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28/01/2021 | FRANCE | N°19LY01156

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 28 janvier 2021, 19LY01156


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 12 octobre 2016 par laquelle la responsable de l'unité de contrôle de l'Allier de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) d'Auvergne Rhône-Alpes a autorisé la société Diam Lurcy à le licencier pour motif économique.

Par jugement n° 1602157 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du

12 octobre 2016.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 12 octobre 2016 par laquelle la responsable de l'unité de contrôle de l'Allier de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) d'Auvergne Rhône-Alpes a autorisé la société Diam Lurcy à le licencier pour motif économique.

Par jugement n° 1602157 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 12 octobre 2016.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 mars 2019, et un mémoire enregistré le 4 juillet 2019, présentés pour la société Diam Lurcy, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1602157 du 22 janvier 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de rejeter la demande de M. C... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la réalité du motif économique n'était pas démontrée, alors qu'elle a apporté la preuve de ses propres difficultés économiques et financières comme de celles du secteur d'activité dont elle relève au sein de la division Diam Prestige Europe ; il n'appartient pas à l'administration du travail ni au juge administratif de porter une appréciation sur les options de gestion de l'entreprise ;

- elle a respecté son obligation de recherche de reclassement en proposant à M. C... six postes disponibles au sein des filiales du groupe Diam, auquel elle appartient, en France et à l'étranger, avec indication précise de l'intitulé du poste, du coefficient, de la rémunération, des horaires et du temps de travail, du lieu d'exécution de la prestation de travail et de la formation requise pour le poste, sans réponse de l'intéressé à ces propositions ;

- le licenciement de M. C... est sans lien avec l'exercice de son mandat ;

- M. C... ne peut utilement, dans le cadre du présent litige, soulever des moyens touchant à la légalité de la décision d'homologation de l'accord collectif majoritaire portant sur le plan de sauvegarde de l'emploi.

Par un mémoire enregistré le 5 juin 2019, présenté pour M. C..., il conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Diam Lurcy une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société Diam Lurcy n'est fondé.

Par mémoire enregistré le 3 décembre 2019, le ministre du travail s'associe aux conclusions de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le salarié portant sur le contrôle des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi sont inopérants et s'en rapporte aux écritures de première instance.

Par ordonnance du 11 octobre 2019 la clôture de l'instruction a été fixée au 13 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., pour la société Diam Lurcy ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Diam Lurcy, implantée à Lurcy Levis (Allier) qui a pour activité la fabrication de produits en matière plastique, au sein du groupe Diam, dont les activités sont en rapport avec la promotion sur lieu de vente (PLV), et concernent la conception et la fabrication de présentoirs permanents de type testeurs généraux, l'installation et l'agencement de magasins, pour une clientèle constituée de grandes marques de cosmétique françaises, a été conduite, à la suite de difficultés économiques, à envisager, pour conserver sa compétitivité et dans le but de réduire les coûts fixes, de redimensionner le site de Diam Lurcy, après un accord collectif d'entreprise majoritaire portant sur un plan de sauvegarde de l'emploi validé le 13 juin 2016, prévoyant la suppression de vingt-neuf emplois. Elle a sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique M. C..., occupant le poste de responsable de production de méthodes et investi du mandat de délégué du personnel suppléant. Par une décision du 12 octobre 2016, l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement sollicité. La société Diam Lurcy relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cette décision. Le ministre du travail s'associe aux conclusions de la requête.

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation économique de l'entreprise ou des entreprises du même groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité justifie le licenciement du salarié en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié.

3. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier, de la décision de l'inspectrice du travail en litige, que l'inspectrice a recherché si la situation économique de l'ensemble des entreprises du groupe Diam, oeuvrant dans le secteur d'activité commun aux sociétés de la division " Diam prestige Europe ", consistant à répondre à des commandes de grandes marques de luxe en offrant des produits sophistiqués fabriqués sur mesure, justifiait le licenciement de M. C.... Il en ressort également qu'outre les difficultés rencontrées, depuis 2009, par la société Diam Lurcy, en raison d'un manque de compétitivité ayant conduit à la perte des marchés traditionnels de testeurs généraux et de modules pour PLV, caractérisées par une réduction de moitié de son chiffre d'affaires, d'un montant égal à un peu plus de 30,6 millions d'euros en 2009 pour un montant seulement légèrement supérieur à 18 millions d'euros en 2015 et un résultat net déficitaire d'un peu plus d'un million d'euros, la situation économique de ce secteur d'activité au sein du groupe Diam était également dégradée. Ainsi, le chiffre d'affaires de la division " Diam prestige Europe ", d'un montant de 83,8 millions d'euros en 2013, a connu en 2014 une baisse de 15,6 millions d'euros pour atteindre le chiffre de 68,2 millions d'euros, et a été marqué, sur l'ensemble de la période de 2011 à 2015, par une diminution de près de 8 millions d'euros, en dépit d'un montant de chiffre d'affaires de 78 millions d'euros en 2015, avant un nouveau recul estimé, au titre de l'exercice correspondant à l'année 2016, à 3,2 millions d'euros. Durant la même période, le résultat net de cette division a été constamment négatif, à la clôture de chaque exercice entre 2011 et 2015, à l'exception de l'exercice 2013, ainsi qu'il résulte du rapport établi par le cabinet d'expert-comptable mandaté par le comité d'entreprise, qui a en particulier fait état des difficultés économiques de ladite division, caractérisées notamment par une perte de 1,571 million d'euros en 2015, après une perte 3,786 millions d'euros en 2014. Ces résultats, au demeurant non sérieusement remis en question par M. C..., qui ne peut utilement contester devant le juge administratif les options de gestion adoptées par son employeur, résultant en particulier du transfert de commandes vers d'autres filiales, en Tunisie et en Turquie, relevant toutefois du même secteur d'activité en difficulté, justifiaient que les mesures de réorganisation ayant conduit à la suppression du poste occupé par l'intéressé soient prises. C'est, dès lors, à tort que les premiers juges se sont fondés, pour annuler la décision d'autorisation de licenciement en litige, sur le motif tiré de ce que la réalité des difficultés économiques au niveau du secteur d'activité dont relevait la société Diam Lurcy au sein du groupe Diam ne pouvait être considérée comme établie par l'inspectrice du travail.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... tant devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand qu'en appel.

5. En premier lieu, lorsque le licenciement pour motif économique d'un salarié protégé est inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'inspecteur du travail saisi de la demande d'autorisation de ce licenciement, ou au ministre chargé du travail statuant sur recours hiérarchique, de s'assurer de l'existence, à la date à laquelle il statue sur cette demande, d'une décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée. En revanche, dans le cadre de l'examen de cette demande, il n'appartient à ces autorités, ni d'apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ni, plus généralement, de procéder aux contrôles mentionnés aux articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du code du travail, qui n'incombent qu'au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétemment saisi de la demande de validation ou d'homologation du plan.

6. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'annulation, pour excès de pouvoir, d'une décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité des autorisations de licenciement accordées, à la suite de cette validation ou de cette homologation, pour l'opération concernée. En revanche, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi ne saurait être utilement soulevé au soutien d'un recours dirigé contre une autorisation de licenciement d'un salarié protégé. Par suite, les moyens soulevés par M. C..., tirés, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision par laquelle l'administration a validé l'accord majoritaire portant sur le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Diam Lurcy, en ce que de ce que l'accord n'aurait pas été signé par des personnes ayant qualité pour représenter des organisations syndicales représentatives, les catégories professionnelles pour l'application des critères d'ordre des licenciements retenus par cet accord n'auraient pas été fixées légalement, ou le PSE n'aurait pas comporté de mesures de reclassement suffisantes, doivent être écartés comme inopérants.

7. En deuxième lieu, il ressort également des pièces du dossier que la société Diam Lurcy a proposé à M. C..., au titre d'une recherche de reclassement, six postes disponibles au sein des filiales du groupe Diam, en France et à l'étranger, ces offres étant précises et détaillées et alors qu'il n'est pas allégué que ces postes ne correspondaient pas aux qualifications de l'intéressé, sans réponse de l'intéressé à ces propositions. Dès lors, le moyen tiré de ce que la société Diam Lurcy n'aurait pas satisfait à son obligation d'une recherche sérieuse de reclassement doit être écarté.

8. En dernier lieu, la circonstance que le poste de M. C... ne figurait plus sur un organigramme établi postérieurement à la validation par l'administration, le 13 juin 2016, de l'accord majoritaire portant sur le PSE comme à la convocation de l'intéressé, en date du 30 août 2016, en vue de son licenciement, ne suffit pas à démontrer l'intention de son employeur de le mettre à l'écart de l'entreprise à raison de l'exercice de son mandat représentatif des salariés. Cette intention ne résulte pas davantage des attestations produites par l'intimé, rédigées par des salariés à une date à laquelle la restructuration de l'entreprise était en cours, et qui se bornent à attester de ses qualités professionnelles ou de ce qu'il n'avait plus la même activité. Enfin, la rédaction par son employeur d'une attestation de travail, le 8 avril 2016, alors que M. C... avait lui-même sollicité, par courriel du 4 avril 2016, une " lettre de recommandation ", n'est pas davantage de nature à démontrer une volonté de le contraindre à quitter l'entreprise. Le moyen tiré d'un lien entre le licenciement de M C..., pour un motif économique dont la réalité a été établie ainsi qu'il a été dit, et son mandat, doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Diam Lurcy est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 12 octobre 2016.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par la société Diam Lurcy. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de cette société, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. C....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1602157 du 22 janvier 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. C... sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la société Diam Lurcy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Diam Lurcy, à M. B... C... et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.

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N° 19LY01156

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01156
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : TRUNO ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-28;19ly01156 ?
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