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28/01/2021 | FRANCE | N°20LY00409

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 28 janvier 2021, 20LY00409


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. H... A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions en date du 18 décembre 2019 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, a fixé le pays de renvoi et l'a assigné à résidence, et d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. H... A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions en date du 18 décembre 2019 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, a fixé le pays de renvoi et l'a assigné à résidence, et d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1909806 du 24 décembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 janvier 2020, M. A... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions attaquées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation à cet égard ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, qui est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement, méconnaît d'une part, les dispositions du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'autre part, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, qui est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement, méconnaît d'une part, les dispositions du III de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'autre part, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est en conséquence dépourvue de base légale ;

- la décision d'assignation à résidence est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par une décision du 4 mars 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A... D....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Fédi, président-assesseur ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., ressortissant tunisien né le 31 janvier 1974, relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 décembre 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2019 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, a fixé le pays de renvoi et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. M. A... D... se prévaut de la durée de sa présence en France. Il soutient être entré en France le 8 juillet 2001 sous couvert d'un visa court séjour et y résider depuis. Si M. A... D... s'est marié le 8 novembre 2003 avec Mme I... G..., ressortissante française, il ressort des pièces du dossier que la communauté de vie a cessé depuis de nombreuses années. Il a fait l'objet d'une part, d'un arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet du Val-de-Marne le 24 novembre 2004, d'autre part, d'un arrêté portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 16 février 2015. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que M. A... D... s'y est maintenu irrégulièrement en dépit de cette décision d'éloignement ainsi que de sa confirmation juridictionnelle. M. A... D..., qui est célibataire et sans enfant à charge, a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans en Tunisie, où il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales. Il ne justifie ni de ressources propres, ni d'une insertion particulière dans la société française. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et alors même que M. A... D... résiderait en France depuis plus de dix ans, la décision contestée n'a pas porté au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée. Elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :

4. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision d'éloignement à l'encontre de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

5. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse, prise au visa des dispositions précitées, est fondée sur la circonstance que l'intéressé s'est soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement du 16 février 2015, que, lors de son audition du 18 décembre 2019, M. A... D... a été retenu dans un local de police aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français après constat de l'irrégularité de sa situation et qu'il ne peut justifier de la réalité de ses moyens d'existence. L'appelant ne conteste sérieusement aucun de ces motifs. La circonstance que l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet soit ancienne à la date de la décision attaquée est sans incidence sur la possibilité pour le préfet de se fonder sur cet élément pour caractériser un risque de soustraction de l'intéressé à la présente obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet, sur le fondement du d) du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance du II de l'article L. 511-1 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Enfin, en l'absence d'argumentation spécifique, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour pour une durée de dix-huit mois :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai à l'encontre de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.

9. En deuxième lieu, le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

11. M. A... D... fait l'objet d'une mesure d'éloignement pour laquelle aucun délai de départ volontaire n'a été accordé. Il entre ainsi dans les cas où le préfet peut assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Compte tenu des circonstances de l'espèce, tenant à la durée et aux conditions de séjour de M. A... D... sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et à la circonstance qu'il a déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement à l'exécution desquelles il s'est soustrait, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant qu'aucune circonstance humanitaire ne s'opposait au principe du prononcé à son encontre d'une interdiction de retour sur le territoire français, et en fixant à dix-huit mois la durée de cette interdiction de retour. Pour les mêmes motifs il n'a pas méconnu les dispositions précitées.

12. Enfin, en l'absence d'argumentation spécifique, le moyen tiré, de ce que la décision litigieuse aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision d'éloignement à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :

14. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; ".

15. En se bornant à faire valoir qu'il n'y avait pas lieu de le placer sous mesure de surveillance, M. A... D... n'établit pas que la décision l'assignant à résidence serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

16. Il résulte de ce qui précède que M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

Mme F... B..., présidente de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme E... J..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2021.

2

N° 20LY00409


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00409
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-28;20ly00409 ?
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