'expertise a été diffusé à l'ensemble des parties. Le dire de la société SPIE Sud-Est, et la réponse de l'expert, ont été consignés dans son rapport définitif qui était ainsi complet au regard des dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative. L'expert n'a pas non plus méconnu le principe d'impartialité dans l'énoncé de ses conclusions.

Sur la responsabilité :

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que les fuites apparues dans les tubes en acier zingué sont dues à une corrosion anormale provoquée, d'une part, par la présence de particules de cuivre causée par la corrosion et l'érosion des tubes en cuivre installés dans les faux plafonds et, d'autre part, par le faible PH de l'eau glacée en circulation dans ce réseau réfrigérant. Il résulte également de l'instruction que l'installation de climatisation était équipée de sept pompes, dont une pompe doseuse installée sur la branche d'alimentation en eau de ville permettant d'injecter dans le circuit d'eau glacée des produits inhibiteurs de corrosion, qui ont été injectés par ce procédé jusqu'en 2005, date à laquelle la pompe a cessé de fonctionner. Dans un rapport du 29 juin 2006, le fournisseur de la pompe, la société Permo, conseillait à la société SPIE Sud-Est d'injecter, après sa remise en service, 100 litres de produit inhibiteur de corrosion puis, lors des appoints d'eau futurs dans le circuit, un dosage plus faible pour maintenir une bonne protection anticorrosion. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que ces opérations n'ont pas été effectuées par la société SPIE Sud-Est, alors même que, selon ses affirmations, la pompe aurait été réparée à son initiative, ou par une autre entreprise. Par ailleurs, l'appelante n'établit pas que la société SPIE Sud-Est aurait procédé annuellement aux relevés et mesures de la qualité de l'eau préconisés par la société Cofathec Services, qui a réalisé les installations de climatisation. Par suite, le tribunal administratif de Grenoble a jugé à bon droit que la responsabilité de la société SPIE Sud-Est était engagée.

5. Par ailleurs, il résulte du rapport du laboratoire Apave Sud Europe, mandaté en 2012 par la société SPIE Sud-Est, et de celui du laboratoire auquel a fait appel l'expert judiciaire, que les échantillons de tubes en acier au carbone électrozingué fuyards analysés ne présentaient pas de défaut de soudure. Si la société SPIE Sud-Est a indiqué en 2006 dans son rapport de prise en charge de l'installation que les circuits d'alimentation d'eau glacée étaient partiellement emboués et que cette boue réduisait la circulation d'eau et diminuait l'efficacité de l'installation, ses constats portaient sur les seules performances objectives de l'installation, sans évoquer l'incidence de la corrosion. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que la société aurait pris l'initiative de proposer au maître d'ouvrage l'installation de vannes de purge pour limiter les conséquences des phénomènes constatés. Il s'ensuit qu'aucune faute ne peut être relevée à l'encontre de la société Cofathec Services et, compte tenu de ce qui a été dit au point 4, de la société Elyo Centre-Est Méditerranée. Il y a lieu en conséquence de mettre hors de cause la société Engie Energie Services, venue aux droits de ces deux sociétés.

Sur le préjudice :

6. D'une part, la société SPIE Industrie et Tertiaire, qui ne conteste pas que le phénomène de corrosion affectait l'ensemble des canalisations en acier au carbone électrozingué, n'établit pas que leur remplacement par segments aurait été moins onéreux que l'intervention proposée par l'expert judiciaire dans son rapport pour procéder en une seule fois au remplacement de l'équipement.

7. La société SPIE Industrie et Tertiaire, pour revendiquer l'application d'un taux de vétusté compris entre 50 et 80 %, en lieu et place de celui de 20 % conseillé par l'expert judiciaire et retenu par les premiers juges, se réfère, d'une part, à une note technique qu'elle a fait établir selon laquelle la durabilité du réseau ne pouvait excéder dix ans compte tenu de la piètre qualité des tubes en acier zingué, ce qu'infirme les éléments rappelés au point 5 et, d'autre part, à des données établies par la fédération française des entreprises gestionnaires de services aux équipements, à l'énergie et à l'environnement, qui sont relatives aux seuls systèmes de chauffage. Selon l'expert judiciaire, la durabilité d'un système de refroidissement tel que celui du palais de justice correctement entretenu est supérieure à cinquante ans. Dès lors, en opérant pour tenir compte de la vétusté de l'ouvrage, un abattement de 20 % sur le coût de remplacement des canalisations, le tribunal administratif a fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une nouvelle expertise, que la société SPIE Industrie et tertiaire n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser à l'Etat la somme de 645 245,11 euros et à supporter les dépens.

Sur l'appel en garantie et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la société Engie Energie Services :

9. Il résulte du point 5 que l'appel en garantie formé par la société SPIE Industrie et Tertiaire contre la société Engie Energie Services ne peut qu'être rejeté.

Sur les frais du litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat et de la société Engie Energie Services qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y lieu en revanche de mettre à la charge de la société SPIE Industrie et Tertiaire la somme de 2 000 euros à verser à la société Engie Energie Services au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société SPIE Industrie et Tertiaire est rejetée.

Article 2 : La société SPIE Industrie et Tertiaire versera à la société Engie Energie Services la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés SPIE Industrie et Tertiaire et Engie Energie Services et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme B..., président assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2021.

2

N° 19LY01846


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01846
Date de la décision : 25/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : HASCOET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-25;19ly01846 ?
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