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11/03/2021 | FRANCE | N°19LY02082

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 11 mars 2021, 19LY02082


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Eiffage Route Centre Est a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le département de l'Ain à lui verser la somme de 41 492,97 euros assortie des intérêts contractuels et de leur capitalisation, au titre de l'exécution du marché à bons de commandes de fabrication, transport et mise en oeuvre d'enrobés hydrocarbonés à chaud sur les routes départementales de l'Ain et les autres propriétés du conseil général de l'Ain.

Par un jugement n° 1709081 du 21 mars 2019, le tribu

nal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Eiffage Route Centre Est a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le département de l'Ain à lui verser la somme de 41 492,97 euros assortie des intérêts contractuels et de leur capitalisation, au titre de l'exécution du marché à bons de commandes de fabrication, transport et mise en oeuvre d'enrobés hydrocarbonés à chaud sur les routes départementales de l'Ain et les autres propriétés du conseil général de l'Ain.

Par un jugement n° 1709081 du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2019, et un mémoire non communiqué enregistré le 16 septembre 2020, la société Eiffage Route Centre Est, anciennement dénommée Eiffage Travaux Publics Rhône Alpes Auvergne, représentée par la Selarl Ringle - Roy et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susmentionné du 21 mars 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner le département de l'Ain à lui verser la somme de 41 492,97 euros assortie des intérêts moratoires à compter de la date de réception du décompte général signé augmentée de 30 jours, et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge du département de l'Ain la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement contesté est insuffisamment motivé puisqu'il n'a pas répondu à son argumentation concernant : - les effets sur ses prix de la modification unilatérale d'une clause financière du marché par le pouvoir adjudicateur, concernant la modification de la structure d'un index figurant dans la clause de révision ; - l'intervention après la signature du marché du changement de la structure de l'index du TP 09 ; - le caractère automatique de ce changement alors que son préjudice en découlant est démontré ;

- la commune intention des parties a été méconnue du fait de la modification unilatérale, sans son accord, de la clause de révision du marché par le pouvoir adjudicateur, en particulier de la structure de l'index TP 09 figurant dans cette clause ;

- l'économie de son marché a été bouleversée par la modification de l'index TP 09, circonstance extérieure aux parties et imprévisible ;

- son préjudice, qui doit être évalué à la somme de 41 492,97 euros, correspond à la différence entre l'évaluation des prix du marché telle qu'elle aurait résultée de l'application d'un indice TP 09 non modifié, c'est-à-dire avec une part bitume à 26 %, et la facturation réelle après application d'un indice TP 09 modifié, c'est-à-dire avec une part bitume à 35 % ;

- les sommes dues porteront intérêts selon les termes prévus à l'article 6.1 B du CCAP à compter de la date de réception du décompte général signé assorti d'un mémoire de réclamation augmentée de 30 jours ;

- la capitalisation des intérêts sera ordonnée selon les termes de l'article 1343-2 du code civil.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 août 2020, le département de l'Ain, représenté par Me B..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à la confirmation du jugement, à titre subsidiaire, à ce que l'indemnité due à la société requérante soit ramenée à de plus justes et raisonnables proportions et à ce qu'il soit mis à la charge de cette société la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;

- la société requérante ne justifie pas le montant de l'indemnisation qu'elle sollicite ;

- si l'administration est tenue d'aider financièrement le titulaire en cas d'imprévision, l'indemnisation ne saurait couvrir l'intégralité du dommage subi.

La clôture de l'instruction a été fixée au 16 septembre 2020 par une ordonnance du 1er septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics (édition 2006) ;

- l'avis relatif aux index bâtiment, travaux publics et divers de la construction (référence 100 en 2010) d'octobre 2014, à la modification de l'index produit de marquage routier et du coefficient de raccordement publié en décembre 2014 et la mise à disposition des séries historiques des index bâtiment, travaux publics et divers de la construction (référence 100 en 2010) ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... ;

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

- les observations de Me A..., pour la société Eiffage Route Centre Est ;

Une note en délibéré, enregistrée le 17 février 2021, a été produite pour la société Eiffage Route Centre Est.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 25 mars 2013, le département de l'Ain a confié à un groupement composé de la société Eiffage Travaux publics Rhône-Alpes Auvergne (ETPRA), mandataire, et de la société Travaux Routiers P.L. Favier le lot n° 4 (Bas-Bugey) du marché à bons de commande comprenant la fabrication, le transport et la mise en oeuvre d'enrobés hydrocarbonés à chaud sur les routes départementales et les autres propriétés du département de l'Ain. Le décompte général du marché a été notifié par un ordre de service du 17 mars 2017 que la société ETPRA a retourné signé, en l'accompagnant de réserves et d'un mémoire de réclamation, contestant l'application aux prix de l'index TP09 modifié. Le département a implicitement rejeté cette réclamation. La société Eiffage Route Centre Est, qui vient aux droits de la société ETPRA, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le département de l'Ain à lui verser la somme de 41 492,97 euros assortie des intérêts contractuels et de leur capitalisation, somme correspondant à la différence entre les prix du marché évalués par l'application d'un indice TP 09 non modifié, et la facturation réelle selon l'indice TP 09 modifié. Par un jugement n° 1709081 du 21 mars 2019, dont la société Eiffage Route Centre Est relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Le tribunal, qui n'a pas à répondre à tous les arguments avancés par les parties, a suffisamment motivé son jugement concernant notamment le moyen tiré de la méconnaissance de la commune intention des parties que révélerait l'application unilatérale par le pouvoir adjudicateur du nouvel indice TP09 base 2010.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes du IV de l'article 18 du code des marchés publics applicable au litige : " Un prix révisable est un prix qui peut être modifié pour tenir compte des variations économiques dans les conditions fixées ci-dessous. / Lorsque le prix est révisable, le marché fixe la date d'établissement du prix initial, les modalités de calcul de la révision ainsi que la périodicité de sa mise en oeuvre. Les modalités de calcul de la révision du prix sont fixées : / 1° Soit en fonction d'une référence à partir de laquelle on procède à l'ajustement du prix de la prestation ; / 2° Soit par application d'une formule représentative de l'évolution du coût de la prestation. Dans ce cas, la formule de révision ne prend en compte que les différents éléments du coût de la prestation et peut inclure un terme fixe ; / 3° Soit en combinant les modalités mentionnées aux 1° et 2° ". Et aux termes du V de l'article 198 du même code : " Les marchés d'une durée d'exécution supérieure à trois mois qui nécessitent, pour leur réalisation, le recours à une part importante de fournitures notamment de matières premières dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux comportent une clause de révision de prix incluant au moins une référence aux indices officiels de fixation de ces cours, conformément au IV du présent article ".

5. Aux termes de l'article 4.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché, relatif aux modalités de variation des prix : " La date d'établissement des prix est la date de signature de l'offre de prix par le candidat ; ce mois est appelé "mois zéro". / Les prix sont révisés mensuellement application au prix du marché d'un coefficient Cn donné par la ou les formules suivantes : Cn = 15,00 % + 85,00 % (In/Io) dans laquelle Io et In sont les valeurs prises par l'index de référence I respectivement au mois zéro et au mois n, mois d'exécution des travaux. / L'index de référence I, publié au moniteur des travaux publics ou au ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, est l'index TP09 d'enrobés (fabrication et mise en oeuvre avec fourniture de bitume et granulats) appliqué à tous les prix. / Lorsqu'une révision a été effectuée provisoirement en utilisant un index antérieur à celui qui doit être appliqué, il n'est procédé à aucune révision avant la variation définitive, laquelle intervient sur le premier acompte du marché suivant la parution de l'index correspondant ".

6. Il résulte de l'instruction que suite à un avis publié au Journal Officiel le 16 janvier 2015, faisant lui-même suite à une publication de l'INSEE le 15 janvier 2015, les index du coût de production dans la construction sont passés " en base 2010 ", et qu'à l'occasion de ce changement, afin de refléter au mieux l'évolution des coûts de fabrication d'un type d'ouvrage, la liste et le contenu de certains index ont été modifiés, notamment dans les travaux publics. L'index TP09 a ainsi été modifié dans sa structure, la part de l'indice bitume dans la fixation de cet index a été portée de 26 à 35 %.

- Concernant la violation de la commune intention des parties :

7. Les stipulations précitées de l'article 4.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché, relatif aux modalités de variation des prix, ne peuvent être considérées comme révélant la commune intention des parties d'exclure l'application de l'index TP09 en cas de modification de sa structure en cours de contrat, en particulier en cas d'une augmentation de la part de l'indice bitume dans la composition de cet index pour refléter au mieux l'évolution des coûts de fabrication d'un type d'ouvrage. Par suite, et alors que le département de l'Ain a fait application du coefficient de raccordement, prévu par INSEE, entre l'ancien et le nouvel index, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de la commune intention des parties dès lors que l'application d'un index de référence en tenant compte des évolutions susceptible d'en modifier les effets n'est pas la conséquence d'une modification unilatérale du contrat qui aurait nécessité la conclusion d'un avenant.

- Concernant l'imprévision :

8. Dans l'hypothèse où un événement extérieur aux parties, imprévisible au moment de la conclusion du contrat, a pour effet de bouleverser l'économie du contrat, le titulaire du marché est en droit de réclamer au maître d'ouvrage une indemnité représentant la part de la charge extra-contractuelle qu'il a supportée en exécutant les prestations dont il avait la charge.

9. Il résulte de l'instruction que l'acte d'engagement relatif au marché à bons de commande de la société requérante stipule à son article 2, concernant le prix, un montant minimum HT de commandes pour la durée initiale du lot n° 4 de 400 000 euros et un montant maximum HT de 2 000 000 euros. Le marché pouvait être reconduit par périodes successives d'un an pour une durée maximale de 3 ans, sans que ce délai ne puisse excéder le 31 décembre 2016.

10. A supposer même que la modification de l'index TP09 puisse être regardée comme un évènement imprévisible, alors que le prix du pétrole est régulièrement soumis à de fortes variations se répercutant sur le coût de produits dérivés à forte teneur en bitume tels que ceux utilisés pour la réalisation des prestations du marché en litige, circonstance que la société requérante, en raison de ses activités, ne pouvait ignorer, cette dernière ne démontre pas que la modification de la structure de l'index TP09, en ce qui concerne la part de l'indice bitume, a entrainé un bouleversement de l'économie de son marché.

11. Il résulte en effet des éléments chiffrés relatifs aux prestations du marché que la différence de prix de 41 492,97 euros, que la société revendique comme son préjudice et qu'elle a déterminée par l'application comparative de l'indice selon ses valeurs successives aux montants de ses prestations facturées, n'est pas de nature à caractériser un bouleversement de l'économie générale de son marché, eu égard au prix final des prestations exécutées retenu dans le décompte pour une somme de 965 439,83 euros et au rapport de proportion établi entre ces deux montants.

12. Il résulte de ce tout qui précède que la société Eiffage Route Centre Est n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué les premiers juges ont rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les conclusions présentées à ce titre, par la société Eiffage Route Centre Est, partie perdante, doivent être rejetées. Il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions de mettre à la charge de la société Eiffage Route Centre Est la somme de 2 000 euros à verser au département de l'Ain.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Eiffage Route Centre Est est rejetée.

Article 2 : La société Eiffage Route Centre Est versera la somme de 2 000 euros département de l'Ain au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eiffage Route Centre Est et au département de l'Ain.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2021.

2

N° 19LY02082


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02082
Date de la décision : 11/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-01-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Prix. Révision des prix.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : RINGLE ROY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-11;19ly02082 ?
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