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11/02/2021 | FRANCE | N°19LY04624

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 11 février 2021, 19LY04624


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 11 décembre 2018 par laquelle la ministre du travail a confirmé la décision du 8 mars 2018 de l'inspectrice du travail de la 4ème section du département de la Loire autorisant son licenciement et la décision implicite par laquelle la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé contre la décision du 8 mars 2018 de l'inspectrice du travail autorisant son licenciement.

Par jugement n°s 1807347, 1900429 l

u le 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 11 décembre 2018 par laquelle la ministre du travail a confirmé la décision du 8 mars 2018 de l'inspectrice du travail de la 4ème section du département de la Loire autorisant son licenciement et la décision implicite par laquelle la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé contre la décision du 8 mars 2018 de l'inspectrice du travail autorisant son licenciement.

Par jugement n°s 1807347, 1900429 lu le 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 décembre 2019 et 7 mai 2020, l'association AGC du Puy-de-Dôme, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée au tribunal par M. E... ;

2°) de mettre à la charge de M. E... le versement d'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que M. E... n'avait pas eu accès de manière effective à l'ensemble des pièces produites par son employeur à l'appui de la demande de licenciement ; lors de l'audition de M. E..., l'inspectrice du travail s'est assurée, via l'attestation de remise de documents dans le cadre d'une enquête contradictoire signée le même jour, que M. E... avait été mis à même de prendre connaissance en temps utile de toutes les pièces auxquelles il pouvait accéder afin de préparer sa défense ; lors de la contre­enquête menée par la direction régionale des entreprises suite au recours hiérarchique de M. E..., l'inspectrice du travail a porté à la connaissance de ce dernier des témoignages recueillis auprès des salariés de l'association par mail du 8 mars 2018 ;

- les faits reprochés sont établis et sont d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ;

- aucun lien avec les mandats détenus par l'intéressé ne peut être retenu.

Par mémoires enregistrés les 21 février 2020 et 18 mai 2020, M. A... E..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que lui soit allouée une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'attestation de Mme B. ne lui a jamais été adressée malgré la demande formulée en ce sens ; il n'a jamais pu prendre connaissance des témoignages évoqués par l'inspection du travail dans sa décision ;

- les faits reprochés ne sont pas établis et ne sont pas de nature à justifier un licenciement compte tenu de son ancienneté et de l'absence de précédentes mesures disciplinaires ;

- l'absence de bureau personnel fermé était lié à l'exercice de ses mandats ;

- son licenciement est fondé sur des motifs économiques ;

- les faits de séquestration n'ont pas été mentionnés lors de l'entretien préalable en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1332-2 du code du travail.

Par mémoire enregistré le 18 août 2020, le ministre du travail s'associe à la requête de l'association AGC du Puy-de-Dôme et indique s'en rapporter à ses observations de première instance.

Par ordonnance du 24 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me B... substituant Me D... pour l'association AGC du Puy-de-Dôme, ainsi que celles de Me F... substituant Me C... pour M. E... ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association AGC du Puy-de-Dôme, venants aux droits de l'OCGEAR (office conseil gestion entreprise artisanale Roannais) relève appel du jugement lu le 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 8 mars 2018 de l'inspectrice du travail de la 4ème section de la Loire autorisant le licenciement de M. E..., embauché depuis 1981 en qualité de chef de groupe et titulaire des mandats de délégué syndical, de délégué du personnel titulaire et conseiller du salarié, ainsi que la décision du 11 décembre 2018 par laquelle la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé le 11 avril 2018 contre cette décision.

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. À l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, les articles R. 2421-4 et R. 2121-11 du code du travail disposent que l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ".

3. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné. Il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur, voire en cas de demande d'en obtenir une copie, dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement sa défense, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. C'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.

4. Or, il ressort des pièces du dossier que lors de l'enquête contradictoire du 24 janvier 2018 menée par l'inspecteur du travail, M. E... a eu accès à l'ensemble des documents remis par son employeur et une attestation de remise de documents lui a été délivrée l'informant que l'inspecteur avait joint à la convocation la demande de licenciement le concernant ainsi que " la liste exhaustive des pièces qui y étaient annexées en vous informant que je tenais ces pièces à votre disposition sur simple demande de votre part ". Suite à la demande de l'intéressé, l'inspecteur du travail, par un courrier du 1er février 2018, lui a communiqué ces pièces le jour même, hormis l'attestation de Mme B., pièce qui constituait le seul élément susceptible de confirmer le témoignage de la directrice de l'association sur l'altercation dont celle-ci soutient avoir été victime de la part de M. E..., le 27 novembre 2017. L'accès, dans le cadre de l'enquête contradictoire prévue par les articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, à l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, dans des conditions et des délais permettant de présenter utilement sa défense, constitue une garantie pour le salarié protégé alors que la circonstance que M. E... ait obtenu, dans le cadre de l'enquête menée par la caisse primaire d'assurance maladie sur ses arrêts de travail, cette attestation, à une date non communiquée, est sans incidence sur l'irrégularité ainsi relevée.

5. Il résulte de ce qui précède que l'association AGC du Puy-de-Dôme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 8 mars 2018 de l'inspectrice du travail de la 4ème section de la Loire autorisant le licenciement de M. E... et la décision du 11 décembre 2018 par laquelle la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé le 11 avril 2018 contre cette décision.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, faute pour M. E... d'avoir désigné la partie à l'encontre de laquelle il a présenté des conclusions tendant à l'application de ces dispositions, sa demande est irrecevable et doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association AGC du Puy-de-Dôme est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. E... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à l'association AGC du Puy-de-Dôme et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.

N° 19LY04624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04624
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique. Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SELARL AUVERJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-11;19ly04624 ?
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