La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2021 | FRANCE | N°19LY01432

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 26 janvier 2021, 19LY01432


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Vivre à Soyans a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 2 juin 2016 par lequel le maire de la commune de Soyans a délivré à M. B... un permis de construire un bâtiment agricole, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1606862 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 a

vril 2019 et 11 octobre 2019, l'association Vivre à Soyans, représentée par Me D..., demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Vivre à Soyans a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 2 juin 2016 par lequel le maire de la commune de Soyans a délivré à M. B... un permis de construire un bâtiment agricole, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1606862 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 avril 2019 et 11 octobre 2019, l'association Vivre à Soyans, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 juin 2016 et la décision de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Soyans au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet porte atteinte aux objectifs et intérêts qu'elle s'est fixés de défendre ;

- le jugement a été rendu en violation du contradictoire faute pour le tribunal d'avoir communiqué le mémoire de la commune du 24 janvier 2019 ;

- le dossier de demande de permis de construire est incomplet au regard des articles R. 431-8 et R. 431-9 du code de l'urbanisme, faute de faire apparaître le traitement des abords de la construction et les modalités de son raccordement aux réseaux publics d'eau potable et d'électricité notamment ;

- le permis de construire méconnaît les articles L. 111-11 et R. 111-8 du code de l'urbanisme ; le dossier ne contient aucune information sur la faisabilité d'un dispositif d'alimentation individuelle en eau potable ; il appartenait au maire de refuser le permis de construire dès lors que des travaux d'extension ou de renforcement étaient nécessaires sans qu'il soit en mesure d'indiquer par qui et dans quels délais ils seraient exécutés ;

- le permis de construire méconnaît les articles R. 111-2 et R. 111-26 du code de l'urbanisme ; les modalités de traitement des eaux usées sans étude géologique ou de faisabilité, sont insuffisamment précisées ; aucune étude de perméabilité n'a permis de vérifier qu'une infiltration des eaux pluviales sur le terrain en cuvette et situé entre deux ruisseaux était possible ;

- les modalités de traitement et de stockage des fumiers ne sont pas précisées, ce qui n'a pas permis au service instructeur de s'assurer du respect du règlement sanitaire départemental de la Drôme ;

- le permis de construire méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ; le préfet de la Drôme et le maire ont méconnu l'étendue de leur compétence en assortissant le permis de construire d'une prescription permettant au bénéficiaire du permis de définir librement l'aménagement paysager du hangar.

Par des mémoires, enregistrés les 12 septembre 2019 et 20 novembre 2019, la commune de Soyans, représentée par la SELARL CDMF-Avocats, Affaires Publiques, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'association requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'association requérante n'a pas d'intérêt pour agir contre le permis de construire en litige compte tenu de son objet statutaire trop général ;

- faute de justification des modalités de convocation des membres du conseil d'administration le 21 novembre 2016, le président de l'association n'a pas été régulièrement habilité pour représenter l'association et donc pour agir en justice en son nom ;

- les moyens soulevés sont infondés.

La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas produit de mémoire.

La clôture de l'instruction a été fixée au 15 juillet 2020 par une ordonnance du 18 juin 2020.

Par lettre en date du 18 décembre 2020, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour régulariser le vice tiré de l'insuffisante définition de la prescription dont est assorti le permis de construire pour assurer le respect de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... E..., première conseillère ;

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me C..., substituant Me A..., pour la commune de Soyans ;

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 8 janvier 2021, présentée pour l'association Vivre à Soyans ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 2 juin 2016, pris sur avis conforme du préfet de la Drôme saisi en application de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme, le maire de Soyans a délivré à M. B... un permis de construire pour la construction d'un bâtiment agricole au lieu-dit Belhac. L'association Vivre à Soyans relève appel du jugement du 12 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que le second mémoire de la commune de Soyans enregistré au greffe du tribunal administratif le 24 janvier 2019, qui n'a pas été communiqué aux requérants, ne contenait pas d'éléments nouveaux sur lesquels le tribunal se serait fondé, contrairement à ce que soutient l'association requérante. En particulier, le tribunal ne s'est pas fondé sur la production du plan du réseau d'adduction d'eau potable (AEP) mais sur les indications portées sur le plan de masse. Dans ces conditions, l'absence de communication de ce mémoire n'a en tout état de cause pas méconnu les exigences de la procédure contradictoire.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. En premier lieu, l'association Vivre à Soyans, qui a pour objet statutaire " la préservation de la qualité de vie des habitants de la commune de Soyans et la préservation de l'environnement de la commune ", justifiait d'un intérêt lui donnant qualité pour déférer au juge de l'excès de pouvoir l'arrêté du 2 juin 2016 par lequel le maire de Soyans a accordé à M. B... un permis de construire pour l'édification, sur le territoire de la commune, d'un vaste bâtiment agricole à usage de chèvrerie, salle de traite, atelier de transformation et stockage de fourrage, d'une surface de plancher de 272 m².

4. En second lieu, une association est régulièrement engagée par l'organe tenant de ses statuts le pouvoir de la représenter en justice, sauf stipulation de ces statuts réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif. Il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer que le représentant d'une personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou, que, en l'état de l'instruction, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier. A ce titre, si le juge doit s'assurer de la réalité de l'habilitation du représentant de l'association qui l'a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée.

5. L'association Vivre à Soyans a produit, conformément à l'article 9 de ses statuts, un procès-verbal de son conseil d'administration daté du 21 novembre 2016 autorisant son président à déposer un recours contentieux contre le permis de construire du 2 juin 2016. S'il est soutenu que les modalités de convocation des membres du conseil d'administration ne sont pas justifiées, il ne revient pas au juge, ainsi qu'il a été dit au point précédent, de vérifier la validité de l'habilitation.

6. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par la commune de Soyans à la demande de première instance doivent être écartées.

Sur la légalité du permis de construire du 2 juin 2016 :

7. En premier lieu, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

8. D'une part, la notice du projet architectural du dossier de demande de permis de construire présente de manière détaillée le projet de construction. Si l'association requérante soutient qu'elle ne fait pas apparaître le traitement des abords de la construction, la notice précise, s'agissant des constructions, clôtures, végétation et aménagements en bordure du terrain, qu'il n'est pas prévu d'aménagement particulier en bordure de terrain, ni par la pose d'une clôture, ni par la plantation de végétation arbustive ou arborée. Elle satisfait ainsi aux exigences de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme.

9. D'autre part, la notice du projet architectural précise que le site sera à raccorder au réseau Erdf et au réseau AEP (alimentation en eau potable). Le plan de masse matérialise le réseau AEP qui passe sous la voie publique. Il ressort de l'avis du syndicat départemental d'énergies de la Drôme (SDED) sollicité dans le cadre de l'instruction de la demande de permis de construire que le terrain d'assiette du projet pourra être raccordé au réseau d'électricité situé à environ 90 mètres sur le domaine public. Le coût de ce raccordement a été mis à la charge du pétitionnaire par l'article 2 de l'arrêté attaqué. Il résulte de ce qui précède que les insuffisances que le dossier de demande comporterait au regard de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme n'ont pas été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

10. Enfin, l'association Vivre à Soyans soutient, s'agissant du traitement des eaux usées, que le dossier de permis de construire se borne à énoncer un traitement des effluents par filtre planté de roseaux et la mise en place d'une cuve pour lactosérum. Toutefois, ainsi que le relève la commune dans ses écritures en défense, aucune étude préalable géologique ou de faisabilité n'était requise pour le dépôt de la demande de permis de construire, pas davantage pour s'assurer de la possibilité pour le terrain d'assiette du projet d'absorber les eaux pluviales.

11. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés ".

12. Le projet ne nécessitera aucun dispositif d'alimentation individuelle en eau portable contrairement à ce que soutient l'association, dès lors qu'il prévoit son raccordement au réseau AEP que matérialise le plan de masse ainsi qu'il a été dit au point 9. Il n'est nullement établi que ce réseau présenterait une capacité insuffisante. Le moyen selon lequel le maire de Soyans aurait dû refuser le permis de construire sur le fondement des dispositions citées au point précédent du fait de travaux de renforcement qu'impliquerait le projet doit être écarté.

13. En troisième lieu, l'association requérante reprend son moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 111-2 et R. 111-26 du code de l'urbanisme, dès lors que ne serait pas démontrée la faisabilité de la filière d'assainissement et de traitement des effluents d'élevage. Compte tenu de ce qui a été dit au point 10, ce moyen doit être écarté comme non assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les eaux pluviales ne pourraient être résorbées sur la propriété comme le prescrit l'article 2 de l'arrêté attaqué.

14. En quatrième lieu, un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire. Comme l'a relevé le tribunal, le projet ne prévoit pas d'aire de stockage des fumiers. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 155-2 du règlement sanitaire départemental relatif aux caractéristiques que doivent respecter ces aires doit ainsi être écarté comme inopérant.

15. En cinquième lieu, en vertu de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, le permis de construire peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou leur aspect sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants.

16. L'article 2 de l'arrêté de permis de construire prescrit que " la construction sera accompagnée d'un aménagement paysager afin d'assurer sa bonne intégration dans le paysage environnant ". En subordonnant la construction à la réalisation d'un aménagement paysager, sans définir lui-même cet aménagement, le maire de Soyans a méconnu l'étendue de sa compétence et entaché sa décision d'une erreur de droit, pour l'application des dispositions de l'article R. 111-27 citées au point précédent.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

17. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre (...) une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

18. Le vice tiré de l'insuffisante définition de la prescription dont est assorti le permis de construire pour assurer le respect de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme relevé au point 16 est susceptible d'être régularisé. Par suite, il y a lieu, de surseoir à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'association Vivre à Soyans et de fixer à quatre mois à compter de la notification du présent arrêt le délai imparti à M. B... pour justifier de l'intervention d'une mesure de régularisation du projet en litige.

D E C I D E :

Article 1er : En application de l'article L. 60051 du code de l'urbanisme, il est sursis à statuer sur la requête de l'association Vivre à Soyans jusqu'à l'expiration du délai de quatre mois fixé au point 18.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Vivre à Soyans, à la commune de Soyans et à M. B....

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Thierry Besse, président,

Mme H... F..., première conseillère,

Mme G... E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2021.

2

N° 19LY01432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01432
Date de la décision : 26/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. BESSE
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LAMAMRA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-26;19ly01432 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award