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18/03/2021 | FRANCE | N°19LY00534

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 18 mars 2021, 19LY00534


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Génération Oxygène a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge :

- des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 2011, 2012 et 2013 et des pénalités et intérêts de retard correspondants ;

- des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période courant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et des pénalités

et intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1707144 - 1707147 du 11 décembre 2018, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Génération Oxygène a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge :

- des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 2011, 2012 et 2013 et des pénalités et intérêts de retard correspondants ;

- des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période courant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et des pénalités et intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1707144 - 1707147 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 février 2019 et 3 février 2020, l'association Génération Oxygène, représentée par Me Martin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 décembre 2018 ;

2°) de la décharger des impositions litigieuses et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- compte tenu du caractère désintéressé de sa gestion, de ce qu'elle ne se livre pas à une activité concurrentielle et de ce que, dans le cas contraire, son activité s'exerce dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, son activité doit être regardée comme non lucrative ;

- elle peut se prévaloir de l'exonération d'impôt sur les sociétés, prévue par les dispositions du 5° de l'article 207-1 du code général des impôts ;

- elle justifie du bien-fondé de la charge exceptionnelle de 600 000 euros constatée lors de l'exercice clos au 31 décembre 2013.

Par un mémoire enregistré le 9 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la gestion de l'association n'est pas désintéressée, son activité concurrence le secteur commercial privé et elle l'exerce dans des conditions similaires à celles du secteur commercial privé à but lucratif ;

- compte tenu de l'absence de but non lucratif de son activité, elle ne peut bénéficier de l'exonération prévue par le 5° de l'article 207-1 du code général des impôts ;

- la charge de 600 000 euros comptabilisée à l'exercice clos le 31 décembre 2013 n'est pas justifiée.

Par un mémoire, enregistré le 8 février 2021, la SELARL MJ Synergie, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'association Génération Oxygène, déclare reprendre l'instance engagée par cette association.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., présidente assesseure,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- les observations de Me C..., représentant L'association Génération Oxygène ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association Génération Oxygène, régie par la loi du 1er juillet 1901, a notamment pour activité l'organisation de manifestations sportives. A ce titre, elle a encadré, de 2010 à 2013, les épreuves de course à pied " Run In Lyon ". Par convention conclue le 25 mars 2013, cette association a cédé à la société Amaury Sport Organisation, les droits attachés aux épreuves du " Run In Lyon " pour un prix de 600 000 euros. Par convention conclue le même jour, l'association Génération Oxygène s'est engagée à assurer, sous le contrôle de la société Amaury Sport Organisation, une mission d'expertise et d'assurance technique portant sur le recrutement, la formation et la coordination des bénévoles durant les épreuves. L'association a opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée à compter du 25 mars 2013. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle l'administration l'a assujettie aux impôts commerciaux. Par des propositions de rectification du 18 décembre 2014 et du 16 juin 2015, l'administration lui a notifié des rappels d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos au cours des années 2011, 2012 et 2013 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et a assorti ces impositions des pénalités et intérêts de retard correspondants. L'association Génération Oxygène relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

2. En premier lieu, d'une part, en application de l'article 206 du code général des impôts, les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés lorsque leur " gestion est désintéressée, [et que] (...) leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 euros. (...) ". Aux termes du même article, les associations " deviennent passibles de l'impôt sur les sociétés (...) à compter du 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'une des trois conditions prévues à l'alinéa précité n'est plus remplie ". Aux termes de l'article 207 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) / 5° Les bénéfices réalisés par des associations sans but lucratif régies par la loi du 1er juillet 1901 organisant, avec le concours des communes ou des départements, des foires, expositions, réunions sportives et autres manifestations publiques, correspondant à l'objet défini par leurs statuts et présentant, du point de vue économique, un intérêt certain pour la commune ou la région ; 5° bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l'article 261, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée ; (...) ".

3. D'autre part, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, l'article 261 du code général des impôts énonce que : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 7. (Organismes d'utilité générale) : / 1° a. les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée. (...) / d. le caractère désintéressé de la gestion résulte de la réunion des conditions ci-après : / L'organisme doit, en principe, être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation. / Toutefois, lorsqu'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association (...) décide que l'exercice des fonctions dévolues à ses dirigeants justifie le versement d'une rémunération, le caractère désintéressé de sa gestion n'est pas remis en cause si ses statuts et ses modalités de fonctionnement assurent sa transparence financière, l'élection régulière et périodique de ses dirigeants, le contrôle effectif de sa gestion par ses membres et l'adéquation de la rémunération aux sujétions effectivement imposées aux dirigeants concernés ; (...) / l'organisme ne doit procéder à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice, sous quelque forme que ce soit ; ".

4. Le versement de rémunérations aux dirigeants d'une association ne fait pas obstacle en soi au caractère désintéressé de sa gestion. Toutefois, les rémunérations versées doivent être proportionnées aux ressources de l'association et constituer la contrepartie des sujétions effectivement imposées à ses dirigeants dans l'exercice de leur mandat.

5. Pour estimer, à l'issue de la vérification de comptabilité de l'association Génération Oxygène, que la gestion de celle-ci ne revêtait pas un caractère désintéressé, l'administration s'est fondée sur la prise en charge par cet organisme des coûts de location ou de crédit-bail, d'assurance, d'entretien, de réparation, de carburant, de péages et de stationnement de trois véhicules automobiles utilisés par le président de l'association ainsi que par son épouse et par sa fille. L'administration a également retenu le versement par l'association, à son président ou à des proches des sommes de 44 812 euros au titre de l'année 2011, de 142 453 euros au titre de l'année 2012 et de 74 606 euros au titre de l'année 2013. En se bornant à faire état du succès de la manifestation sportive " Run In Lyon ", sans donner plus de précision sur les besoins de son activité qui auraient permis d'expliquer la nature et l'importance de telles dépenses, la requérante ne justifie pas de l'intérêt de ces frais au regard de son objet social. La requérante fait également valoir que ces dépenses ne représentent pas un avantage excessif au regard de l'importance des ressources dont elle dispose et qu'elles doivent être regardées comme une rémunération versée à son dirigeant en contrepartie de son travail. Toutefois, elle n'apporte aucun élément permettant de justifier que les sommes en cause auraient été versées en contrepartie de sujétions qui auraient effectivement été imposées à son président dans l'exercice de son mandat. Dans ces conditions, la gestion de l'association ne peut être regardée comme étant désintéressée. L'absence de caractère désintéressé de la gestion de l'association requérante suffit à justifier dans son principe son assujettissement à l'impôt sur les sociétés. Par suite, la requérante qui ne satisfait pas aux critères de non-lucrativité auxquels est subordonné le bénéfice de l'exonération des impôts commerciaux, n'est pas fondée à soutenir qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier de l'exonération d'impôt sur les sociétés, prévue par les dispositions précitées de l'article 207 du code général des impôts.

6. En second lieu, aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : (...) / Pour les immobilisations créées par l'entreprise, du coût d'acquisition des matières et fournitures consommées, augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production à l'exclusion des frais financiers ".

7. L'association Génération Oxygène qui avait cédé, le 25 mars 2013, à la société Amaury Sport Organisation, les droits attachés aux épreuves du " Run In Lyon " pour un prix de 600 000 euros a comptabilisé en tant qu'élément d'actif immobilier incorporel au bilan d'ouverture de l'exercice clos le 31 décembre 2013, la valorisation de ces droits et, le 30 avril 2013 a comptabilisé la cession de ces droits en charge exceptionnelle pour la somme de 600 000 euros. L'administration a réintégré la somme de 600 000 euros dans le bénéfice imposable de l'association au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013 après avoir estimé que ces écritures comptables étaient irrégulières car le bilan d'ouverture de l'exercice clos au 31 décembre 2013 ne correspondait pas au bilan de clôture du précédent exercice en raison de l'inexistence, dans ce dernier bilan portant sur l'exercice courant du 1er janvier 2013 au 24 mars 2013, de l'évaluation à 600 000 euros des droits attachés au " Run In Lyon ", réalisée pour la première fois à l'ouverture de l'exercice courant du 25 mars 2013 au 31 décembre 2013. L'administration a également constaté que par ce jeu d'écritures comptables, l'association avait neutralisé la plus-value résultant de la cession de ces droits à la société Amaury Sport Organisation.

8. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, pour soutenir que la règle rappelée notamment par l'article L. 123-19 du code de commerce, selon laquelle la valeur de l'actif net à l'ouverture d'un exercice n'est autre que la valeur de l'actif net à la clôture de l'exercice précédent ne lui était pas opposable, la requérante ne peut utilement faire valoir qu'elle constituait une association à but non lucratif jusqu'au 25 mars 2013 et qu'elle n'était pas tenue à ce titre de tenir une comptabilité. De même, la circonstance que la requérante ait volontairement décidé de se soumettre au régime de l'impôt sur les sociétés à compter du 25 mars 2013 n'impliquait pas qu'elle comptabilise au bilan d'ouverture de l'exercice clos au 31 décembre 2013 les droits attachés aux épreuves du " Run In Lyon " pour leur valeur vénale. En n'inscrivant pas avant le 25 mars 2013 ces droits à l'actif de son bilan, l'association a commis une erreur comptable délibérée dont elle a ensuite cherché à minimiser les effets par une écriture comptable irrégulière et l'administration était en droit de tirer les conséquences de cette erreur comptable et de cette écriture comptable irrégulière en les qualifiant de réévaluation libre entraînant un accroissement de l'actif net imposable. De plus, il résulte des dispositions précitées de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts que cet élément d'actif immobilier qui a été créé en interne au cours de l'année 2011 devait être inscrit au bilan pour sa valeur d'origine, en fonction de son coût réel de production, ce que la requérante n'a pas fait. Si la requérante fait valoir subsidiairement que la valeur réelle de ces droits correspond à la somme de 360 000 euros, si l'on tient compte de l'évolution du nombre de participants à la manifestation sportive qui est passé de 9 000 en 2010 à 15 000 en 2012, ces éléments ne permettent pas à eux seuls de justifier de l'évaluation ainsi proposée de la valeur d'origine du bien litigieux alors qu'en l'absence d'inscription antérieure du bien à son actif la société supporte la charge d'établir sa valeur d'origine. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a procédé à la réintégration de la somme de 600 000 euros dans les résultats de son bénéfice imposable au titre de l'exercice clos en 2013.

9. Il résulte de ce qui précède que l'association Génération Oxygène n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Génération Oxygène est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL MJ Synergie en qualité de mandataire liquidateur de l'association Génération Oxygène et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 25 février 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2021.

2

N° 19LY00534

ar


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Personnes morales et bénéfices imposables.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP LAMY et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 18/03/2021
Date de l'import : 30/03/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19LY00534
Numéro NOR : CETATEXT000043278997 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-18;19ly00534 ?
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