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18/03/2021 | FRANCE | N°20LY02667

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 18 mars 2021, 20LY02667


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par jugement n° 1909740 du 25 mai 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2020, Mme B..., représentée par M

e D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 mai 2020 ainsi que l'arrêté du 5 décem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par jugement n° 1909740 du 25 mai 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2020, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 mai 2020 ainsi que l'arrêté du 5 décembre 2019 susvisé ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt sous la même astreinte ;

3°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et/ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularités ;

- la décision portant refus de séjour et la mesure d'éloignement sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; ni l'arrêté contesté ni le jugement attaqué ne font référence à la réalité des démarches effectuées pour déposer plainte contre ses proxénètes ;

- elle pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet aurait dû faire application des dispositions de l'article L. 743-2 5°) du code précité ;

- ces décisions sont entachées d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité des décisions précédentes ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 33 de la convention de Genève et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F..., première conseillère,

- et les observations de Me D... pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... B..., née le 13 mars 1985 et de nationalité nigériane, relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Selon l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, susvisée : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président. ". Mme B... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 septembre 2020. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'elle soit admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. D'une part, si Mme B... relève une irrégularité dans le jugement attaqué tiré de l'erreur d'appréciation qui aurait été commise par le premier juge quant à la réalité des démarches qu'elle a pu accomplir pour dénoncer et déposer plainte pour les actes de traite des êtres humains dont elle a été victime, un tel moyen se rattache au bien-fondé du jugement attaqué et non à sa régularité.

4. D'autre part, en estimant que " il ressort des termes mêmes de la décision attaquée qu'elle procède effectivement de l'examen particulier de la situation du pétitionnaire ", le premier juge n'a pas entaché sa réponse au moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée d'une insuffisance de motivation. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soulever l'irrégularité du jugement attaqué sur ce point.

Sur la légalité de la mesure d'éloignement :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident est délivrée de plein droit à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné. " Les dispositions précitées ne prescrivent pas que l'étranger qui a déposé plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis les infractions visées doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'à avoir rappelé que la demande d'asile de Mme B... avait été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 12 novembre 2019, le préfet du Rhône a constaté que celle-ci ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français. A ce titre, Mme B... n'a pas déposé de demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Rhône n'était donc pas tenu d'examiner une telle demande et n'a pas fait application de ces dispositions. Si l'arrêté du 5 décembre 2019 mentionne tout de même que Mme B... n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une telle mention ne peut suffire à regarder le préfet du Rhône comme ayant examiné la situation de l'intéressée au regard de l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment celles de l'article L. 316-1 précité, alors que lesdites dispositions n'ouvrent pas de plein droit, pour les personnes qui en remplissent les conditions, à un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions dirigé contre l'arrêté du 5 décembre 2019 en tant qu'il refuserait à Mme B... un titre de séjour sur ce fondement est inopérant et doit être écarté.

7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a tenté à plusieurs reprises de déposer plainte sur le territoire français à l'encontre de ses proxénètes pour des faits de prostitution dont elle a été victime lors de son séjour en Italie notamment le 30 juillet 2018 lorsqu'elle a été convoquée pour un dépôt de plainte qui n'a pas été honoré au commissariat de police du 1er arrondissement de Lyon. Elle a pu déposer une main courante le 28 mars 2018 auprès du commissariat de police du 7ème arrondissement de Lyon pour " injures et menaces " et a adressé un courrier le 9 août 2018 au procureur de la République en dénonçant les faits dont elle a été victime, dont l'examen est à ce jour en cours, et produit un récépissé de déclaration effectuée en ce sens le 18 mars 2019 auprès de la brigade des stupéfiants et du proxénétisme de la police judiciaire de Lyon. Dans les circonstances particulières de l'espèce, et eu égard à l'ensemble des éléments produits et des démarches effectuées encore en cours d'instruction et non contestées par le préfet du Rhône, ce dernier ne pouvait, sans entacher sa mesure d'éloignement d'une erreur manifeste d'appréciation, obliger Mme B... à quitter le territoire français. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre la mesure d'éloignement en litige, l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire dans le délai de trente jours doit être annulée ainsi que, par voie conséquence, la fixation du pays de renvoi et le jugement n°1909740 du 25 mai 2020 attaqué.

Sur l'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait de nouveau statué sur son cas (...) ". En application tant des dispositions précitées que de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, le présent arrêt implique nécessairement, mais seulement, que le préfet du Rhône remette dans le délai de quinze jours à Mme B... une autorisation provisoire de séjour et statue de nouveau sur sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 7611 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D..., avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... d'une somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de Mme B....

Article 2 : L'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le préfet du Rhône a fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ainsi que le jugement n° 1909740 du 25 mai 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de remettre dans le délai de quinze jours à Mme B... une autorisation provisoire de séjour et de statuer de nouveau sur sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me D..., avocat de Mme B..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles L. 7611 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91647 du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 février 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente assesseure,

Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.

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N° 20LY02667

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02667
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-18;20ly02667 ?
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