Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 24 mai 2019 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 1901259 du 6 février 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 24 mai 2019 et a enjoint à la préfète de l'Allier de délivrer à M. E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 février 2020 et 27 avril 2020, la préfète de l'Allier demande à la cour d'annuler ce jugement du 6 février 2020 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et de rétablir sa décision de refus de titre de séjour, d'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'ordonner le retrait de la carte de séjour qu'elle a été tenue de lui délivrer.
Elle soutient que le juge administratif de 1ère instance a commis une erreur de droit, dès lors que M. E..., qui constitue une menace pour l'ordre public, ne justifiait de sa contribution financière que du mois d'octobre 2018 au mois de mai 2019 et non depuis la naissance de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 mars 2020, M. E..., représenté par Me Jauvat conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés par la préfète de l'Allier ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Fédi, président-assesseur ;
Considérant ce qui suit :
1. La préfète de l'Allier relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 6 février 2020 qui a d'une part, annulé son arrêté du 24 mai 2019 par lequel elle a refusé de délivrer à M. E... un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ;/ Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; (...) ". En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a fait l'objet d'un placement sous contrôle judiciaire du 19 septembre 2018 au 16 janvier 2019 et a été condamné par jugement du tribunal correctionnel de Moulins le 16 janvier 2019 à une peine d'emprisonnement d'un an avec sursis pour des faits de violences et menaces de mort commis le 9 septembre 2018 contre sa compagne. Ces faits ont entraîné la résidence séparée de l'intéressé de sa famille. Toutefois, il n'est pas contesté que ces faits présentaient un caractère isolé et M. E... ne s'est, par ailleurs, jamais fait remarquer pour des troubles à l'ordre public. En outre, M. E... n'a pas fait l'objet d'une autre condamnation pénale et surtout le couple a repris une vie commune. Dans ces circonstances, à la date de la décision attaquée, et, contrairement à ce que soutient la préfète de l'Allier, M. E... ne représentait pas une menace réelle et actuelle pour l'ordre public.
4. Il ressort également des pièces du dossier que, par un jugement du 31 janvier 2019, le juge aux affaires familiales a accordé à M. E... le bénéfice de l'exercice conjoint de l'autorité parentale avec la mère de l'enfant, comportant un droit de visite un samedi par mois, et lui a imposé le versement mensuel de la somme de 50 euros au profit de son enfant. M. E... produit des justificatifs du versement de sa part contributive à l'entretien de l'enfant, ainsi que d'une somme de 20 euros versée régulièrement sur un compte bancaire ouvert au nom de son enfant, de septembre 2018 à mai 2019. Enfin la compagne de M. E..., par une attestation du 4 juin 2019, déclare que : " Depuis fin Janvier, nous nous voyons tous les jours... nous avons repris une vie de couple pour le bien de notre fils....nous avons l'intention de revivre ensemble pour former une nouvelle famille... M. E... a toujours participé à l'éducation et à l'entretien de notre fils C... depuis sa naissance ". Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas contesté que M. E... et sa compagne vivaient ensemble au moment de la naissance de leur enfant et jusqu'au mois de septembre 2018, le moyen, tiré de ce que M. E... ne justifiait de sa contribution financière qu'à partir du mois d'octobre 2018 et non depuis la naissance de l'enfant, doit être écarté.
5. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé qu'en ayant considéré que M. E... ne satisfaisait pas aux conditions prévues par le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de l'Allier a entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation.
6. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Allier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé son arrêté du 24 mai 2019 et lui a enjoint de délivrer à M. E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Me Jauvat, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la préfète de l'Allier est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à Me Jauvat, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Paix, présidente de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2021.
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N° 20LY00679