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18/03/2021 | FRANCE | N°20LY01796

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 18 mars 2021, 20LY01796


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2019 par lequel le préfet de la Loire a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et d'enjoindre au préfet de la Loire de réexaminer son dossier et de lui délivrer une autorisation provisoire ou de lui délivrer le titre de séjour sollicité.

Par un jugement n° 1908129 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté

du préfet de la Loire du 25 septembre 2019 et a enjoint au préfet de la Loire de procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2019 par lequel le préfet de la Loire a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et d'enjoindre au préfet de la Loire de réexaminer son dossier et de lui délivrer une autorisation provisoire ou de lui délivrer le titre de séjour sollicité.

Par un jugement n° 1908129 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du préfet de la Loire du 25 septembre 2019 et a enjoint au préfet de la Loire de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et dans l'attente de ce réexamen de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 juillet et 6 août 2020, le préfet de la Loire demande à la cour d'annuler ce jugement du 9 juin 2020 du tribunal administratif de Lyon.

Le préfet soutient que :

- M. A... ne pouvait pas se prévaloir de l'article 3 de l'Accord franco-marocain pour demander un titre de séjour ;

- M. A... ne remplissait pas les conditions pour une admission exceptionnelle au séjour et pour obtenir un titre de séjour " salarié " ;

- les motifs opposés ne faisaient état d'aucune erreur de droit de sa part.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 juillet 2020, M. A..., représenté par Me C... conclut :

1°) au rejet de la requête du préfet ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au Préfet de la Loire, dans un délai d'un mois, à compter de la décision à intervenir de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que la décision du préfet est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Fédi, président-assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... A..., de nationalité marocaine, né le 23 octobre 1984, est entré régulièrement sur le territoire français le 3 octobre 2017 sous couvert d'un visa C délivré par les autorités des Pays-Bas valable du 30 juillet 2016 au 30 juillet 2018. M. A... a sollicité son admission au séjour le 3 juin 2019 sur la base d'une promesse d'embauche comme technicien dans le secteur de la fibre optique. Le préfet de la Loire relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 juin 2020 annulant l'arrêté du 25 septembre 2019 par lequel il a refusé d'admettre M. A... au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. ". Aux termes de l'article 9 de ce même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...) ". L'article L. 313-14 du même code dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

3. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, il fait obstacle à l'application des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers lors de l'examen d'une demande d'admission au séjour présentée par un ressortissant marocain au titre d'une telle activité. Cet examen ne peut être conduit qu'au regard des stipulations de l'accord, sans préjudice de la mise en oeuvre par le préfet du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité de délivrer à titre de régularisation un titre de séjour à un étranger ne remplissant pas les conditions auxquelles cette délivrance est normalement subordonnée, pouvoir dont les stipulations de l'accord ne lui interdisent pas de faire usage à l'égard d'un ressortissant marocain.

4. Il est constant qu'à la date de l'arrêté en litige, M. A... était titulaire d'une promesse d'embauche de la part de l'entreprise O.N. Telecom pour un poste de technicien en contrat à durée indéterminée et que, le 18 juin 2019, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) lui avait accordé une autorisation de travail au titre dudit contrat. Or, pour refuser de délivrer à l'intéressé le titre de séjour sollicité, le préfet de la Loire s'est fondé sur les circonstances tirées, d'une part, de ce qu'il ne produisait pas de justificatifs d'emploi dans son pays d'origine pour cette qualification, d'autre part, de ce que les formations suivies ne permettaient pas d'attester d'un réel savoir-faire dans le domaine de l'installation des réseaux câblés de fibre optique et enfin de ce, qu'alors même que la DIRECCTE avait émis un avis favorable à son embauche, son arrivée en France était très récente, ses attaches familiales les plus proches étaient demeurées au Maroc. Toutefois, de tels motifs de refus, comme l'ont jugé, à bon droit, les premiers juges, ne sont pas au nombre de ceux qui peuvent légalement permettre de refuser de délivrer un titre de séjour " salarié " à un ressortissant marocain sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé, alors même qu'il ne ressort pas des décisions en litige que le préfet de la Loire aurait examiné la demande sur le fondement de cet article 3 de l'accord franco-marocain. En outre, le préfet ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que l'intéressé a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour le 3 juin 2019 dès lors que l'arrêté litigieux précise que la demande vise à obtenir la délivrance d'un premier titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le préfet de la Loire, en lui opposant de tels motifs, a entaché sa décision d'une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé son arrêté du 25 septembre 2019 par lequel il a refusé d'admettre M. A... au séjour et a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Eu égard au motif d'annulation prononcé par le tribunal, l'injonction impliquait uniquement qu'il soit enjoint au préfet de la Loire de procéder au réexamen de la situation de M. A... et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et dans l'attente, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a donc pas lieu de prescrire de nouvelles injonctions à l'encontre du préfet.

Sur les frais liés au litige :

7. M. A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat, Me C... peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros qui seront versés à Me C....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Loire est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., au ministre de l'intérieur et à Me C....

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme B... D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.

2

N° 20LY01796


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01796
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL AD JUSTITIAM

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-18;20ly01796 ?
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