La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2021 | FRANCE | N°18LY00220

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 04 février 2021, 18LY00220


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Orange a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les articles 16.1, 17.2.3.12.1 et 28 du règlement de voirie départemental adopté par délibération du 19 décembre 2014 du conseil général de l'Isère et approuvé par arrêté du président du conseil général de l'Isère du 4 février 2015, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1505008 du 21 novembre 2017, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par u

ne requête et des mémoires enregistrés le 19 janvier 2018, le 6 février 2019 et le 3 juillet 2019, la so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Orange a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les articles 16.1, 17.2.3.12.1 et 28 du règlement de voirie départemental adopté par délibération du 19 décembre 2014 du conseil général de l'Isère et approuvé par arrêté du président du conseil général de l'Isère du 4 février 2015, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1505008 du 21 novembre 2017, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 19 janvier 2018, le 6 février 2019 et le 3 juillet 2019, la société Orange, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les articles 16.1, 17.2.3.12.1 et 28 du règlement de voirie départemental, ensemble le rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au département de l'Isère d'adopter un article 16.1 conforme aux motifs et au dispositif de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du département de l'Isère la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative, le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'article 16.1 du règlement de voirie contrevient au principe constitutionnel d'intelligibilité de la norme en entretenant une confusion entre différentes catégories d'occupants du domaine public, qui obéissent à des régimes distincts ;

- cet article méconnaît les dispositions des articles L. 45-9 à L. 53 du code des postes et communications électroniques ;

- l'article 17.2.3.12.1 du règlement de voirie, qui institue un contrôle en cours de réalisation de travaux qui dépasse les sujétions indispensables à la protection du domaine en l'obligeant à utiliser des modalités techniques d'exploitation échappant à la compétence du conseil général, porte une atteinte excessive à son droit d'occupation du domaine public ;

- cet article contrevient aux dispositions de l'article R. 141-13 du code de la voirie routière ;

- l'article 28 du règlement de voirie, qui soumet à une autorisation les travaux nécessitant une ouverture de tranchée sur un ouvrage ayant déjà fait l'objet d'une autorisation de voirie, méconnaît l'article L. 113-4 du code de la voirie routière et l'article L. 47 du code des postes et communications électroniques ;

- cet article, qui fait doublon avec l'article 27 et l'article 17.2.3.7, porte une atteinte excessive au droit d'occupation du domaine public dont elle dispose.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 avril 2018, le 26 avril 2019 et le 22 novembre 2019, le département de l'Isère, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de condamner la société Orange à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Orange ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 septembre 2020, l'instruction a été close le 26 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des postes et communications électroniques ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la société Orange et celles de Me D..., représentant le département de l'Isère ;

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 19 décembre 2014, la commission permanente du conseil général de l'Isère a adopté un nouveau règlement départemental de voirie. Par un arrêté du 4 février 2015 le président du conseil général de l'Isère a approuvé ce règlement. La société Orange, qui a en vain sollicité le retrait de certaines dispositions de ce règlement de voirie, relève appel du jugement du 21 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des articles 16.1, 17.2.3.12.1 et 28 de ce règlement, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 113-2 du code de la voirie routière : " En dehors des cas prévus aux articles L. 113-3 à L. 113-7, l'occupation du domaine public routier n'est autorisée que si elle a fait l'objet, soit d'une permission de voirie dans le cas où elle donne lieu à emprise, soit d'un permis de stationnement dans les autres cas. Ces autorisations sont délivrées à titre précaire et révocable. ". Aux termes de l'article L. 113-3 du même code : " Sous réserve des prescriptions prévues à l'article L. 122-3, les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public, les services publics de transport ou de distribution d'électricité ou de gaz et les canalisations de transport d'hydrocarbures ou de produits chimiques déclarées d'utilité publique ou d'intérêt général peuvent occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages, dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation à la circulation terrestre (...) ". Aux termes de l'article L. 113-4 du même code : " Les travaux exécutés sur la voie publique pour les besoins des services de télécommunications sont soumis aux dispositions des articles L. 46 et L. 47 du code des postes et communications électroniques ". Selon l'article L. 45-9 du code des postes et des communications électroniques, les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d'un droit de passage sur le domaine public routier. En vertu de l'article L. 47 de ce code : " Les exploitants de réseaux ouverts au public peuvent occuper le domaine public routier, en y implantant des ouvrages dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation. / Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des réseaux et de leurs abords sont effectués conformément aux règlements de voirie, et notamment aux dispositions de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière / L'occupation du domaine routier fait l'objet d'une permission de voirie, délivrée par l'autorité compétente, suivant la nature de la voie empruntée, dans les conditions fixées par le code de la voirie routière. La permission peut préciser les prescriptions d'implantation et d'exploitation nécessaires à la circulation publique et à la conservation de la voirie. / (...) ".

3. D'autre part, selon l'article L. 131-7 du code de la voirie routière, le conseil général exerce les mêmes attributions que celles dévolues au conseil municipal par l'article L. 141-11 du code de la voirie routière. Aux termes de cet article : " Le conseil municipal détermine, après concertation avec les services ou les personnes intervenant sur le domaine public, les modalités d'exécution des travaux de réfection des voies communales dans lesquelles des tranchées ont été ouvertes. (...) " et aux termes de l'article R. 141-14 du même code, applicable en vertu de l'article R. 131-11 du même code, aux travaux de remblaiement des tranchées ouvertes sur les routes départementales et aux travaux de réfection de celles-ci. : " Un règlement de voirie fixe les modalités d'exécution des travaux de remblaiement, de réfection provisoire et de réfection définitive conformément aux normes techniques et aux règles de l'art.(...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que la société Orange, en sa qualité d'exploitant de réseaux de télécommunications ouverts au public, est titulaire d'un droit de passage sur le domaine public routier du département de l'Isère afin d'y implanter ses ouvrages. Toutefois, ce droit ne peut s'exercer que dans les conditions prévues, notamment, par le règlement de voirie et l'autorité compétente pour édicter ce règlement peut subordonner l'exercice de ce droit aux conditions qui se révèlent indispensables pour assurer la protection de son domaine public routier et en garantir un usage répondant à sa destination.

5. En premier lieu, le département de l'Isère a prévu, à l'article 16.1 de son règlement de voirie, que : " Toute occupation du domaine public routier départemental doit faire l'objet d'une autorisation de voirie dont les différentes formes sont décrites aux articles 16.4, 16.5 et 28 du présent règlement. / Par exception, sont autorisés à occuper le domaine public de par la loi : / - le transport et la distribution d'énergie électrique ; / - le transport et la distribution de communications électroniques ; (...) " Le règlement renvoie, s'agissant du transport et de la distribution de communications électroniques aux articles L. 113-4 et R. 113-2 du code de la voirie routière ainsi qu'aux articles L. 45-1, L. 46, L. 47 et R. 20-45 à R. 20-53 du code des postes et communications électroniques.

6. L'article 16.1 du règlement de voirie précité n'a d'autre objet que de transcrire en d'autres termes les dispositions des articles L. 113-2 et L. 113-3 du code de la voirie routière. En indiquant en particulier que " par exception, sont autorisés à occuper le domaine public de par la loi " les services publics qu'il énumère, au nombre desquels figurent le transport et la distribution de communications électroniques, le règlement reprend les dispositions de l'article L. 113-3 de ce code qui instituent au profit d'un certain nombre d'exploitants le droit d'occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages compatibles avec son affectation à la circulation terrestre.

7. Ainsi, en incluant, comme le fait l'article L. 113-3, les exploitants de transport et de distribution de communications électroniques dans la même énumération que les autres occupants du domaine public qui disposent de ce droit, tout en précisant, par renvoi aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, les règles propres au transport et à la distribution de communications électroniques, l'article 16.1 du règlement de voirie n'entretient pas une confusion entre différentes catégories d'occupants du domaine public, qui obéissent à des régimes distincts. Par suite, le moyen tiré de ce que, pour ce motif, ce règlement contreviendrait au principe constitutionnel d'intelligibilité de la norme doit, en tout état de cause, être écarté.

8. En rappelant que les opérateurs de transport et de distribution de communications électroniques tiennent de la loi le droit d'occuper le domaine public, tout en renvoyant aux dispositions spécifiques qui leur sont applicables et qui prévoient que ces opérateurs doivent obtenir de l'autorité compétente une permission de voirie, l'article 16.1 du règlement de voirie ne méconnaît pas les dispositions des articles L. 45-9 à L. 53 du code des postes et communications électroniques.

9. En deuxième lieu, l'article 17.2.3.12.1 du règlement prévoit que : " En cours de réalisation, le gestionnaire de la voirie effectue des contrôles sur la conformité technique des travaux (formulations des enrobés, mise en oeuvre et compacités...) qui lui incombent financièrement. A l'issue de ces contrôles, le gestionnaire de la voirie communique ses observations au maître d'ouvrage en lui demandant de procéder à la correction des malfaçons, le cas échéant. ".

10. Cet article, ainsi que l'a indiqué le tribunal, institue un contrôle du gestionnaire de la voirie limité aux malfaçons en cours de chantier, réalisé à ses frais et qui ne lui permet que d'adresser des observations sur ces malfaçons. Ainsi le contrôle institué par l'article 17.2.3.12.1, qui ne met pas à la charge de l'exploitant des frais excédant la remise en état des lieux et permet au gestionnaire la mise en place du contrôle limité indispensable pour assurer la protection du domaine public routier dont il a la charge, ne porte pas une atteinte excessive au droit permanent d'occupation du domaine public routier de la société Orange.

11. Cet article, qui ne substitue pas le gestionnaire de la voirie publique au maître de l'ouvrage, ne contrevient pas aux dispositions de l'article R. 141-13 du code de la voirie routière selon lequel : " le remblaiement des tranchées ouvertes dans les voies communales est assuré par les personnes qui ont été autorisées à exécuter les travaux, ci-après dénommées intervenants ".

12. En troisième lieu, l'article 28 du règlement de voirie, relatif aux conditions d'intervention sur un ouvrage souterrain existant, prévoit que : " Lorsque des travaux d'entretien ou de réparation nécessitent une ouverture de tranchée sur un ouvrage ayant déjà fait l'objet d'une autorisation de voirie conformément à l'article 16.1 et que ceux-ci ne modifient ni la nature de l'occupation, ni l'emprise initiale de l'ouvrage, le gestionnaire de l'ouvrage doit demander une autorisation d'entreprendre les travaux. Dans ce cas, le gestionnaire de la voirie fixe uniquement les conditions techniques de remblayage de tranchée. En cas d'urgence dument justifiée (rupture de canalisation par exemple), les travaux de réparation pourront être entrepris sans délai et la demande d'autorisation d'entreprendre les travaux est adressée postérieurement au gestionnaire de la voirie. L'autorité investie du pouvoir de police de la circulation délivre, le cas échéant, un arrêté de police de circulation conformément à l'article 38.1 ".

13. La circonstance que l'occupation du domaine public routier par la société Orange doive, en application des dispositions de l'article 47 du code des postes et télécommunications, faire l'objet d'une permission de voirie ne fait pas obstacle à ce que cette société puisse être soumise, en vertu du règlement de voirie, à l'accord des services du gestionnaire de la voirie quant aux modalités techniques de réalisation des travaux, dans le respect des prescriptions dudit règlement.

14. L'article 28 du règlement de voirie, en prévoyant que le gestionnaire de l'ouvrage doit demander une autorisation d'entreprendre les travaux lorsque des travaux d'entretien ou de réparation nécessitent une ouverture de tranchée sur un ouvrage ayant déjà fait l'objet d'une autorisation de voirie et que ceux-ci ne modifient ni la nature de l'occupation ni l'emprise initiale de l'ouvrage, et en limitant strictement l'objet de cette autorisation à la fixation des conditions techniques de remblayage de tranchée, ne méconnaît pas l'article L. 113-4 du code de la voirie routière et l'article L. 47 du code des postes et communications électroniques.

15. En instituant une telle autorisation d'entreprendre les travaux, alors même que l'exploitant doit, conformément à l'article 27 du règlement de voirie, informer le gestionnaire du domaine de son programme prévisionnel de travaux à des fins de coordination et qu'il est soumis, conformément à l'article 17.2.3.7, à une obligation de résultat pour le remblaiement des tranchées, avec un contrôle de la qualité, les auteurs du règlement n'ont pas excédé les contraintes qui peuvent, dans l'intérêt du domaine public et de ses usagers, être imposées aux intervenants.

16. Il résulte de ce qui précède que la société Orange n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions. Il y a lieu en revanche, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative du code de justice administrative, de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros à verser au département de l'Isère.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Orange est rejetée.

Article 2 : La société Orange versera au département de l'Isère une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orange et au département de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président assesseur,

Mme E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2021.

2

N° 18LY00220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00220
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-02-01 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : CABINET JOFFE et ASSOCIES (SELARL)

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-04;18ly00220 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award