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14/01/2021 | FRANCE | N°20LY01948

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 14 janvier 2021, 20LY01948


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... a demandé au président du tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination.

Par une ordonnance du 10 octobre 2019, le président du tribunal administratif de Marseille a renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Lyon en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, au motif que Mme D... était

domiciliée dans le département du Rhône.

Par un jugement n° 1907821 du 24 févr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... a demandé au président du tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination.

Par une ordonnance du 10 octobre 2019, le président du tribunal administratif de Marseille a renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Lyon en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, au motif que Mme D... était domiciliée dans le département du Rhône.

Par un jugement n° 1907821 du 24 février 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme D....

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2020, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 septembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, premier conseiller,

- et les observations de Me B..., représentant Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., née le 31 octobre 1968 à Bakou (actuelle République d'Azerbaïdjan), d'origine arménienne et ne se réclamant d'aucune nationalité, a déclaré être entrée en France le 17 octobre 2017. Elle a déposé une demande de protection auprès de la préfecture de Marseille, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 juillet 2018 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 26 août 2019. Le 9 septembre 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a alors, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office. Mme D... demande à la cour d'annuler le jugement du 24 février 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement prise à son encontre et de la décision fixant le pays de destination.

2. En premier lieu, il ressort des déclarations de Mme D... qu'elle n'était présente que depuis environ deux ans sur le territoire français à la date de la décision portant obligation de quitter le territoire, après avoir vécu l'essentiel de son existence en Azerbaïdjan puis en Fédération de Russie et, dans une moindre mesure, en Ukraine. Si elle se prévaut de la présence en France de ses deux filles jumelles, majeures et arrivées deux ans auparavant en France, elle ne démontre pas qu'elles disposeraient d'un droit au séjour sur le territoire, alors que leurs demandes de protection ont également été rejetées. La requérante ne peut en outre utilement invoquer, pour justifier de sa propre intégration, d'attestations faisant état des activités bénévoles de ses filles. Dans ces conditions, la seule production de quelques attestations louant la motivation et la ponctualité de Mme D... est insuffisante à caractériser la présence en France d'attaches suffisamment stables et intenses. Il s'ensuit que la décision du 4 octobre 2019 ne porte pas au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale, protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Ce moyen, dirigé contre la seule mesure d'éloignement, doit, par suite, être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Selon l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

4. Mme D..., estimant que le seul pays dans lequel elle est susceptible d'être légalement admissible est la Fédération de Russie, eu égard aux dispositions successives relatives à la citoyenneté de ce pays applicables notamment aux ressortissants de l'ex-Union des Républiques Socialistes Soviétiques, n'invoque au soutien de sa requête que les risques qu'elle allègue encourir dans ce pays. Mme D... ne produit toutefois pas d'élément probant au soutien de ses déclarations peu étayées quant aux discriminations dont elle prétend avoir fait l'objet lorsqu'elle a résidé dans ce pays avec son mari désormais décédé et ses filles, entre 1990 et, selon ses déclarations, 2006. En outre, compte tenu du délai écoulé depuis son départ de Russie pour se rendre en Ukraine, l'actualité des risques allégués de traitements inhumains et dégradants n'est pas établie. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision fixant le pays de destination, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être écarté. Il n'appartient enfin pas à la cour de se prononcer sur le bien-fondé de la décision de la Cour nationale du droit d'asile refusant à l'intéressée toute protection internationale.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 septembre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône portant mesure d'éloignement et fixant le pays de destination. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au conseil de Mme D... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente assesseure,

Mme Le Frapper, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 janvier 2021.

2

N° 20LY01948


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01948
Date de la décision : 14/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DELBES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-14;20ly01948 ?
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