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11/02/2021 | FRANCE | N°18LY03321

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 11 février 2021, 18LY03321


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Schneider et Mathys Architectes (SAM) a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler le marché public de maîtrise d'oeuvre conclu pour l'extension et la rénovation de l'école maternelle Villancourt entre la commune de Pont de Claix et le groupement constitué par les sociétés Composite d'Architectures et TPF Ingénierie et, d'autre part, de condamner la commune à lui verser la somme de 60 773,84 euros, assortie des intérêts, en réparation du préjudice correspondant a

u manque à gagner subi du fait de l'éviction du groupement qu'elle avait const...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Schneider et Mathys Architectes (SAM) a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler le marché public de maîtrise d'oeuvre conclu pour l'extension et la rénovation de l'école maternelle Villancourt entre la commune de Pont de Claix et le groupement constitué par les sociétés Composite d'Architectures et TPF Ingénierie et, d'autre part, de condamner la commune à lui verser la somme de 60 773,84 euros, assortie des intérêts, en réparation du préjudice correspondant au manque à gagner subi du fait de l'éviction du groupement qu'elle avait constitué avec les sociétés Grontmij et Procobat pour l'obtention de ce marché.

Par un jugement n° 1602939 du 5 juillet 2018, ce tribunal a partiellement fait droit à sa demande en condamnant la commune de Pont de Claix à lui verser la somme de 60 773,84 euros assortie des intérêts à compter du 23 mai 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 août 2018 et 29 mai 2019, la commune de Pont de Claix, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1 à 3 de ce jugement ou, subsidiairement, le seul article 1er ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société SAM devant le tribunal administratif de Grenoble ou, subsidiairement, de limiter son indemnisation à la somme de 16 153 euros ;

3°) de mettre à la charge de la société SAM la somme de 5 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- son maire était compétent pour choisir le lauréat du concours ;

- le moyen tiré de qu'il n'a pas motivé son choix est inopérant et au demeurant non fondé ;

- les critères d'évaluation des projets, évalués au regard de sous-critères, étaient hiérarchisés ; le critère financier n'était pas prépondérant ; l'enveloppe financière prévisionnelle ne constituait pas un plafond ; la société SAM a proposé une offre en connaissance de cause, comme les autres candidats, sur la base d'un coût d'objectif de 1 500 euros HT au m2 ; son maire a respecté les critères de sélection des offres précisés lors de la session de questions/réponses compte tenu du différentiel insignifiant entre le groupement choisi et le groupement de la société SAM ; c'est donc à tort que le tribunal a considéré que le coût du projet du lauréat était incompatible avec le coût d'objectif ;

- son maire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les données avancées par la société SAM ne justifient pas le taux de marge nette de 32,71 % retenu par le tribunal ; ce taux ne saurait dépasser 13 % ;

- son manque à gagner doit être diminué de la somme de 8 000 euros qu'elle lui a versée à titre de prime pour participation au concours.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 novembre 2018 et 30 juillet 2019, la société SAM, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune de Pont de Claix au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- la commune reconnaît avoir apprécié les mérites des offres au regard de sous-critères qui n'étaient pas annoncés ni explicités dans le règlement du concours, ce qui confirme qu'elle s'est fondée sur les items d'analyse et l'avis émis par la commission technique ;

- il lui incombait de sanctionner le non-respect du critère de la compatibilité du projet avec la partie de l'enveloppe financière prévisionnelle affectée aux travaux ; elle a méconnu l'égalité de traitement entre les candidats dans la comparaison des offres financières ;

- elle a manqué à ses obligations de mise en concurrence en ne précisant pas que l'enveloppe prévisionnelle était une fourchette ;

- le marché est entaché d'une irrégularité insusceptible d'être régularisée ;

- le choix du lauréat est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- son groupement avait une chance sérieuse d'emporter le marché ;

- les charges salariales et les frais de déplacements sont justifiés ;

- elle n'aurait supporté aucun frais d'hébergement ;

- le taux de marge nette de 32,71 % n'est pas disproportionné ;

- le montant de la prime pour participation au concours est déduit de la rémunération du titulaire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Pour l'extension et la rénovation de l'école maternelle Villancourt, la commune de Pont de Claix (Isère) a lancé une procédure de concours restreint de maîtrise d'oeuvre. A l'issue de la sélection des candidatures, de l'examen des projets par la commission technique puis du jury après une séance de dialogue avec les groupements classés premiers ex-aequo composés, d'une part, des sociétés Composite d'Architectures et TPF Ingénierie et, d'autre part, des sociétés Schneider et Mathys Architectes (SAM), Grontmij et Procobat, le marché a été conclu le 2 février 2016 entre la commune de Pont de Claix et le groupement constitué entre les sociétés Composite d'Architectures et TPF Ingénierie. La société SAM a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler ce marché et de condamner la commune à lui verser la somme de 60 773,84 euros assortie des intérêts en réparation du préjudice correspondant au manque à gagner subi du fait de l'éviction de ce marché. Par un jugement du 5 juillet 2018, ce tribunal a fait droit à ses conclusions indemnitaires. La commune de Pont de Claix demande la réformation de ce jugement.

2. L'article 70 du code des marchés publics relatif au déroulement de la procédure à suivre en cas de concours applicable disposait que : " (...) V. - Les prestations des candidats sont ensuite transmises au jury qui les évalue, en vérifie la conformité au règlement du concours et en propose un classement fondé sur les critères indiqués dans l'avis d'appel public à concurrence. Le jury dresse un procès-verbal de l'examen des prestations, dans lequel il consigne ses observations et tout point nécessitant des éclaircissements, et formule un avis motivé. Ce procès-verbal est signé par tous les membres du jury (...) ". / VI. - Le jury peut ensuite inviter les candidats à répondre aux questions qu'il a consignées dans ce procès-verbal afin de clarifier tel ou tel aspect d'un projet. Un procès-verbal complet du dialogue entre les membres du jury et les candidats est établi. / VII. - Après réception de l'avis et des procès-verbaux du jury, et après examen de l'enveloppe contenant le prix, le ou les lauréats du concours sont choisis par le pouvoir adjudicateur. (...) ".

3. La commune de Pont de Claix exigeait, selon les prescriptions du programme du concours, que le projet à mettre en oeuvre porte son dynamisme, son ambition environnementale et le renouvellement urbain du quartier. Elle attendait que l'architecture prenne en compte les éléments du site, notamment les masques des bâtiments voisins, et que des panneaux solaires soient intégrés dans les toitures à pente. Les critères d'évaluation des projets énoncés par ordre prioritaire dans l'avis public à la concurrence étaient explicités dans le règlement du concours. Le premier critère, relatif à la qualité de la réponse au programme, était apprécié en fonction de la relation au site et du parti esthétique, de l'organisation fonctionnelle, de la qualité architecturale des espaces de vie, des options proposées en matière de qualité d'usage, de la qualité environnementale et de la prise en compte de l'exploitation et de la maintenance. Le règlement du concours précisait que le second critère, tenant à la compatibilité du projet avec la partie de l'enveloppe financière prévisionnelle affectée aux travaux, serait jugé en fonction de la part des investissements destinés à réduire les coûts ultérieurs d'exploitation et de maintenance.

4. S'agissant du critère, de premier rang, d'appréciation des offres fondé sur la qualité de la réponse au programme, le jury du concours a pointé les mérites et insuffisances respectives des offres des deux groupements. Il a mis en avant la bonne fonctionnalité intérieure du projet lauréat, son implantation en retrait de la rue et sa sobriété. Il a cependant relevé l'absence de luminosité, l'étroitesse des cours de récréation, un parti architectural trop refermé sur lui-même, un style trop proche de l'existant et la médiocre qualité des plans. Après la séance de dialogue, la réponse architecturale apportée par le groupement des sociétés SAM, Grontmij et Procobat au programme du maître d'ouvrage se présentait comme la meilleure selon le jury. La commune de Pont de Claix soutient cependant que l'offre du groupement des sociétés Composite d'Architectures et TPF Ingénierie finalement retenue répondait mieux à sa volonté de pouvoir disposer d'une école moderne mais inscrite dans un cadre classique, alors que l'offre du groupement concurrent était éloignée des attentes du concours, en ce qui concerne sa ligne trop marquée et son implantation en rupture totale avec l'architecture urbaine du quartier, la difficulté d'appréhension des accès, tenant notamment à la présence de trois accès dont deux baies vitrées ouvrant sur l'espace public et la priorité donnée à l'aménagement extérieur au détriment de l'aménagement intérieur du bâtiment. Ces insuffisances étaient notées dans le rapport de la commission technique et dans celui du jury.

5. Pour l'évaluation des offres au regard du critère, de second rang, tenant à la compatibilité du projet avec la partie de l'enveloppe financière prévisionnelle affectée aux travaux, le règlement du concours stipulait que le montant prévisionnel des travaux était de deux millions d'euros HT. Il résulte du procès-verbal du dialogue, le 24 juin 2015, entre le jury et les candidats admis à présenter une offre, annexé au dossier de consultation et complétant le programme et le règlement de concours, que l'enveloppe financière prévisionnelle ne constituait pas un plafond mais un coût d'objectifs établi sur la base d'un coût moyen de 1 500 euros HT au m2. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prise en compte du prix au m2 était ainsi prévue dans le règlement du concours. Le coût au m2 de l'offre du groupement lauréat était de 1 440 euros HT. Si son montant total dépassait de 21 % le montant prévisionnel des travaux et celui des sociétés SAM, Grontmij et Procobat de seulement 2,25 %, cette différence résulte toutefois de la surface à construire dans chaque projet.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a considéré, au motif que la réponse architecturale au programme dans l'offre du groupement des sociétés Composite d'Architectures et TPF Ingénierie était moins satisfaisante et que son coût était incompatible avec l'enveloppe financière prévisionnelle, que la commune de Pont de Claix avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa prestation et, ainsi, une faute.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société SAM devant le tribunal.

8. Si le VIII de l'article 70 du code des marchés publics disposait que " l'assemblée délibérante attribue le marché qui fait suite au concours ", le maire de Pont de Claix était cependant habilité par une délibération du conseil municipal du 17 avril 2014 pour prendre toute décision concernant la passation des marchés, comme l'autorise le 4° de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales. Il était dès lors compétent pour signer le marché.

9. Il résulte de l'instruction que les avis des membres du jury ont été consignés dans les procès-verbaux d'examen des prestations avant et après la séance de dialogue, à l'issue de laquelle le jury a recommandé au maître d'ouvrage d'attribuer le marché aux deux groupements concurrents qu'il a classés ex-aequo. Par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation des avis du jury manque en fait.

10. Le moyen tiré de ce que le maire de la commune de Pont de Claix n'a pas motivé son choix manque également en fait. Au surplus, ce prétendu vice ne serait pas directement à l'origine de l'éviction du groupement des sociétés SAM, Grontmij et Procobat.

11. Il ne résulte pas de l'instruction que le maire se serait cru lié par l'analyse de la commission technique.

12. Ainsi qu'il a été dit au point 5, le montant de l'offre du groupement lauréat, qui avait été établi sur la base d'un coût au m2 inférieur au prix prévu dans le règlement du concours, dépassait de 21 % l'enveloppe financière prévisionnelle en raison de la surface à construire dans son projet. Par suite, la société SAM n'est pas fondée à soutenir que le jury aurait dû écarter cette offre comme non conforme et que le pouvoir adjudicateur aurait méconnu le principe d'égalité entre les candidats en retenant l'offre du groupement concurrent.

13. Compte tenu de ce qui précède, la société SAM n'établit pas que la commune de Pont de Claix aurait adopté un comportement discriminatoire à l'égard de son groupement et aurait entendu favoriser le groupement des sociétés Composite d'Architectures et TPF Ingénierie lors de l'examen des offres.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Pont de Claix est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à indemniser la société SAM. Ce jugement doit donc être annulé et la demande présentée par la société SAM devant le tribunal rejetée.

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de pont de Claix qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu de mettre à la charge de la société SAM la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Pont de Claix au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1602939 du tribunal administratif de Grenoble du 5 juillet 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société SAM devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : La société SAM versera à la commune de Pont de Claix la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Pont de Claix et à la société SAM.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme A..., président assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.

2

N° 18LY03321


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03321
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL DESCHAMPS et VILLEMAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-11;18ly03321 ?
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