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11/02/2021 | FRANCE | N°20LY02139

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 11 février 2021, 20LY02139


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions du 19 juillet 2019 du préfet du Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure en cas d'éloignement d'office ;

- d'enjoindre au préfet du Rhône :

. à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de 15 jours à compter d

e la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

. à titre subsid...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions du 19 juillet 2019 du préfet du Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure en cas d'éloignement d'office ;

- d'enjoindre au préfet du Rhône :

. à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

. à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois sous astreinte journalière de 150 euros en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ;

. à titre infiniment subsidiaire, en cas d'annulation de la décision désignant le pays de destination, de l'assigner à résidence ;

- de mettre à la charge de l'Etat, le versement à son conseil, de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1907982 du 6 avril 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 2 août 2020, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susmentionné du 6 avril 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions précitées du 19 juillet 2019 du préfet du Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône :

- à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

- à titre subsidiaire, en cas d'annulation du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français pour illégalité externe, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois sous astreinte journalière de 150 euros en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt, sous la même astreinte ;

- à titre infiniment subsidiaire, en cas d'annulation de la décision désignant le pays de destination, de l'assigner à résidence ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- s'agissant de la décision portant refus de séjour :

. la décision contestée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamental et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de sa durée de séjour, de l'état de santé de son époux, qui ne peut être soigné en Russie, de son intégration, de la scolarisation longue de ses enfants, et des attaches familiales de son époux en France ;

. elle a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

. elle est méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

. elle a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- s'agissant de la décision fixant le pays de destination :

. elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour et/ou de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

. elle méconnait les articles 2 et 3 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu des risques caractérisés pour son époux et elle en cas de retour dans leur pays d'origine.

Par une ordonnance du 30 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 décembre 2020.

Par une décision du 24 juin 2020, Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droit de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante russe née le 31 mai 1984, est entrée en France le 19 avril 2013 selon ses déclarations. Elle a, le 23 avril 2013, déposé une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision du 16 janvier 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 14 avril 2015 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Elle a fait l'objet, le 9 novembre 2015, d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, décisions dont la légalité a été reconnue par un jugement du 21 juin 2016 du tribunal administratif de Lyon. Sa demande, présentée le 24 juillet 2015, de réexamen de sa demande d'asile a été rejetée par décision du 13 août 2015 de l'OFPRA, confirmée sur recours par une décision du 17 octobre 2016 de la CNDA. Le 16 août 2016, l'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en invoquant l'état de santé de son époux. Par des décisions du 19 juillet 2019, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure en d'éloignement d'office. Par un jugement n° 1907982 du 6 avril 2020, dont Mme D... relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

S'agissant du bien-fondé du jugement :

- Concernant la légalité de la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... se maintient en France en dépit d'un précédent refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français prononcés le 9 novembre 2015 et dont la légalité a été reconnue par un jugement du 21 juin 2016 du tribunal administratif de Lyon. Si elle fait état de ses attaches familiales en France, et notamment de la présence de son concubin et leurs trois enfants, nés en 2009, 2011 et 2016, cette cellule familiale a vocation à se reconstituer en Russie, compte tenu de la situation également irrégulière en France de son concubin, qui a fait également fait l'objet, le 19 juillet 2019, d'un refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français dont la légalité a été en dernier lieu reconnue par un arrêt n° 20LY02135 de ce jour de la cour. Mme D... n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Elle ne justifie pas d'une intégration particulière en France, bien qu'elle suive des cours de français et s'investisse dans une association. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de Mme D..., même si les parents de son concubin séjournent en France sous couvert d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, la décision lui refusant délivrance d'un titre de séjour ne peut être regardée comme lui ayant porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et comme intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

4. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. Dès lors que la cellule familiale a vocation à retourner en Russie, où il n'est pas établi qu'elle ne pourrait pas y mener une vie privée et familiale normale et que les enfants ne pourraient pas y poursuivre leur scolarité, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

- Concernant la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, et a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux développés concernant la décision portant refus de séjour.

- Concernant de la légalité de la décision portant fixation du pays de destination :

7. En premier lieu, en l'absence d'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions doit être écarté.

8. En second lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible./ Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

9. Dès lors que la requérante n'établit pas qu'elle serait exposée à des traitements inhumains ou dégradants, notamment à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, le moyen tiré de la violation des stipulations et dispositions précitées doit être écarté.

10. Il résulte de tout de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

11. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application, au bénéfice de son avocat, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.

2

N° 20LY02139


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02139
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : HASSID

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-11;20ly02139 ?
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