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25/03/2021 | FRANCE | N°19LY00124

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 25 mars 2021, 19LY00124


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Chavanay à lui verser la somme de 118 563,95 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de l'arrêté municipal du 4 avril 2013.

Par un jugement n° 1607959 du 14 novembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 janvier 2019 et le 17 décembre 2019, M. C..., représenté par Me Comte, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Chavanay à lui verser une indemnité ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Chavanay à lui verser la somme de 118 563,95 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de l'arrêté municipal du 4 avril 2013.

Par un jugement n° 1607959 du 14 novembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 janvier 2019 et le 17 décembre 2019, M. C..., représenté par Me Comte, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Chavanay à lui verser une indemnité d'un montant de 118 563,95 euros, outre intérêts, en réparation du préjudice subi ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chavanay les entiers dépens et la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'illégalité de l'arrêté municipal est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté municipal avait été pris dans le cadre de l'exercice par le maire de son pouvoir de police général alors qu'il ressort de cet arrêté qu'il a été pris dans le cadre du pouvoir de police spéciale du maire relatif aux établissements recevant du public ;

- le maire aurait dû respecter la procédure contradictoire propre à cette police spéciale, ce qui lui aurait permis de se mettre en conformité avec les points soulevés dans l'avis de la commission d'accessibilité ;

- son magasin, qui a les caractéristiques d'un établissement recevant du public de 5ème catégorie n'était pas soumis à autorisation d'ouverture, de telle sorte qu'il ne pouvait être fermé au motif que son ouverture n'avait pas été autorisée ;

- l'arrêté a ordonné la fermeture de l'établissement sans limitation de temps ;

- le maire n'a pas sollicité l'avis de la commission de sécurité comme le prévoit l'article L. 123-4 du code de la construction et de l'habitation alors qu'il ne peut ordonner la fermeture d'un établissement qu'après avis de cette commission ;

- à supposer que cet arrêté ait été pris sur le fondement des pouvoirs de police générale du maire, il n'existait pas de danger grave et immédiat à la sécurité publique justifiant la fermeture de l'établissement ;

- il a subi un préjudice du fait de la fermeture de son magasin constitué d'une perte de recettes et un manque à gagner de 75 000 euros pour la période comprise entre le 4 avril 2013 et le 23 mars 2016, des dépenses qu'il a exposées inutilement à hauteur de 18 563,95 euros, d'un trouble dans ses conditions d'existence évalué à 15 000 euros et d'un préjudice moral évalué à 15 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 octobre 2019 et le 27 novembre 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Chavanay, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- hormis l'insuffisance de motivation de l'arrêté municipal, la commune n'a commis aucune faute ;

- le lien de causalité entre l'illégalité et les préjudices invoqués par M. C... n'est pas établi dès lors que la décision du maire était justifiée au fond ;

- M. C..., qui a commis une faute en ouvrant illégalement un magasin, ne saurait être indemnisé d'un quelconque préjudice ;

- les préjudices invoqués ne sont pas établis dans la mesure où M. C... exerce également l'activité de vente de détail sur éventaires et marchés.

Par une ordonnance du 21 octobre 2020, l'instruction a été close au 30 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

L'audience, initialement prévue le 11 février 2021 ayant été reportée au 4 mars 2021 ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. C... et celles de Me E..., représentant la commune de Chavanay.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., qui a ouvert au cours de l'année 2010, un magasin de vente au détail de vêtements dans des locaux initialement destinés à son habitation située n° 143, RD 1086, Les Prairies sur le territoire de la commune de Chavanay, a été invité par le maire de cette commune, par courrier du 7 février 2013, à présenter une demande d'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un établissement recevant du public. M. C... a présenté cette demande le 15 février 2013. Par arrêté du 4 avril 2013 le maire a, d'une part, refusé " l'ouverture au public " du magasin et, d'autre part, ordonné la fermeture immédiate de l'établissement. Par un jugement du 23 mars 2016, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté pour insuffisance de motivation en droit. M. C... relève appel du jugement du 14 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Chavanay à lui verser une somme de 118 563,95 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de cette décision illégale.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale (...) ". Aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 123-4 du code de la construction et de l'habitation : " Sans préjudice de l'exercice par les autorités de police de leurs pouvoirs généraux et dans le cadre de leurs compétences respectives, le maire ou le représentant de l'Etat dans le département peuvent par arrêté, pris après avis de la commission de sécurité compétente, ordonner la fermeture des établissements recevant du public en infraction avec les règles de sécurité propres à ce type d'établissement, jusqu'à la réalisation des travaux de mise en conformité. (...) ". Aux termes de l'article R. 123-52 du même code : " Sans préjudice de l'exercice par les autorités de police de leurs pouvoirs généraux, la fermeture des établissements exploités en infraction aux dispositions du présent chapitre peut être ordonnée par le maire, ou par le représentant de l'Etat dans le département dans les conditions fixées aux articles R. 123-27 et R. 123-28. La décision est prise par arrêté après avis de la commission de sécurité compétente. L'arrêté fixe, le cas échéant, la nature des aménagements et travaux à réaliser ainsi que les délais d'exécution ".

4. Si toute illégalité qui entache une décision constitue en principe une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité au nom de laquelle cette décision a été prise, une telle faute ne peut donner lieu à la réparation du préjudice subi par le destinataire de la décision lorsque, les circonstances de l'espèce étant de nature à justifier légalement la décision, le préjudice allégué ne peut être regardé comme la conséquence du vice dont cette décision est entachée.

5. Par jugement du 23 mars 2016 devenu définitif, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 4 avril 2013 au motif que cet arrêté n'était pas suffisamment motivé en droit dès lors qu'il se bornait à viser le code général des collectivités territoriales et le code de la construction et de l'habitation, sans indiquer sur lesquels des articles de ces codes il avait entendu se fonder et que le rappel succinct des faits ne permettait pas non plus de connaître les considérations de droit ayant constitué le fondement de l'arrêté.

6. Il résulte de l'instruction que la porte d'entrée du magasin de M. C... se situe à quelques dizaines de centimètres seulement de l'emprise de la route départementale 1086, classée à grande circulation, sur laquelle transitent, selon les indications non sérieusement contestées de la commune, 13 000 véhicules par jour. Si des bornes de sécurité ont été installées à la demande du requérant par les services départementaux pour sécuriser l'accès au magasin, il résulte toutefois des photos produites qu'elles sont implantées sur la chaussée et qu'il n'y a aucun trottoir au droit du magasin. Ainsi, la configuration des lieux faisait courir un risque grave aux usagers du magasin ainsi qu'aux automobilistes sans que des mesures appropriées puissent être mises en place rapidement pour y mettre fin, justifiant que le maire, dans le cadre de ses pouvoirs de police générale, prononce la fermeture du magasin.

7. En l'espèce, le fait que le maire de Chavanay disposait des pouvoirs de police spéciale relatifs aux établissements recevant du public lui permettant d'ordonner la fermeture de ce type d'établissement ne faisait pas obstacle à ce qu'il use de ses pouvoirs de police générale et ce, sans avoir à justifier d'une urgence lui permettant de ne pas respecter la procédure prévue par la police spéciale. En effet, il ne pouvait ordonner sur le fondement de ses pouvoirs de police spéciale la fermeture du magasin ni au motif que l'établissement a été ouvert sans autorisation puisque les établissements de 5ème catégorie sans locaux à sommeil ne sont pas, conformément à l'article R. 123-45 du code de la construction et de l'habitation, soumis à cette formalité, ni au motif, non établi, que l'établissement de M. C... était en infraction avec les règles de sécurité relatives à la protection contre les risques d'incendie et de panique propres à ce type d'établissement.

8. Les circonstances de l'espèce étant, ainsi qu'il a été dit au point 6, de nature à justifier légalement l'arrêté du 4 avril 2013, il n'existe pas de lien de causalité entre l'illégalité de l'arrêté du 4 avril 2013 et les préjudices que soutient avoir subis M. C....

9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi, en tout état de cause, que ses conclusions tendant à ce que les entiers dépens soient mis à la charge de la commune, ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Chavanay sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera une somme de 1 500 euros à la commune de Chavanay au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et à la commune de Chavanay.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président assesseur,

Mme F..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2021.

2

N° 19LY00124


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00124
Date de la décision : 25/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Police - Polices spéciales.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : AARPI MCH AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-25;19ly00124 ?
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