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09/02/2021 | FRANCE | N°19LY02086

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 09 février 2021, 19LY02086


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société NA Services a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 1er mars 2018 par lequel le maire de Plats a sursis à statuer sur sa demande de permis d'aménager du 24 novembre 2017 pour la réalisation d'un lotissement de six lots sur un terrain situé lieu-dit " le Serre du Puy ", d'autre part, l'arrêté du 22 mai 2018 portant retrait du permis tacite d'aménagement obtenu le 24 février 2018 et opposant un sursis à statuer sur sa demande, ainsi

que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société NA Services a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 1er mars 2018 par lequel le maire de Plats a sursis à statuer sur sa demande de permis d'aménager du 24 novembre 2017 pour la réalisation d'un lotissement de six lots sur un terrain situé lieu-dit " le Serre du Puy ", d'autre part, l'arrêté du 22 mai 2018 portant retrait du permis tacite d'aménagement obtenu le 24 février 2018 et opposant un sursis à statuer sur sa demande, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1805409 du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2019, la société NA Services, représentée par la SELARL Fayol et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 avril 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés du maire de Plats des 1er mars 2018 et 22 mai 2018 ainsi que la décision rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au maire de Plats de réexaminer sa demande de permis d'aménager dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Plats au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé irrecevables ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 1er mars 2018, dont le retrait par l'arrêté du 22 mai 2018 également attaqué n'était pas définitif ;

- l'arrêté du 1er mars 2018 retirant le permis tacite d'aménagement obtenu est intervenu en méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration en l'absence de procédure contradictoire préalable ;

- l'arrêté du 22 mai 2018 a été pris au terme d'une procédure irrégulière faute pour la procédure contradictoire de revêtir un caractère préalable et la moindre utilité, dès lors qu'il confirme le retrait déjà prononcé par l'arrêté du 1er mars 2018 ;

- c'est à tort que le tribunal a validé le sursis à statuer alors que le débat sur le projet d'aménagement et de développement durables, intervenu six ans avant les arrêtés contestés, était caduque ; les modalités de la concertation préalable et les objectifs de la commune ont été fixés par délibération du 4 juin 2013 ;

- il n'est pas établi que la décision de ne pas surseoir à statuer était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2010, la commune de Plats, représentée par la SELARL Philippe Petit et associés, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société NA Services en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a fait une juste application du principe selon lequel, dans 1'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge doit d'abord se prononcer sur la décision de retrait, si la légalité de cette décision est admise, il n'y a donc plus lieu de statuer sur la décision retirée ;

- les moyens soulevés sont infondés ;

- les autres moyens de première instance, qui ne sont pas repris en cause d'appel, ne pourront pas être examinés.

La clôture d'instruction a été fixée au 22 septembre 2020 par une ordonnance du 31 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... C..., première conseillère ;

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société NA Services relève appel du jugement du 11 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du maire de Plats du 1er mars 2018 opposant un sursis à statuer à sa demande de permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement de six lots sur un terrain situé lieu-dit " le Serre du Puy ", d'autre part, l'arrêté du 22 mai 2018 portant retrait du permis tacite d'aménagement obtenu et opposant à nouveau un sursis à statuer sur sa demande, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Lorsqu'une décision administrative faisant l'objet d'un recours contentieux est retirée en cours d'instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l'annulation de la nouvelle décision. Lorsque que le retrait a acquis un caractère définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'antérieurement à l'enregistrement de la demande introductive au greffe du tribunal administratif de Lyon le 4 juillet 2018, l'arrêté du maire de Plats du 1er mars 2018 a été retiré et remplacé par un nouvel arrêté du 22 mai 2018. La société NA Services a dirigé les conclusions de sa demande de première instance à la fois contre l'arrêté du 1er mars 2018 et celui du 22 mai 2018. Toutefois, elle doit être regardée comme ayant demandé l'annulation de ce second arrêté en tant seulement qu'il oppose à nouveau un sursis à statuer à sa demande de permis d'aménager. En tant qu'il retire une précédente décision de même nature défavorable à la société NA Services, l'arrêté du maire de Plats du 22 mai 2018 a acquis un caractère définitif. Il en résulte que la société NA Services n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges, après en avoir informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, ont entaché leur jugement d'une irrégularité en estimant que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 1er mars 2018 et de la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 26 avril 2018 étaient dépourvues d'objet.

Sur la légalité de l'arrêté du 22 mai 2018 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". La décision portant retrait d'un permis d'aménager étant au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, une telle décision doit être précédée d'une procédure contradictoire, qui constitue une garantie pour le titulaire du permis que l'autorité administrative entend rapporter.

5. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 23 mars 2018, le maire a informé la société NA Services qu'il envisageait de procéder au retrait de l'autorisation tacite obtenue le 25 février 2018 et lui a imparti un délai de dix jours pour faire connaître ses observations. La seule circonstance que l'arrêté du 1er mars 2018 n'avait pas encore été retiré à la date à laquelle ses observations ont été sollicitées, alors que la commune a entendu purger le vice dont il était entaché afin de mener la procédure contradictoire préalable, ne suffit pas à établir que cette procédure suivie en application de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration cité au point précédent aurait été dépourvue de toute effectivité.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. ".

7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle la société NA Services s'est trouvée titulaire d'un permis d'aménager tacite, le 25 février 2018, le projet de PLU était suffisamment avancé, dans la mesure où comme l'expose la société requérante dans ses propres écritures, le PADD annexé à la délibération arrêtant le projet de PLU du 15 mars 2018 a été établi en août 2016. La circonstance que le débat sur ce PADD est intervenu six ans auparavant le 12 décembre 2011 et que les orientations auraient été substantiellement modifiées au cours de la procédure d'élaboration du PLU est à cet égard sans incidence.

8. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, un permis d'aménager, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date à laquelle il a été pris.

9. Au nombre des objectifs que poursuit la commune de Plats dans le cadre de l'élaboration de son PLU, figure en particulier, au titre de l'axe n° 1 du PADD, la nécessité d'un développement raisonné de l'urbanisation. La commune prévoit à l'horizon de l'année 2028 la construction de 53 logements nouveaux. Le PADD privilégie un développement centré sur le village actuel de Plats par la réalisation d'opérations d'ensemble sur des grands tènements fonciers dans la partie urbanisée du village, le potentiel restant étant constitué de constructions réalisées dans les dents creuses du tissu déjà constitué du village, par subdivisions de parcelles ou remobilisation dans l'existant. Le terrain d'assiette du projet se trouve en dehors des tènements fonciers situés dans l'enveloppe urbaine représentés sur la carte du PADD transcrivant ce parti d'aménagement. Dans ces conditions, compte tenu de la nature du projet, la réalisation de six lots à usage d'habitation, rapporté à l'échelle de cette commune d'environ 860 habitants et à l'objectif annuel d'environ 4,4 constructions nouvelles, et alors même que la parcelle se trouve en bordure d'un secteur assez densément urbanisé sans rupture d'urbanisation, le maire de Plats a entaché sa décision initiale de ne pas surseoir à statuer sur la demande de permis d'aménager de la société NA Services d'une erreur manifeste d'appréciation. Il en résulte que le permis tacite dont elle bénéficiait depuis le 25 février 2018 était entaché d'illégalité, de sorte que l'arrêté du 22 mai 2018 pouvait légalement procéder à son retrait sans méconnaître les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme.

10. Il résulte de ce qui précède que la société NA Services n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui confirme la légalité de l'arrêté du 22 mai 2018 qui s'est substitué à celui du 1er mars 2018, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction de la société NA Services ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société NA Services demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la commune de Plats, qui n'est pas partie perdante. En revanche, en application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Plats.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société NA Services est rejetée.

Article 2 : La société NA Services versera la somme de 2 000 euros à la commune de Plats au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société NA Services et à la commune de Plats.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme B... A..., présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme D... C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021.

2

N° 19LY02086


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02086
Date de la décision : 09/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Lotissements - Autorisation de lotir.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Sursis à statuer.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Incidents - Non-lieu.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : FAYOL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-09;19ly02086 ?
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