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18/03/2021 | FRANCE | N°20LY00957

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 18 mars 2021, 20LY00957


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 3 avril 2018 par laquelle le préfet du Rhône a procédé au retrait de sa carte de résident.

Par un jugement n° 1803999 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 mars 2020 et un mémoire enregistré le 22 juillet 2020, M. A... B..., représenté par Me Bernardi, avocat, demande à la cour :

1°) d'annu

ler le jugement du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision du pré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 3 avril 2018 par laquelle le préfet du Rhône a procédé au retrait de sa carte de résident.

Par un jugement n° 1803999 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 mars 2020 et un mémoire enregistré le 22 juillet 2020, M. A... B..., représenté par Me Bernardi, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision du préfet du Rhône du 3 avril 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de résident dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux n'est pas suffisamment motivé ;

- il méconnaît l'article L. 314-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ce moyen étant opérant ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par une ordonnance du 23 juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D..., première conseillère,

- et les observations de Me Bernardi, avocat, représentant M. A... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 15 décembre 1982, relève appel du jugement du 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Rhône du 3 avril 2018 procédant au retrait de sa carte de résident.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 314-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de résident peut être retirée à tout employeur, titulaire de cette carte, ayant occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L. 341-6 du code du travail (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

4. La sanction prévue à l'article L. 314-6 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a pour effet, sauf lorsqu'elle n'est pas assortie d'une obligation de quitter le territoire français et s'accompagne de la délivrance d'un autre titre de séjour, de mettre fin au droit au séjour de l'étranger concerné.

5. Le préfet du Rhône n'ayant pas délivré de titre de séjour à M. A... B... en l'invitant seulement à présenter une demande en ce sens, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours dirigé contre la décision en litige.

6. Il résulte de l'instruction que M. A... B..., ressortissant marocain né en 1982, était gérant, à Vénissieux, de l'établissement " l'Express " au sein duquel a été interpellé un travailleur étranger démuni d'autorisation à cette fin, lors d'un contrôle diligenté le 6 mai 2017. Toutefois, il est constant que seul un travailleur était ainsi irrégulièrement occupé, pendant quelques semaines seulement. Par ailleurs, M. A... B... résidait régulièrement sur le territoire français depuis 2004, année au cours de laquelle il a épousé une ressortissante française qu'il a été autorisé à rejoindre dans le cadre du regroupement familial. Cinq enfants sont nés de leur mariage entre 2005 et 2014. S'il ressort de l'ordonnance de tentative de conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lyon datée du 30 avril 2019, que les époux vivaient séparément depuis le mois de janvier 2018, il n'est pas contesté que M. A... B... a continué à entretenir des liens avec ses enfants, l'autorité parentale ainsi qu'un droit de visite et d'hébergement lui ayant été ultérieurement reconnus dans le cadre de la procédure en divorce engagée par son épouse. L'appelant se trouve, par ailleurs, dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale au Maroc. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de M. A... B... en France où se trouve l'essentiel de ses liens familiaux, l'arrêté contesté a, en mettant fin à son droit au séjour, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée à la gravité des faits qui lui sont reprochés et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

8. L'annulation, par le présent arrêt, de l'arrêté contesté du 3 avril 2018 par lequel le préfet du Rhône a procédé au retrait de la carte de résident dont disposait M. A... B..., a pour effet de remettre de plein droit en vigueur cette carte de résident, valable du 1er juillet 2016 au 30 juin 2026. Dès lors, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. A... B... doivent donc être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A... B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement no 1803999 du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du préfet du Rhône du 3 avril 2018 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme C... D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.

2

N° 20LY00957


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00957
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BERNARDI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-18;20ly00957 ?
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