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07/01/2021 | FRANCE | N°20LY01743

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 07 janvier 2021, 20LY01743


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler l'arrêté du 12 mars 2020 par lequel le préfet du Rhône a prononcé son transfert en Belgique, État reconnu responsable de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de l'admettre à présenter sa demande d'asile en France.

Par jugement n° 2001924 du 4 juin 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal a fait droit à la demande d'annulation et à la demande d'injonction.<

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Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 2 juillet 2020, le préfet du Rh...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler l'arrêté du 12 mars 2020 par lequel le préfet du Rhône a prononcé son transfert en Belgique, État reconnu responsable de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de l'admettre à présenter sa demande d'asile en France.

Par jugement n° 2001924 du 4 juin 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal a fait droit à la demande d'annulation et à la demande d'injonction.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 2 juillet 2020, le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2001924 du 4 juin 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- la Belgique ayant donné son accord exprès, la demande de réexamen de M. A... entrait dans les prévisions des articles 3, 17 et 18 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 et le principe de confiance légitime entre États parties aux mêmes accords internationaux offre au demandeur les mêmes garanties en Belgique qu'en France, ce qui est de nature à justifier que les autorités françaises aient renoncé à recourir à la clause dérogatoire de l'article 17 du même règlement, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;

- une brochure informant M. A... de ses droits a pu régulièrement lui être remise en dari, les pièces du dossier faisant ressortir qu'il pouvait être regardé raisonnablement comme comprenant cette langue, au sens de l'article 4 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit de plein droit le réexamen de la situation de l'intéressé en cas d'annulation juridictionnelle du transfert, fait obstacle à ce qu'une injonction soit adressée à l'autorité compétente sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. En outre, la mesure prescrite n'est pas la conséquence nécessaire de l'annulation.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a produit aucune observation.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 5 août 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Par une ordonnance n° 20LY01744 du 14 août 2020, a été ordonné le sursis à exécution du jugement n° 2001924 du 4 juin 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan né le 26 novembre 1997 à Toti Moshak (Afghanistan), après avoir déposé, le 27 mai 2018, le 26 juin 2018, le 11 mars 2019 et le 26 juin 2019 en Belgique, une demande d'asile, est entré sur le territoire français, le 16 septembre 2019 selon ses déclarations, afin de solliciter l'asile. La consultation du fichier européen EURODAC a fait alors apparaître que M. A... avait été identifié en Belgique. Les autorités belges, saisies le 27 septembre 2019, sur le fondement de l'article 18-1-d) du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 d'une demande de reprise en charge, ont donné leur accord explicite par une décision du 2 octobre 2019. Par un arrêté du 12 mars 2020 le préfet du Rhône a ordonné la remise de M. A... aux autorités belges pour l'examen de sa demande d'asile. Le préfet du Rhône relève appel du jugement du 4 juin 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

3. La faculté laissée à chaque État membre, par le 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

4. M. A... fait valoir que les autorités belges ont rejeté comme irrecevable sa demande d'asile le 14 août 2019 par une décision du commissariat général aux réfugiés et aux apatrides belge et qu'en cas de transfert vers la Belgique, il sera reconduit en Afghanistan où il encourt des risques pour sa vie, notamment eu égard à la violence extrême qui sévit dans ce pays. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que M. A... aurait épuisé les voies de recours contre la décision en cause qui mentionne les voies et délais de recours dont le demandeur peut faire usage. Par ailleurs, à supposer même que la demande d'asile de M. A... aurait été définitivement rejetée par les autorité belges, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'une décision d'éloignement, devenue définitive, aurait été prise à son encontre par les autorités belges, ni qu'il ne serait pas en mesure de faire valoir devant ces mêmes autorités, responsables de l'examen de sa demande d'asile et qui ont accepté sa reprise en charge, tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation de conflit qui prévaut en Afghanistan. Par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision de transfert en litige, le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de ce qu'en s'abstenant de faire application du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet du Rhône avait méconnu ces dispositions.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen invoqué par M. A....

6. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : a) des objectifs du présent règlement (...) b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet (...) / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et en tout état de cause en temps utile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 20 septembre 2019, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, soit en temps utile pour faire valoir ses observations, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à 1'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue dari, que l'intéressé a déclaré comprendre. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision ordonnant sa remise aux autorités belges méconnaît l'article 4 du règlement n° 604/2013 et les garanties du droit d'asile.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision en litige et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. A....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2001924 du 4 juin 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Annecy.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président ;

Mme Djebiri, premier conseiller ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2021.

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N° 20LY01743

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01743
Date de la décision : 07/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : DJINDEREDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-07;20ly01743 ?
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