La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/02/2021 | FRANCE | N°19LY00430

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 25 février 2021, 19LY00430


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision n° 2018-60 du 8 mars 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Trévoux a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, et l'a placée en congés de maladie ordinaire du 30 novembre 2016 au 29 novembre 2017 ; d'annuler la décision n° 2018-61 du 8 mars 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Trévoux l'a placée en disponibilité d'office à compter du 30 novembre 2017, dans l'attente

de l'avis du comité médical départemental ; d'enjoindre au directeur du centr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision n° 2018-60 du 8 mars 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Trévoux a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, et l'a placée en congés de maladie ordinaire du 30 novembre 2016 au 29 novembre 2017 ; d'annuler la décision n° 2018-61 du 8 mars 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Trévoux l'a placée en disponibilité d'office à compter du 30 novembre 2017, dans l'attente de l'avis du comité médical départemental ; d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Trévoux de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de reconstituer ses droits en conséquence à compter du 30 novembre 2016 ; de mettre à la charge du centre hospitalier de Trévoux la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803104 du 5 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête de Mme A....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 février 2019, et des mémoires enregistrés le 25 avril 2019, le 13 mai 2019 et le 2 septembre 2019, Mme A..., représentée par Me D... ( E...), demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions n° 2018-60 et 2018-61 du directeur du centre hospitalier de Trévoux ;

3°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Trévoux de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre à la même autorité d'assurer sa prise en charge avec reconstitution de ses droits à compter du 30 novembre 2016 ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Trévoux une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché de plusieurs erreurs de fait ; en effet, elle n'a pas bénéficié de quatre jours de formation, mais n'a reçu effectivement qu'une formation d'une seule journée afférente à la réglementation applicable à la formation des agents hospitaliers ; elle n'a pas bénéficié d'un accompagnement régulier de la part de la responsable formation ; elle n'a pas été déchargée de certaines tâches accessoires pour se concentrer sur sa mission ;

- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation concernant ses conditions de travail, eu égard à l'insuffisance de la formation qui lui a été dispensée, à l'épuisement professionnel qu'elle a subi, à sa situation d'isolement et aux exigences qui lui ont été imposées ;

- le rapport d'expertise commandé par le CHSCT, publié en mars 2019, confirme bien la désorganisation du service et le défaut d'encadrement à l'origine de sa maladie ;

- le jugement est entaché d'erreur de droit, dès lors que la décision n° 2018-61 la plaçant en disponibilité d'office a été prise en violation de l'article 27 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- la décision n° 2018-60 du 8 mars 2018 étant illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité était fondé.

Par des mémoires en défense enregistrés le 28 mars 2019 et le 12 juin 2019, le centre hospitalier de Trévoux, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme A... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision n° 2018-60 est parfaitement légale, le lien de causalité entre la dépression de Mme A... et l'exercice de ses fonctions n'étant pas établi ; la requérante a bien suivi 4 jours de formation et a pu bénéficier du soutien de la responsable GHT ;

- le rapport diligenté par le CHSCT ne peut être pris en compte, dès lors qu'il porte sur des faits postérieurs au départ de Mme A..., qui n'avait jamais évoqué un défaut d'encadrement ou des pressions avant de demander l'imputabilité au service de sa maladie ;

- le moyen, soulevé à l'encontre de la décision n° 2018-61, tiré de la violation de l'article 27 du décret n° 86-442 n'est pas fondé ;

- le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision n° 2018-60 n'est pas fondé.

Par ordonnance du 10 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2019.

Vu les décisions attaquées et les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2021 :

- le rapport de M. Tallec, président ;

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

- les observations de Me Di Nicola, avocat, représentant Mme A..., et de Me B..., avocat, représentant le centre hospitalier de Trévoux.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A... a été titularisée le 1er janvier 2010 en qualité d'agent des services hospitaliers au sein du centre hospitalier de Trévoux, où elle travaillait depuis le 2 juillet 2007. Pour des raisons de santé, elle a été reclassée à compter du 1er juillet 2013 dans le cadre d'emplois des adjoints administratifs hospitaliers et affectée au service des ressources humaines de l'établissement. Le 30 novembre 2016, elle a été placée en arrêt de travail pour " syndrome anxio-dépressif, asthénie, insomnie ", initialement pour une durée d'un mois, renouvelé à plusieurs reprises jusqu'à la fin du mois de septembre 2017. Mandaté par le comité médical de l'Ain, le docteur Delay, médecin psychiatre agréé, a procédé le 24 juin 2017 à l'examen de Mme A... et a précisé que celle-ci " souffre d'un trouble dépressif majeur d'intensité sévère avec comorbidité anxieuse " et qu'il " existe un lien direct et exclusif entre les conditions de travail qui lui sont faites et la maladie dont elle souffre ". Mme A... a sollicité le 29 juin 2017 la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Le 3 novembre 2017, la commission de réforme hospitalière a émis un avis favorable à la qualification de " maladie contractée en service " de l'affection de la requérante. Le 27 novembre 2017, le docteur Morrier, psychiatre, a procédé, à la demande de l'employeur, à un nouvel examen de Mme A..., aux termes duquel il a conclu : " En l'absence d'antécédent psychologique et psychiatrique, au vu du dossier et des éléments fournis, la pathologie présente des critères d'imputabilité à l'activité professionnelle. " Le 18 décembre 2017, le directeur du centre hospitalier de Trévoux a pris deux décisions relatives à la situation de Mme A..., refusant d'une part, de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et d'autre part, plaçant l'intéressée en disponibilité d'office. Ces décisions ont été suspendues par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 26 février 2018. Le 8 mars 2018, le directeur du centre hospitalier de Trévoux a retiré ces décisions et pris deux nouvelles décisions ayant un objet similaire, la décision n° 2018-60 refusant de reconnaître l'imputabilité de la maladie de Mme A... au service et la plaçant en congés de maladie ordinaire du 30 novembre 2016 au 29 novembre 2017, et la décision n° 2018-61 du 8 mars 2018 la plaçant en disponibilité d'office à compter du 30 novembre 2017, dans l'attente de l'avis du comité médical départemental. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Lyon qui, par jugement n° 1803104 du 5 décembre 2018, a rejeté ses demandes. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 42. /Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. /Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est appréciée par l'administration, qui doit consulter la commission de réforme avant de refuser de reconnaître cette imputabilité hormis le cas où le défaut d'imputabilité au service est manifeste.

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.

4. Mme A... soutient que la grave dépression dont elle souffre a pour origine une importante modification des conditions de son activité professionnelle à compter de la fin de l'année 2015. Il ressort des pièces versées au dossier que de nouvelles fonctions de " gestionnaire des ressources humaines dans le domaine de la formation " lui ont alors été confiées. En outre, il n'est pas contesté que ses nouvelles missions exigeaient un niveau de compétences supérieur à celui requis pour les précédentes tâches d'exécution qu'elle assurait depuis son reclassement, en juillet 2013, au sein du même service. Ainsi qu'il a été dit au point 1, deux psychiatres ont conclu, en juin, puis en novembre 2017, après avoir procédé à un examen approfondi de l'intéressée, au lien direct de sa pathologie avec ses conditions de travail. Le centre hospitalier de Trévoux n'établit, ni même n'allègue, l'existence de circonstances particulières conduisant à détacher du service la maladie de Mme A..., qui n'avait aucun antécédent dépressif. Dans ces conditions, Mme A... est fondée à soutenir qu'en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, le directeur du centre hospitalier de Trévoux a méconnu les dispositions précitées de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986.

5. La décision n° 2018-60 refusant de reconnaître l'imputabilité de la maladie de Mme A... au service et la plaçant en congés de maladie ordinaire du 30 novembre 2016 au 29 novembre 2017 étant ainsi entachée d'illégalité, la décision n° 2018-61 du 8 mars 2018 la plaçant en disponibilité d'office à compter du 30 novembre 2017, doit également, par voie de conséquence, être annulée.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions litigieuses.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L.911-1 et L.911-2, d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".

8. Eu égard au motif de l'annulation qu'il prononce, le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au directeur du centre hospitalier de Trévoux de prendre un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... et de reconstituer sa carrière, ainsi que ses droits à rémunération et à retraite, dans la mesure rendue nécessaire par l'attribution rétroactive de ses congés pour maladie imputable au service, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Trévoux. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Mme A... d'une somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1803104 du tribunal administratif de Lyon du 5 décembre 2018 et les décisions n° 2018-60 et n° 2018-61 du directeur du centre hospitalier de Trévoux du 8 mars 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au directeur du centre hospitalier de Trévoux de prendre un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... et de reconstituer sa carrière, ainsi que ses droits à rémunération et à retraite, dans la mesure rendue nécessaire par l'attribution rétroactive de ses congés pour maladie imputable au service, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier de Trévoux versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et les conclusions du centre hospitalier de Trévoux présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au centre hospitalier de Trévoux.

Délibéré après l'audience du 9 février 2021, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.

2

N° 19LY00430


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00430
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Jean-Yves TALLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DNL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-25;19ly00430 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award