Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la société Orange à lui verser la somme de 82 000 euros en réparation de ses préjudices consécutifs à l'accident dont il a été victime le 5 septembre 2013, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2018.
Par jugement n° 1802947 lu le 10 juillet 2019, le tribunal a limité la condamnation de la société Orange à la somme de 7 300 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 26 février 2018.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 septembre 2019 et 4 décembre 2020 (non communiqué), M. B... représenté par le cabinet Cassel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de porter la condamnation de la société Orange à 82 000 euros, subsidiairement à 70 100 euros, outre intérêts de droit au taux légal, capitalisés au 26 décembre 2018 puis à chaque échéance annuelle ;
3°) de mettre à la charge de la société Orange une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- la responsabilité pour faute de la société Orange doit être retenue en raison des manquements à ses obligations de prévention et de sécurité et en l'absence de prise en charge de sa convalescence par un aménagement du temps partiel senior qu'il avait sollicité préalablement à l'accident ;
- son préjudice d'agrément doit être évalué à 10 000 euros ;
- il a subi un préjudice matériel de perte de revenus de 7 000 euros sur la période du 4 novembre 2013 au 1er août 2014 et une somme de 8 400 euros correspondant à la perte de chance de bénéficier d'un temps partiel thérapeutique d'un an puis d'une période de rémunération à temps plein ;
- il a débuté une nouvelle activité professionnelle en novembre 2018 et compte tenu de son état de santé, il doit recourir à l'embauche d'une tierce personne pour effectuer les travaux de production pour un montant mensuel de 800 euros par mois, emportant un préjudice, après application d'une perte de chance, de 38 400 euros.
Par mémoire enregistré le 17 avril 2020, la société Orange représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande ;
1°) par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à verser une somme excédant 500 euros en indemnisation des préjudices esthétiques ;
2°) de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucune faute quant à ses obligations de sécurité ou dans l'information et la prise en charge de la convalescence de M. B... ne peut être retenue à son encontre ;
- l'indemnité de 1 000 euros allouée par le tribunal à M. B... au titre du préjudice esthétique temporaire et définitif est disproportionnée et une somme de 500 euros lui sera accordée ;
- aucun lien de causalité ne peut être retenu entre l'accident de service ou la négligence alléguée par M. B... et la perte de revenus invoquée ;
- le préjudice relatif à sa reconversion professionnelle n'est pas établi.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la Poste et à France Télécom ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de M. B..., ainsi que celles de Me A... pour la société Orange ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., fonctionnaire alors affecté aux fonctions de technicien réseau à Saint-Étienne pour le compte de la société Orange, alors dénommée France Télécom, a été victime le 5 septembre 2013 d'une lésion partielle d'un tendon de la coiffe de l'épaule droite alors qu'il effectuait des travaux de remplacement de modules redresseurs de type géode. Il relève appel du jugement lu le 10 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a limité la condamnation de la société Orange au titre de la responsabilité sans faute de la société à lui verser la somme de 7 300 euros, outre intérêts au taux légal et en ce qu'il a rejeté le surplus de ses demandes fondées sur la faute de son employeur. Par la voie de l'appel incident, la société Orange demande à la cour de ramener de 1 000 euros à 500 euros l'indemnisation des préjudices esthétiques de M. B....
Sur l'appel de M. B... :
2. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version alors en vigueur, applicable aux fonctionnaires de France Télécom en vertu de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990 susvisée : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ".
3. Ces dispositions ouvrent à M. B... le droit à être indemnisé non seulement des séquelles de son accident de service, mais aussi des préjudices consécutifs à des manquements de son employeur aux obligations de prévention des risques dans l'exécution du service. À ce titre, il appartenait à la société France Télécom, devenue société Orange, de donner les consignes adaptées aux conditions de travail de M. B..., puis de les faire respecter en allouant les moyens humains et matériels adéquats.
4. Or, il résulte de l'instruction, notamment de l'examen pratiqué le 30 janvier 2014 par le praticien désigné par l'employeur que si la rupture de la coiffe de l'épaule droite de M. B... est imputable à l'accident de service du 5 septembre 2013, à l'exclusion de toute autre lésion, les douleurs résiduelles dont souffre M. B... sont imputables à une pathologie dégénérative dont l'évolution est étrangère aux conditions d'exercice des fonctions de l'intéressé durant une longue période. Par suite, M. B... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité pour faute de la société Orange en raison de l'absence d'édiction de consignes sur le protocole de manipulation de charges en hauteur avant mars 2013, contrainte à laquelle l'intéressé était soumis au cours de ses interventions de maintenance.
5. En second lieu, les dispositions de l'accord intergénérationnel conclu entre la société Orange et les organisations syndicales représentatives relatives aux temps partiel sénior et à la " Clause de sauvegarde ", contraires au statut général de la fonction publique de l'État auquel demeurent soumis les fonctionnaires de la société Orange, n'ont pas vocation à s'appliquer aux personnels de la société qui ont conservé cette qualité. Par suite, M. B..., qui ne détenait aucun droit de la clause de sauvegarde contenue dans cet accord, ne peut utilement se prévaloir d'une faute de la société Orange dans la mise en oeuvre de cette clause.
6. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de faute démontrée, M. B... n'est pas fondé à demander la condamnation de la société Orange à réparer les préjudices financiers qu'il estime en lien avec les deux fautes alléguées.
7. Enfin, si M. B... soutient qu'en raison de la pratique de ses activités sportives et personnelles, son préjudice d'agrément doit être évalué à la somme de 10 000 euros, l'expertise réalisée le 16 octobre 2017 conclut à l'apparition des douleurs au-delà d'un seuil d'intensité ce qui démontre la persistance de séquelles modérées. Compte tenu de ces circonstances, en évaluant ce chef de préjudice à la somme de 1 500 euros, les premiers juges ont fait une évaluation qui n'est ni insuffisante ni excessive du préjudice d'agrément.
Sur l'appel incident de la société Orange :
8. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise précité que l'ampleur du préjudice esthétique temporaire de M. B... a été estimée à deux sur une échelle d'un à sept pour la période du 7 novembre 2013 au 3 décembre 2013 et celle de son préjudice esthétique permanent, à 0,5. En évaluant à la somme de 1 000 euros la réparation de ces préjudices, les premiers juges n'en n'ont pas, contrairement à ce que soutient la société Orange, fait une évaluation excessive.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête de M. B... et de l'appel incident de la société Orange doivent être rejetées.
Sur les frais du litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Orange, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse à M. B..., une somme au titre des frais exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Orange sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Orange sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la société Orange.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2021.
N° 19LY03582