Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SCI Domène 91 a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à lui verser une somme de 687 442,32 euros en réparation des préjudices subis du fait des retards pris dans l'élaboration du plan de prévention des risques technologiques de l'établissement SOBEGAL.
Par un jugement n° 1600784 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 16 août 2018 et un mémoire enregistré le 27 juillet 2020 (non communiqué), la SCI Domène 91, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 juin 2018 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 687 442,32 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de l'Etat est engagée dès lors qu'elle a communiqué au locataire du bien lui appartenant des informations erronées permettant à ce dernier de justifier du non-paiement de ses loyers ;
- le retard pris par les services de l'Etat à délimiter les zones exposées à un risque constitue une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande sans avoir analysé le préjudice de jouissance qu'elle a subi ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a considéré que le courrier du 6 avril 2015 ne constitue pas un acte décisoire alors qu'elle n'a jamais soutenu que cette lettre était illégale ;
- son préjudice est constitué au minimum par les loyers impayés auxquels s'ajoute la taxe foncière 2015 pour un montant de 373 768,50 euros à la date du 20 mai 2018 à parfaire et par l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée pendant dix ans de ne réaliser aucun entretien et aménagement de son bien dès lors qu'elle ne connaissait ni la zone de classement, ni les conséquences éventuelles du PPRT soit 73 682,48 euros sur neuf années.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2020, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 23 juin 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 31 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Domène 91 est propriétaire d'un bâtiment sur le territoire de la commune de Domène (Isère) donné en location à la société Périoche environnement, bâtiment situé à proximité immédiate de l'entreprise SOGEBAL qui exploite une installation classée pour la protection de l'environnement classée SEVESO 2. Un plan de prévention des risques technologiques (PPRT) concernant cette entreprise, prescrit par arrêté préfectoral en mai 2007, a été approuvé par un arrêté du 8 février 2017. La SCI Domène 91 relève appel du jugement rendu le 26 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat en raison des préjudices qu'elle estime résulter de l'élaboration de ce PPRT.
2. En premier lieu, la SCI Domène 91 demande réparation du préjudice issu de l'absence de paiement, par la société locataire du bâtiment, de ses loyers depuis l'année 2013. Il résulte de l'instruction que la société Périoche environnement a prétendu, à partir de 2015 que le non-paiement des loyers était le résultat d'une impossibilité d'exploiter le bâtiment, en raison de ce que celui-ci était inclus dans l'aire d'étude du PPRT. Aucun élément du dossier ne permet toutefois de justifier de la réalité d'une telle situation, dès lors qu'il n'est établi ni que l'autorisation d'exploitation dont disposait la société locataire depuis 1992 aurait été suspendue ou retirée, ni même qu'elle aurait effectivement cessé cette exploitation. Il n'est fait état d'aucune décision interdisant une activité sur le site en raison de la simple inclusion de la parcelle concernée dans l'aire d'étude du PPRT. En outre, le bail a été renouvelé en 2011 pour neuf années et, saisi à deux reprises en référé, le juge du tribunal de grande instance de Grenoble a considéré, par des ordonnances du 4 juin 2014 et du 4 mars 2015, que les créances de la société Périoche environnement n'étaient pas sérieusement contestées.
3. La SCI Domène 91 se prévaut par ailleurs d'un courrier daté du 3 avril 2015 adressé par l'unité territoriale de l'Isère de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Rhône-Alpes à la société Périoche environnement indiquant " dans l'attente de l'approbation définitive du plan de prévention des risques technologiques relatif à l'établissement SOGEBAL sur la commune de Domène, la procédure d'instruction de votre demande d'autorisation d'étendre vos activités sur la parcelle et dans le bâtiment voisin ne peuvent aboutir. En conséquence, il ne vous est notamment pas possible d'exploiter le bâtiment de la SCI Domène 91. ". Toutefois ce courrier, largement postérieur au début de la cessation de paiement de ses loyers par la société locataire, n'a fait que reprendre les termes d'une conversation téléphonique relative à une demande d'extension d'activité dont la nature exacte n'est d'ailleurs pas précisée. Ce courrier ne constitue qu'une simple lettre d'information et n'a, ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal administratif de Grenoble, aucun caractère décisoire. Il résulte de ces éléments qu'aucun lien de causalité ne peut être établi entre le préjudice invoqué par la SCI Domène 91 résultant du défaut de paiement de ses loyers par la société Périoche environnement, et l'élaboration du PPRT de la société SOGEBA. Les conclusions à fin d'indemnisation de la SCI Domène 91 concernant ce premier préjudice ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
4. En second lieu, la SCI Domène 91 soutient qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité pendant dix ans de réaliser l'entretien et l'aménagement de son bien dès lors qu'elle ne connaissait ni la zone de classement, ni les conséquences éventuelles du PPRT ce qui est la cause d'un préjudice qu'elle évalue à l'équivalent de neuf fois le loyer annuel du bâtiment en cause. Toutefois, aucun élément de l'instruction ne permet d'établir de la part de la SCI Domène 91 une quelconque volonté qui aurait été contrariée d'entreprendre des démarches d'entretien ou d'investissement sur son bien. Il n'est pas davantage établi que le classement dans l'aire d'étude du PPRT de son bâtiment aurait été à l'origine d'une quelconque impossibilité de l'exploiter dès lors, ainsi qu'il a été dit plus haut, que le bail de la société locataire avait été renouvelé pour neuf ans en 2011. La réalité de ce second préjudice n'étant ainsi nullement établie, les conclusions à fin d'indemnisation de la SCI Domène 91 ne peuvent qu'être rejetées.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Domène 91 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme à ce titre, les conclusions de la SCI Domène 91 en ce sens doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Domène 91 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Domène 91 et au ministre de la transition écologique.
Copie en sera délivrée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme B... A..., présidente de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2021.
No 18LY031692