La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/02/2021 | FRANCE | N°20LY02291

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 11 février 2021, 20LY02291


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... I... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 18 octobre 2019 par lesquelles le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1908583 du 16 mars 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 août 2020, Mme D..., représe

ntée par Me F..., avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1908583 du 16 mars ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... I... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 18 octobre 2019 par lesquelles le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1908583 du 16 mars 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 août 2020, Mme D..., représentée par Me F..., avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1908583 du 16 mars 2020 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 1 de l'article 3 et l'article 9 de la convention relative aux droits de l'enfant, et l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est mère d'un enfant français et le préfet a méconnu le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire enregistré le 7 septembre 2020, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête n'appelle de sa part aucune analyse différente de celle qui a été effectuée par les premiers juges.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme B..., présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., née le 27 janvier 1999, de nationalité nigériane, serait entrée en France, selon ses déclarations, le 3 octobre 2017. Par décision du 10 juin 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande de réexamen de sa demande d'asile. Par décisions du 18 octobre 2019, le préfet de la Loire, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D... fait appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 18 octobre 2019.

2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est mère d'un enfant, né le 10 janvier 2018 à Bron, qui a été reconnu un mois après par M. C..., ressortissant français, domicilié à Villeurbanne. Eu égard au caractère recognitif de la reconnaissance de paternité, Mme D... devait être regardée, à la date de la décision litigieuse, comme parent d'un enfant français. Le préfet de la Loire ne fait pas valoir que cette reconnaissance présenterait un caractère frauduleux et ne conteste pas que Mme D... contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Dans ces conditions, le préfet de la Loire a méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en obligeant Mme D... à quitter le territoire français. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, la décision du 18 octobre 2019 par laquelle le préfet de la Loire a obligé Mme D... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, ainsi que, par voie de conséquence, la décision du même jour par laquelle il a fixé le pays de renvoi doivent être annulées.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ".

6. Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ".

7. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. / Si la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire ou la décision d'assignation à résidence est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) ".

8. Il résulte de ce qui précède que, eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a seulement lieu de prescrire au préfet de la Loire de délivrer, dans le délai de quinze jours, à Mme D... une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me F... avocate de Mme D..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1908583 du 16 mars 2020 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon et les décisions du 18 octobre 2019 du préfet de la Loire portant obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire de délivrer, dans le délai de quinze jours, à Mme D... une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me F..., avocate de Mme D..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me F... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... I... D..., à Me F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saint-Etienne.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme B..., présidente assesseure,

Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.

2

N° 20LY02291

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02291
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MESSAOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-11;20ly02291 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award