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14/01/2021 | FRANCE | N°18LY03485

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 14 janvier 2021, 18LY03485


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 16 mai 2008 par laquelle le directeur général des Hospices civils de Lyon (HCL) a rejeté sa demande de détachement dans le corps des ingénieurs hospitaliers et d'enjoindre, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte journalière de 300 euros, au directeur général des HCL de faire droit à sa demande, subsidiairement de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1509000 du 11

juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 16 mai 2008...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 16 mai 2008 par laquelle le directeur général des Hospices civils de Lyon (HCL) a rejeté sa demande de détachement dans le corps des ingénieurs hospitaliers et d'enjoindre, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte journalière de 300 euros, au directeur général des HCL de faire droit à sa demande, subsidiairement de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1509000 du 11 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 16 mai 2008 et a enjoint au directeur général des Hospices civils de Lyon de réexaminer la demande de détachement dans le corps des ingénieurs hospitaliers présentée par M. E....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 septembre 2018, les Hospices civils de Lyon, représentés par la Selarl G... et Walgenwitz agissant par Me G..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 juillet 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. E... devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a considéré que la demande de M. E... était recevable ;

- la charge de la preuve de la date de notification ne saurait être supportée par les HCL sauf à méconnaître l'article 2224 du code civil.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2018, M. E..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge des Hospices civils de Lyon la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Il soutient que les moyens soulevés par les Hospices civils de Lyon ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 janvier 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre F..., premier conseiller,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me D... représentant M. E... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. F... E..., titulaire aux Hospices civils de Lyon d'un emploi de chef d'exploitation relevant d'un statut propre à cet établissement public, a demandé son détachement dans le corps des ingénieurs hospitaliers par courrier du 17 mars 2008, son emploi ayant été constitué en cadre d'extinction. Le directeur général des HCL a rejeté cette demande par décision du 16 mai 2008. Les Hospices civils de Lyon relèvent appel du jugement rendu le 11 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Les Hospices civils de Lyon soutiennent que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a considéré que la demande de M. E... était recevable.

3. En premier lieu, il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé et alors même qu'un long délai a pu s'écouler entre la date de la décision litigieuse et le moment de cette action.

4. En second lieu, le code de justice administrative dispose à son article R. 421-5 que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " Il résulte de ces dispositions que lorsque la notification d'une décision ne comporte pas les mentions relatives aux voies et délais de recours, ce délai n'est pas opposable.

5. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

6. En l'absence d'éléments au dossier établissant une date de notification de la décision en litige, pour apprécier le caractère raisonnable du délai dans lequel il est saisi, le juge, qui ne saurait se borner au constat du temps écoulé, doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis afin de déterminer le moment où l'intéressé a acquis une connaissance du contenu de la décision suffisante pour lui permettre de contester celui-ci et qui constitue alors le point de départ dudit délai.

7. Si la décision litigieuse du 16 mai 2008, qui ne comporte pas l'indication des voies et délais de recours, et qui mentionne " Recommandé A.R. ", a été produite par M. E... lui-même, à l'appui de sa demande d'annulation devant le tribunal administratif de Lyon, les Hospices civils de Lyon n'ont produit ni accusé de réception, ni aucun élément permettant d'en connaître la date de notification ou celle à laquelle elle a été portée à la connaissance de l'intéressé. Contrairement à ce qui est soutenu, les circonstances que cette décision soit datée de 2008 et qu'elle a fait l'objet d'une demande d'annulation, seulement après un délai de sept années, ne suffisent pas à présumer qu'elle a été portée à la connaissance de M. E... avant que ne s'écoule un délai raisonnable au-delà duquel le principe de sécurité juridique aurait fait obstacle à l'exercice d'un recours juridictionnel. En particulier, les Hospices civils de Lyon ne font état d'aucun événement dans le déroulement de la carrière de l'intéressé ou d'échanges qu'ils auraient pu avoir avec ce dernier dans lesquels cette décision aurait été expressément mentionnée ou qui lui auraient révélé sans ambiguïté son existence avant le début d'un tel délai. Dans les circonstances particulières de l'espèce, et alors même que plus de sept années se sont écoulées entre l'édiction de la décision en litige et sa production par le requérant en première instance, le point de départ du délai, dont il appartient au juge de l'excès de pouvoir saisi d'apprécier le caractère raisonnable au regard de sa durée et des circonstances propres à l'affaire, ne peut être déterminé.

8. Enfin, les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative selon lesquelles : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " règlent entièrement le régime de la recevabilité des recours en excès de pouvoir devant la juridiction administrative au regard des délais. Par suite, les Hospices civils de Lyon ne peuvent utilement invoquer, à l'appui de leurs conclusions tendant à voir déclarer la demande irrecevable, la prescription posée par l'article 2224 du code civil.

9. Il résulte de ce qui précède que les HCL ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon après avoir écarté la fin de non-recevoir tiré de la tardiveté de la demande d'annulation, a annulé la décision litigieuse du 16 mai 2008.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas la partie perdante, une somme à ce titre, les conclusions des Hospices civils de Lyon en ce sens doivent être rejetées.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 1 500 euros qu'ils paieront M. E..., au titre des frais non compris dans les dépens que ce dernier a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des Hospices civils de Lyon est rejetée.

Article 2 : Les Hospices civils de Lyon verseront une somme de 1 500 euros à M. E... en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux Hospices civils de Lyon et à M. F... E....

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... A..., présidente de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

M. Pierre F..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 janvier 2021.

No 18LY034852


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03485
Date de la décision : 14/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Changement de cadres, reclassements, intégrations. Questions d'ordre général.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL JEAN-PIERRE et WALGENWITZ

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-14;18ly03485 ?
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