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09/02/2021 | FRANCE | N°19LY04728

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 09 février 2021, 19LY04728


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SNC Gabriel a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 14 février 2017 par lequel le maire de la commune de Charvieu-Chavagneux a décidé de préempter la parcelle cadastrée section AE n° 323.

Par un jugement n° 1703252 du 24 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 décembre 2019, et un mémoire en réplique enregistré le 9 janvier 2021, la commune de Charvieu-C

havagneux, représentée par le cabinet Lentilhac Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SNC Gabriel a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 14 février 2017 par lequel le maire de la commune de Charvieu-Chavagneux a décidé de préempter la parcelle cadastrée section AE n° 323.

Par un jugement n° 1703252 du 24 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 décembre 2019, et un mémoire en réplique enregistré le 9 janvier 2021, la commune de Charvieu-Chavagneux, représentée par le cabinet Lentilhac Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 octobre 2019 ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de la SNC Gabriel ;

3°) de supprimer le huitième paragraphe de la page 11 du mémoire en défense, ainsi que les pièces 16 et 17 jointes à la requête, et de condamner l'intimée à verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

4°) de mettre à la charge de la SNC Gabriel la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande introductive d'instance de la SNC Gabriel était irrecevable, dès lors qu'elle n'était pas signée ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le maire de la commune pouvait légalement exercer son droit de préemption sur la parcelle cadastrée section AE n° 323, dès lors que le projet envisagé sur le bien préempté répondait à un intérêt général suffisant.

Par un mémoire enregistré le 13 mars 2020, et un mémoire complémentaire enregistré le 14 janvier 2020, qui n'a pas été communiqué, la SNC Gabriel, représentée par la SCP CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2017 et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé ;

- l'arrêté du 14 février 2017 est insuffisamment motivé ;

- la commune ne justifie pas de la réalité du projet, en méconnaissance de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ;

- la décision est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- la décision est entachée d'illégalité, dès lors qu'elle n'a pas reçu l'information sur la possibilité que soit saisi le juge judiciaire, prévue à l'article R. 213-10 du code de l'urbanisme, et sur les conditions de prix de vente fixées à l'article L. 213-14 du même code.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me A... pour la SNC Gabriel ;

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour la SNC Gabriel, enregistrée le 20 janvier 2021 ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 14 février 2017, le maire de Charvieu-Chavagneux a décidé de préempter la parcelle cadastrée section AE n° 323, en vue d'y réaliser un parking comportant trente-neuf places de stationnement. La commune de Charvieu-Chavagneux relève appel du jugement du 24 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 14 février 2017 :

2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institué par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L.300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

4. Il ressort de l'arrêté attaqué que la commune de Charvieu-Chavagneux a exercé son droit de préemption sur la parcelle litigieuse pour y créer un parc de stationnement à proximité du marché. La légalité d'une décision de préemption n'étant pas subordonnée à l'exigence que la collectivité ne puisse réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'exercice de ce droit, la SNC Gabriel ne peut utilement faire valoir que la commune dispose de terrains situés à proximité du marché. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier qu'une partie de ces terrains, s'ils n'étaient pas alors aménagés, étaient déjà utilisés par les usagers pour y stationner pendant les marchés, à la date de la décision litigieuse, et qu'ils pouvaient ponctuellement être encombrés. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la parcelle litigieuse ne serait pas adaptée au projet, alors même qu'elle est entourée de constructions, dès lors qu'elle est distante de 260 mètres du projet et qu'elle permet l'aménagement de trente-huit places de stationnement. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté du 14 février 2017 au motif que la mise en oeuvre du droit de préemption ne répondrait pas à un intérêt général suffisant.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SNC Gabriel en première instance et en appel.

6. En premier lieu, l'arrêté litigieux précise que le droit de préemption est exercé en vue de réaliser un parking à proximité du marché. Quand bien même il ressort des pièces du dossier qu'il n'était pas accompagné du plan de masse du futur parking, comme l'allègue la commune, il précisait la nature du projet envisagé et était ainsi suffisamment motivé.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 213-8 du code de l'urbanisme : " Lorsque l'aliénation est envisagée sous forme de vente de gré à gré ne faisant pas l'objet d'une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire : a) Soit sa décision de renoncer à l'exercice du droit de préemption ; b) Soit sa décision d'acquérir aux prix et conditions proposés, y compris dans le cas de versement d'une rente viagère ; c) Soit son offre d'acquérir à un prix proposé par lui et, à défaut d'acceptation de cette offre, son intention de faire fixer le prix du bien par la juridiction compétente en matière d'expropriation (...) " L'article R. 213-10 du code dispose : " A compter de la réception de l'offre d'acquérir faite en application des articles R. 213-8 (c) ou R. 213-9 (b), le propriétaire dispose d'un délai de deux mois pour notifier au titulaire du droit de préemption : a) Soit qu'il accepte le prix ou les nouvelles modalités proposés en application des articles R. 213-8 (c) ou R. 213-9 (b) ; b) Soit qu'il maintient le prix ou l'estimation figurant dans sa déclaration et accepte que le prix soit fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation ; c) Soit qu'il renonce à l'aliénation. " Aux termes de l'article R. 213-11 du code de l'urbanisme : " Si le titulaire du droit de préemption estime que le prix mentionné à l'article R. 213-10 (b) est exagéré, il peut, dans le délai de quinze jours à compter de la réception de la réponse du propriétaire, saisir la juridiction compétente en matière d'expropriation par lettre recommandée adressée au secrétariat de cette juridiction. Une copie, en double exemplaire, du mémoire du titulaire du droit de préemption est jointe à la lettre adressée au secrétariat de la juridiction. Le propriétaire doit en être informé simultanément. / Il est ensuite procédé comme il est dit aux articles R. 311-9 à R. 311-32 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. / A défaut de saisine de la juridiction dans le délai fixé par le présent article, le titulaire du droit de préemption est réputé avoir renoncé à l'exercice de son droit. "

8. Il ressort de l'arrêté litigieux que le maire de Charvieu-Chavagneux, qui avait proposé un prix d'acquisition inférieur à celui mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner, a indiqué au vendeur qu'il avait le choix entre accepter cette offre et renoncer à l'aliénation, sans préciser qu'à défaut d'acceptation de l'offre, la juridiction compétente en matière d'expropriation serait saisie. Si une telle mention erronée est susceptible, le cas échéant, d'induire en erreur le vendeur et, dès lors, d'engager la responsabilité de la commune, il ressort des pièces du dossier qu'en l'espèce la SNC Gabriel a refusé la proposition de la commune, circonstance obligeant la commune de Charvieu-Chavagneux à saisir le juge judiciaire, sous peine d'être réputée avoir renoncé à l'exercice de son droit. Dans ces conditions, l'omission précitée, qui n'a pas privé la SNC Gabriel d'une garantie, ne l'a pas incitée à accepter l'offre de la commune ni ne l'a empêchée de saisir le juge judiciaire, ce que pouvait seul faire la commune, et n'a ainsi pas eu d'influence sur la suite de la procédure ni sur la légalité de la décision de préemption. Par suite, le moyen doit être écarté.

9. En troisième lieu, aucune disposition n'imposant au titulaire du droit de préemption de préciser, dans sa décision de préemption, les conditions dans lesquelles le prix de vente pourrait être ultérieurement réglé, l'erreur matérielle affectant sur ce point l'arrêté litigieux est sans incidence sur sa légalité.

10. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que par délibération du 20 décembre 2016, antérieure à l'arrêté litigieux, le conseil municipal de Charvieu-Chavagneux a indiqué son intention d'aménager un parking à proximité de l'avenue du collège, compte tenu des difficultés de stationnement à proximité de la place où se tient le marché hebdomadaire. Si cette délibération est postérieure à la réception par la commune des premières déclarations d'intention d'aliéner adressées à la commune, et si celle-ci ne justifie d'aucun autre document attestant d'une intention préalable d'aménager un tel parking, la commune de Charvieu-Chavagneux, qui n'avait pas à déterminer préalablement les caractéristiques exactes du projet, doit être regardée comme justifiant ainsi de la réalité de ce projet d'aménagement à la date de l'arrêté du 14 février 2017. Par suite, le moyen doit être écarté.

11. En cinquième lieu, le caractère insuffisant ou excessif du montant auquel le titulaire du droit de préemption se propose d'acquérir un bien au regard du marché immobilier est, par lui-même, sans incidence sur la légalité de la décision de préemption.

12. Enfin, si la SNC Gabriel soutient que le maire de Charvieu-Chavagneux souhaitait s'opposer au projet de vente en raison de l'origine des acquéreurs du terrain mentionnés sur la déclaration d'intention d'aliéner, le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est pas établi.

13. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance, que la commune de Charvieu-Chavagneux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté de son maire du 14 février 2017 et à demander, outre l'annulation de ce jugement, le rejet de la demande de la SNC Gabriel.

Sur la demande de la requérante tendant à la suppression de passages injurieux, outrageants ou diffamatoires et à l'allocation de dommages et intérêts :

14. Aux termes de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " Sont également applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-après reproduites : " Art. 41, alinéas 3 à 5.-Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux et, dans tous les cas, à l'action civile des tiers " ".

15. S'ils font référence à des décisions de justice qui ont été annulées, le huitième paragraphe de la page 11 du mémoire en défense de la SNC Gabriel et ses pièces 16 et 17 ne peuvent être regardés comme injurieux ou diffamatoires au sens de la loi du 29 juillet 1881. Il n'y a pas lieu par suite d'en ordonner la suppression, ni de condamner la SNC Gabriel au versement de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les frais d'instance :

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Charvieu-Chavagneux tendant à la mise à la charge de la SNC Gabriel de la somme qu'elle demande au titre des frais non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SNC Gabriel, partie perdante, tendant à la mise à la charge de la commune requérante d'une somme au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 24 octobre 2019 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de la SNC Gabriel en première instance et le surplus des conclusions d'appel des parties sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Charvieu-Chavagneux et à la SNC Gabriel.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Thierry Besse, président,

Mme E... C..., première conseillère,

Mme D... B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021.

2

N° 19LY04728


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04728
Date de la décision : 09/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : M. BESSE
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LENTILHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-09;19ly04728 ?
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