La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/2021 | FRANCE | N°19LY00293

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 28 janvier 2021, 19LY00293


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Transdev Dauphiné a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 6 juin 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... D... et la décision implicite du 2 décembre 2016 par laquelle le ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique.

M. D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 14 février 2017 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et d

u dialogue social, retirant la décision du 6 juin 2016 par laquelle l'inspecteur ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Transdev Dauphiné a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 6 juin 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... D... et la décision implicite du 2 décembre 2016 par laquelle le ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique.

M. D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 14 février 2017 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, retirant la décision du 6 juin 2016 par laquelle l'inspecteur du travail avait refusé d'autoriser son licenciement ainsi que le rejet implicite du recours hiérarchique de la société Transdev Dauphiné, a autorisé son licenciement.

Par jugement n° 1701157, 1700645 lu le 23 novembre 2018, le tribunal a fait droit à la demande de M. D... et rejeté celle de la société Transdev Dauphiné.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 21 janvier 2019, et des mémoires enregistrés les 28 novembre et 12 décembre 2019 (non communiqué), la société Transdev Dauphiné, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1701157, 1700645 lu le 23 novembre 2018, ainsi que le rejet implicite de son recours hiérarchique ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du ministre du 14 février 2017 autorisant le licenciement de M. D... est légale, il a méconnu les consignes de sécurité, son irruption dans les locaux de la société d'économie mixte des transports publics de l'agglomération grenobloise (Semitag) est fautive et d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ;

- la décision de l'inspecteur du travail du 6 juin 2016 et la décision implicite de rejet du recours hiérarchique sont illégales ;

- la décision de l'inspecteur du travail n'est pas motivée ;

- il n'y a pas de lien entre le mandat exercé par M. D... et la demande d'autorisation de licenciement et le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen relatif au lien avec le mandat en le neutralisant sans analyser sa légalité.

Par mémoires enregistrés les 7 novembre et 6 décembre 2019, M. D..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Transdev Dauphiné en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucun des deux motifs n'est fautif dès lors qu'il ne pouvait démarrer en méconnaissance des règles de sécurité et que sa visite à la société d'économie mixte des transports publics de l'agglomération grenobloise (Semitag), le 23 mars 2016, n'a provoqué aucune perturbation ;

- il n'a pas été invité à présenter ses observations ;

- la décision n'est pas motivée en ce qui concerne l'absence de lien entre le licenciement et ses mandats successifs et qu'il existe un lien entre l'exercice de son mandat et la demande d'autorisation de licenciement.

Par mémoire enregistré le 14 novembre 2019, le ministre du travail conclut à ce qu'il soit fait droit à la requête de la société Transdev Dauphiné, par les motifs exposés en première instance.

Par ordonnance du 18 novembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 13 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me B... pour la société Transdev Dauphiné, ainsi que celles de Me C... pour M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Transdev Dauphiné a demandé le 18 avril 2016, l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire M. D..., conducteur de bus de transport urbain, ancien membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et candidat à ce même mandat lors de la désignation du 4 janvier 2016, pour avoir refusé à deux reprises de démarrer son véhicule alors qu'un passager handicapé ne s'était pas installé conformément aux règles de sécurité et pour avoir effectué une visite intempestive au Semitag, autorité concédante de Transdev, afin d'obtenir des explications sur les normes de sécurité à respecter. Par décision du 6 juin 2016, l'inspecteur du travail a rejeté cette demande. Saisi par l'employeur, le ministre du travail a, par décision du 14 février 2017, retiré le rejet implicite du recours hiérarchique ainsi que la décision de l'inspecteur du travail, et autorisé le licenciement de M. D.... La société Transdev Dauphiné relève appel du jugement lu le 23 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision d'autorisation de licenciement du 14 février 2017.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Au point 15, le jugement attaqué écarte comme superfétatoire le moyen tiré de l'absence de lien avec le mandat évoqué par la décision de l'inspecteur du travail du 6 juin 2016. Il suit de là que le moyen tiré de l'omission à statuer manque en fait.

Sur le fond du litige :

3. En vertu des dispositions des articles L. 2411-1 et suivants du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions de délégué syndical, de délégué du personnel et de membre titulaire élu du comité d'entreprise bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

4. D'une part, M. D..., en sa qualité de conducteur de véhicule routier de transport en commun, est personnellement et pénalement responsable de l'intégrité physique des passagers qu'il prend en charge. A ce titre, il lui incombe de faire respecter les règles de sécurité, alors même que son contrat de travail le soumet à une obligation d'obéissance hiérarchique. Dans la mesure où il n'est pas contesté que pour être transportés en toute sécurité, les passagers en fauteuil roulant doivent positionner leur fauteuil dos vers l'avant, en butée sur la cloison, frein serré, M. D... a pu sans commettre de faute refuser de démarrer, les 20 et 23 mars 2016, tant que les passagers récalcitrants ne s'étaient pas conformés à ces consignes, sans égard au libellé du règlement de l'entreprise sur l'attitude à adopter en cas de refus persistant d'obtempérer.

5. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du courriel du 23 mars 2016, que lors de sa visite au Semitag en dehors de ses heures de travail, M. D... ait adopté un comportement inapproprié, ait discrédité son employeur ou perturbé le fonctionnement du service. Par suite, ce fait ne peut être non plus qualifié de fautif.

6. Il suit de là que la société Transdev Dauphiné n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé la décision du ministre du 14 février 2017 l'autorisant à licencier M. D....

7. Il y a lieu, par suite, de statuer sur les conclusions en excès de pouvoir dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail du 6 juin 2016 et de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique, qui sont rétablies dans l'ordonnancement juridique.

8. Aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ". En rappelant les faits reprochés pour en déduire qu'ils ne pouvaient être qualifiés de fautifs, la décision litigieuse de l'inspecteur du travail énonce de façon suffisamment précise les raisons pour lesquelles l'autorisation de licenciement est refusée. Le moyen tiré du défaut de motivation doit, dès lors, être écarté.

9. Ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 5, les faits reprochés à M. D... ne sont pas constitutifs de faute. Par suite, et, sans qu'il y ait lieu pour la cour de se prononcer sur le motif surabondant du lien avec le mandat, la société Transdev Dauphiné n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 6 juin 2016 et de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique.

Sur les frais liés au litige :

10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société Transdev Dauphiné présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, partie perdante, doivent être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Transdev Dauphiné le versement à M. D... d'une somme de 1 500 euros.

DÉCIDE

Article 1er : La requête de la société Transdev Dauphiné est rejetée.

Article 2 : La société Transdev Dauphiné versera à M. D... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Transdev Dauphiné, au ministre du travail de l'emploi et de l'insertion et à M. A... D....

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.

N° 19LY00293 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00293
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SCP CLEMENT-CUZIN, LONG LEYRAUD et DESCHEEMAKER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-28;19ly00293 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award