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11/03/2021 | FRANCE | N°18LY03442

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 11 mars 2021, 18LY03442


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Société Enedis a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la délibération du conseil municipal de la ville de Saint-Etienne du 6 juin 2016 adoptant le règlement de voirie ou, subsidiairement, les articles 11.C.3, 21, 28, 32, 37.2, 37.4 et l'annexe 5 fixant la liste des espaces publics prioritaires de ce règlement, ainsi que la décision portant rejet implicite de son recours gracieux exercé le 29 juillet 2016 contre cet acte.

Par un jugement n° 1608643 du 3 juillet 2018, le tribunal, ap

rès avoir annulé l'article 21 du règlement de voirie et, dans cette mesure, la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Société Enedis a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la délibération du conseil municipal de la ville de Saint-Etienne du 6 juin 2016 adoptant le règlement de voirie ou, subsidiairement, les articles 11.C.3, 21, 28, 32, 37.2, 37.4 et l'annexe 5 fixant la liste des espaces publics prioritaires de ce règlement, ainsi que la décision portant rejet implicite de son recours gracieux exercé le 29 juillet 2016 contre cet acte.

Par un jugement n° 1608643 du 3 juillet 2018, le tribunal, après avoir annulé l'article 21 du règlement de voirie et, dans cette mesure, la décision portant implicitement rejet du recours gracieux, a rejeté le surplus des conclusions présentées par la société Enedis.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 septembre 2018, la société Enedis, représentée par la SELAS Adamas, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre les articles 28, 32, 37.2, 37.4 et l'annexe 5 du règlement, ensemble le rejet de son recours gracieux ;

2°) d'annuler les articles 28, 32, 37.2, 37.4 et l'annexe 5 du règlement, ensemble le rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de Saint Etienne Métropole la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les articles 28 et 37.4, qui imposent une organisation des chantiers par tronçons et des prescriptions en matière d'implantation des tranchées et prévoient la possibilité de prescrire des sujétions techniques adaptées, fixent des contraintes et modalités techniques d'exploitation qui portent une atteinte excessive à son droit d'occuper le domaine public routier ;

- l'article 32, qui impose l'entretien des émergences, met à sa charge des obligations de nettoyage et d'entretien excessives et sans aucun lien avec la conservation du domaine public routier ;

- l'article 37.2, qui fixe arbitrairement à dix jours la durée maximale de la réfection provisoire et présente un caractère absolu et général, sans que cela ne soit justifié par un motif de conservation du domaine, et l'annexe 5 du règlement portent une atteinte excessive à son droit d'occuper le domaine public routier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2020, Saint Etienne Métropole, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Enedis une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Enedis ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2021, qui n'a pas été communiqué, la ville de Saint-Etienne conclut au rejet de la requête.

Elle fait siennes les écritures en défense de Saint Etienne Métropole.

Par une ordonnance du 11 décembre 2020, l'instruction, initialement close au 26 octobre 2020, a été rouverte.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société Enedis, et celles de Me B..., représentant Saint Etienne Métropole et la commune de Saint-Etienne.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 6 juin 2016, le conseil municipal de la ville de Saint-Etienne a adopté un règlement de voirie modifié contre lequel la société Enedis a formé un recours gracieux. Par courrier du 29 juillet 2016, reçu par la ville de Saint-Etienne le 2 août 2016, la société Enedis a sollicité l'annulation de cette délibération ou, à tout le moins, le retrait de certaines de ses dispositions. La société Enedis a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler cette délibération ou, subsidiairement, les articles 11.C.3, 21, 28, 32, 37.2, 37.4 et l'annexe 5 fixant la liste des espaces publics prioritaires de ce règlement, ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux. Par un jugement du 3 juillet 2018, le tribunal, après avoir annulé l'article 21 du règlement de voirie et, dans cette mesure, la décision portant rejet du recours gracieux, a rejeté le surplus de sa demande. La société Enedis relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre les articles 28, 32, 37.2, 37.4 et l'annexe 5 du règlement de voirie.

Sur la légalité du règlement :

2. Aux termes de l'article L. 113-3 du code de la voirie routière : " Sous réserves des prescriptions prévues à l'article L. 122-3, (...) les services publics de transport ou de distribution d'électricité ou de gaz peuvent occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages, dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation à la circulation terrestre (...) ". Aux termes de l'article L. 323-1 du code de l'énergie : " La concession ou autorisation de transport ou de distribution d'électricité confère à l'entrepreneur le droit d'exécuter sur les voies publiques et leurs dépendances tous travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages en se conformant aux conditions du cahier des charges, des règlements de voirie et des décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 323-11, sous réserve du respect des dispositions du code de la voirie routière, en particulier de ses articles L. 113-3 et L. 122-3 ". Il découle de ces dispositions que le droit d'occupation du domaine public routier reconnu à la société ERDF, devenue société Enedis, en sa qualité de concessionnaire d'un réseau d'électricité ne peut s'exercer que dans les conditions prévues par les règlements de voirie. Les autorités compétentes peuvent, par la voie de ces règlements, subordonner l'exercice de ce droit particulier d'occupation aux conditions qui se révèlent indispensables pour assurer la protection du domaine public routier dont elles ont la charge et en garantir un usage adapté à sa destination.

3. En premier lieu, le 2ème alinéa de l'article 28 du règlement, relatif au positionnement des réseaux dispose : " Les tranchées longitudinales sous accotement seront implantées à une distance du bord de la chaussée, supérieure à leur profondeur. Cette distance est mesurée à partir du bord de tranchée, côté chaussée. Il en sera de même pour la distance d'implantation par rapport à un fossé. Les tranchées longitudinales sous profil en travers mixte (déblai-remblai) seront implantées dans l'axe de la voie côté remblai. Aucune tranchée ne sera autorisée sous un fossé de la route sauf impossibilité technique reconnue par la Ville de Saint-Etienne. ".

4. Ces prescriptions qui, ainsi que l'établit Saint-Etienne Métropole, permettent essentiellement de prévenir le décompactage des chaussées, trouvent leur justification dans la nécessité d'assurer la protection et la conservation du domaine public routier. Par suite, la société Enedis n'est pas fondée à soutenir que le 2ème alinéa de l'article 28 du règlement est illégal.

5. En deuxième lieu, aux termes de deux premiers alinéas de l'article 32 du règlement de voirie relatif à l'entretien des émergences sur le domaine public routier communal (armoires, coffrets, cabines...) : " Les émergences implantées sur le domaine public routier doivent être constamment tenues en bon état de fonctionnement, d'entretien et de propreté et doivent être conformes avec la destination de celui-ci en s'intégrant parfaitement dans l'environnement. / A ce titre, elles doivent faire l'objet de nettoyages et d'entretiens réguliers notamment face aux dégradations courantes. ".

6. Les obligations de " nettoyages et d'entretiens " que prévoient ces dispositions, qui concernent les ouvrages propres des opérateurs de réseau qui ne sont pas des ouvrages accessoires du domaine public routier, sont étrangères à la préservation du domaine public routier. Par suite, la société Enedis est fondée à soutenir que de telles dispositions sont illégales. Par suite, les deux premiers alinéas de l'article 32 du règlement doivent être annulés.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 37.2 du règlement de voirie : " Une réfection provisoire en revêtement bitumeux devra permettre la circulation de tous véhicules. / La durée maximale de cette réfection ne devra pas excéder / - dix jours pour les espaces publics prioritaires dont la liste est annexée au présent règlement de voirie (annexe 5) / - 1 mois sur les voiries ne figurant pas à l'annexe 5. Toutefois, la ville de Saint Etienne pourra imposer un délai plus court lors de la délivrance de la permission de voirie. Cette demande devra être motivée. Dans tous les cas, les réfections définitives immédiates sont à privilégier. ". Aux termes de l'article R. 141-13 du code de la voirie routière : " Le délai entre la réfection provisoire et la réfection définitive ne peut excéder un an. ". Il résulte de ces dispositions que la commune peut librement fixer dans son règlement de voirie les délais d'intervention des opérations de réfection, sans que le délai séparant la réfection provisoire de la réfection définitive n'excède un an.

8. La société Enedis fait valoir qu'en imposant un délai maximal de dix jours pour procéder à la réfection provisoire des revêtements pour les espaces publics prioritaires, soit un réseau de cent trente-deux kilomètres, la ville de Saint Etienne impose un délai irréaliste, sans le justifier par un motif de conservation du domaine et en portant ainsi de ce fait une atteinte excessive à son droit d'occuper le domaine public routier.

9. Toutefois, au vu des dispositions précitées de l'article R. 141-13, la ville de Saint Etienne peut légalement fixer à dix jours le délai à l'issue duquel la réfection provisoire des fouilles doit intervenir au terme d'une intervention de l'exploitant. Il n'apparaît pas, en l'espèce, que le délai ainsi imposé qui ne concerne au demeurant que les axes prioritaires, faute de varier en fonction de la nature des travaux, pourrait être insuffisant et méconnaîtrait de manière excessive le droit d'occupation dont dispose la requérante. Par suite, la société Enedis n'est pas fondée à soutenir que l'article 37.2 du règlement et l'annexe 5 dudit règlement seraient illégaux.

10. En quatrième lieu, l'article 37.4 du règlement de voirie prévoit : " La ville de Saint-Etienne se réserve le droit de prescrire des sujétions techniques adaptées et précisées dans la permission de voirie ou dans l'accord de voirie (type et emprise de la réfection, revêtements...) afin de garantir l'intégrité et la fonctionnalité du domaine public routier. Cette procédure sera mise en oeuvre en concertation avec l'intervenant. / Dans le cas d'intervenants multiples sur une même zone et à la discrétion de la ville de Saint-Etienne, les réfections pourront être réalisées par la Ville de Saint-Etienne (conformément au code de la voirie routière Art. R. 141- 17 à R. 141-21). ".

11. Si cet article prévoit la possibilité pour la ville de Saint Etienne de prescrire, pour des chantiers particuliers, des sujétions techniques adaptées et précisées, ce même article précise que ces dernières doivent avoir pour unique finalité de garantir l'intégrité et la fonctionnalité du domaine public routier. Cet article n'impose donc pas en lui-même aux occupants du domaine public des sujétions excessives qui ne seraient pas justifiées par la protection de ce domaine.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Enedis est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux premiers alinéas de l'article 32 du règlement de voirie approuvé par la délibération du conseil municipal de la ville de Saint-Etienne du 6 juin 2016 et, dans cette mesure, la décision portant rejet de son recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, pour l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de Saint-Etienne Métropole une somme au titre des frais exposés par la société Enedis et non compris dans les dépens.

14. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la société Enedis qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Saint Etienne Métropole la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les deux premiers alinéas de l'article 32 du règlement de voirie approuvé par la délibération du conseil municipal de la ville de Saint-Etienne du 6 juin 2016 et, dans cette mesure, la décision portant rejet du recours gracieux de la société Enedis, sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de Saint-Etienne Métropole sont rejetés.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 3 juillet 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Enedis, à Saint Etienne Métropole et à la ville de Saint-Etienne.

Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président assesseur,

Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2021.

2

N° 18LY03442


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03442
Date de la décision : 11/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-02-01 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL ADALTYS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-11;18ly03442 ?
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