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07/01/2021 | FRANCE | N°18LY02989

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 07 janvier 2021, 18LY02989


Vu les procédures suivantes :

I - Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 12 août 2016 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de région de Bourgogne Franche-Comté l'a licencié à la suite de la suppression de son emploi, d'enjoindre, sous astreinte, à cette autorité de le réintégrer et de mettre les frais de l'instance à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région de Bourgogne Franche-Comté.

Par jugement n° 1602820 lu le 31 mai 2018, l

e tribunal administratif de Dijon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la co...

Vu les procédures suivantes :

I - Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 12 août 2016 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de région de Bourgogne Franche-Comté l'a licencié à la suite de la suppression de son emploi, d'enjoindre, sous astreinte, à cette autorité de le réintégrer et de mettre les frais de l'instance à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région de Bourgogne Franche-Comté.

Par jugement n° 1602820 lu le 31 mai 2018, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 août 2018 sous le n° 18LY02989 et des mémoires enregistrés les 9 mai 2019, 9 juillet 2020 et 30 septembre 2020, la chambre de commerce et d'industrie de région de Bourgogne Franche-Comté, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande à fins d'annulation, d'injonction et d'astreinte présentée au tribunal par M. E... ;

2°) de mettre à la charge de M. E... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- sa requête est recevable par application des articles L. 712-1 du code de commerce et R. 431-11 du code de justice administrative ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la délibération du 30 mars 2016 par laquelle l'assemblée générale de l'établissement a approuvé la suppression de l'emploi de M. E..., dont l'illégalité était excipée, n'a pas méconnu l'article 6.2.4.2 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie pour ne pas avoir été précédée de la consultation de la commission paritaire régionale, dès lors, d'une part, qu'aucune disposition n'impose cette consultation et que, d'autre part, l'article 6.2.4.2 ne peut être compris comme la rendant obligatoire sur les questions n'ayant qu'une incidence indirecte sur le personnel ;

- sur le terrain de l'effet dévolutif, la même exception d'illégalité dirigée contre la délibération prise le 12 janvier 2016 par l'assemblée générale de la chambre de commerce et d'industrie de l'Yonne est inopérante tandis que les autres moyens articulés en première instance ne sont pas fondés et la branche de l'exception d'illégalité invoquée en cause d'appel manque en fait.

Par mémoires enregistrés les 5 avril 2018, 15 septembre 2020 et 24 novembre 2020 (celui-ci n'ayant pas été communiqué), M. C... E..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région de Bourgogne Franche-Comté au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- la requête, présentée par une personne qui n'y est pas habilitée, est irrecevable ;

- subsidiairement, l'article 6.2.4.2 du statut ne comporte aucune restriction quant à la consultation de la commission paritaire régionale préalablement à la suppression de l'emploi, l'article 33 du statut contenant même une disposant inverse ;

- en cas de censure du moyen retenu par le tribunal, l'annulation devrait subsister, après examen par voie d'effet dévolutif des moyens tirés de la représentation irrégulière du président de l'établissement lors de l'entretien préalable au licenciement, de l'insuffisante information des membres de la commission paritaire régionale avant la séance du 30 juin 2016, de l'exception d'inconstitutionnalité de l'article 33 bis de l'annexe au statut sur le contrôle préalable des motifs de licenciement des agents investis de mandats syndicaux, de l'exception d'illégalité des délibérations des assemblées générales des 12 janvier 2016 de la chambre de l'Yonne et 30 mars 2016 de la chambre régionale dont il n'est, de surcroît, pas établi que les membres ont été convoqués selon les modalités de délai et d'information conformes aux articles 30 et 29 des règlements intérieurs applicables à chacun des établissements, de la méconnaissance de l'obligation de recherche de reclassement prescrite par l'article 35-1 du statut, et du détournement de pouvoir.

II - Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner la chambre de commerce et d'industrie de région de Bourgogne Franche-Comté à lui verser la somme de 77 210,88 euros outre intérêts au taux légal, capitalisés, en indemnisation des préjudices ayant résulté de la décision du 12 août 2016 par laquelle le président de la chambre l'a licencié à la suite de la suppression de son emploi.

Par jugement n° 1802318 lu le 14 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 août 2019 sous le n° 19LY03119 et des mémoires enregistrés les 30 septembre 2020 et 24 novembre 2020 (celui-ci n'ayant pas été communiqué), M. C... E..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de condamner la chambre de commerce et d'industrie de région de Bourgogne Franche-Comté à lui verser la somme de 77 210,88 euros outre intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2018, capitalisés ;

2°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région de Bourgogne Franche-Comté une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'illégalité censurée par le jugement n° 1602820 lu le 31 mai 2018 affecte la base légale de la décision de licenciement, annulée par ledit jugement et appelle, en conséquence, une réparation intégrale du préjudice ;

- subsidiairement, les moyens tirés de la représentation irrégulière du président de l'établissement lors de l'entretien préalable au licenciement, de l'insuffisante information des membres de la commission paritaire régionale avant la séance du 30 juin 2016, de l'exception d'inconstitutionnalité de l'article 33 bis de l'annexe au statut sur le contrôle préalable des motifs de licenciement des agents investis de mandats syndicaux, de l'exception d'illégalité des délibérations des assemblées générales des 12 janvier 2016 de la chambre de l'Yonne et 30 mars 2016 de la chambre régionale dont il n'est, de surcroît, pas établi que les membres ont été convoqués selon les modalités de délai et d'information conformes aux articles 30 et 29 des règlements intérieurs applicables à chacun des établissements, de la méconnaissance de l'obligation de recherche de reclassement prescrite par l'article 35-1 du statut, et du détournement de pouvoir sont de nature à fonder la condamnation de l'intimée.

Par mémoires enregistrés les 18 février 2020 et 15 octobre 2020, la chambre de commerce et d'industrie de région de Bourgogne Franche-Comté, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. E... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement manque en fait ;

- le tribunal a, à bon droit, pris en considération la nature de l'illégalité censurée qui est dépourvue de lien avec la perte de chance de conserver l'emploi supprimé, dont il est demandé l'indemnisation ;

- le surplus des moyens invoqués devra être écarté par les motifs développés dans l'instance n° 18LY02989.

III - Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 26 novembre 2018 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de région de Bourgogne Franche-Comté l'a licencié à la suite de la suppression de son emploi, d'enjoindre, sous astreinte, à cette autorité de le réintégrer et de mettre les frais de l'instance à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région de Bourgogne Franche-Comté.

Par jugement n° 1900228 lu le 28 janvier 2020, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 février 2020 sous le n° 20LY00765 et des mémoires enregistrés les 15 juillet 2020 (celui-ci n'ayant pas été communiqué) et 15 octobre 2020, la chambre de commerce et d'industrie de région de Bourgogne Franche-Comté, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande à fins d'annulation, d'injonction et d'astreinte présentée au tribunal par M. E... ;

2°) de mettre à la charge de M. E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la délibération du 19 septembre 2018 par laquelle l'assemblée générale de l'établissement a approuvé la suppression de l'emploi de M. E..., dont l'illégalité était excipée, n'a pas méconnu l'article 6.2.4.2 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie pour ne pas avoir été précédée de la consultation de la commission paritaire régionale, dès lors, d'une part, qu'aucune disposition n'impose cette consultation et que, d'autre part, l'article 6.2.4.2 ne peut être compris comme la rendant obligatoire sur les questions n'ayant qu'une incidence indirecte sur le personnel ;

- sur le terrain de l'effet dévolutif, les autres moyens articulés en première instance ne sont pas fondés et la branche de l'exception d'illégalité invoquée en cause d'appel manque en fait.

Par mémoires enregistrés les 1er avril 2020 et 16 octobre 2020, la chambre de commerce et d'industrie (CCI) France, représenté par Me B..., intervient volontairement au soutien de la chambre de commerce et d'industrie de la région de Bourgogne Franche-Comté.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- elle est recevable à intervenir en raison des compétences détenues par son président et de l'intérêt que pose la question de droit posée sur l'application de l'article 6.2.4.2 du statut et des missions dont l'investit l'article L. 711-16 du code de commerce ;

- la délibération du 19 septembre 2018 par laquelle l'assemblée générale de la chambre de commerce et d'industrie de la région de Bourgogne Franche-Comté a approuvé la suppression de l'emploi de M. E... n'a pas méconnu l'article 6.2.4.2 du statut pour ne pas avoir été précédée de la consultation de la commission paritaire régionale, dès lors qu'aucune disposition n'impose cette consultation et que l'article 6.2.4.2 ne peut être compris comme la rendant obligatoire sur les questions n'ayant qu'une incidence indirecte sur le personnel.

Par mémoire enregistré le 29 septembre 2020, M. C... E..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête, à la non admission de l'intervention de CCI France et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région de Bourgogne Franche-Comté au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête et l'intervention, présentées par des personnes qui n'y sont pas habilitées, sont irrecevables tandis que CCI France ne justifie pas d'un intérêt à intervenir au litige ;

- subsidiairement, l'article 6.2.4.2 du statut ne comporte aucune restriction quant à la consultation de la commission paritaire régionale préalablement à la suppression de l'emploi, l'article 33 du statut contenant même une disposition inverse ;

- en cas de censure du moyen retenu par le tribunal, l'annulation devrait subsister, après examen par voie d'effet dévolutif, des moyens tirés de la représentation irrégulière du président de l'établissement lors de l'entretien préalable au licenciement, de l'insuffisante information des membres de la commission paritaire régionale avant la séance du 30 juin 2016, de l'exception d'illégalité des délibérations des assemblées générales des 12 janvier 2016 de la chambre de l'Yonne et 19 septembre 2018 de la chambre régionale dont il n'est, de surcroît, pas établi que les membres ont été convoqués selon les modalités de délai et d'information conformes aux articles 30 et 29 des règlements intérieurs applicables à chacun des établissements, de la méconnaissance de l'obligation de recherche de reclassement prescrite par l'article 35-1 du statut, et du détournement de pouvoir.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution et son préambule ;

- le code de commerce ;

- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie, des chambres de commerce et d'industrie et des groupements consulaires ;

- la décision de la commission paritaire nationale des chambres de commerce et d'industrie du 19 décembre 2012 approuvant le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ;

- le règlement intérieur de la chambre de commerce et d'industrie de Bourgogne, adopté le 24 novembre 2011 par délibération de l'assemblée générale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me A... pour la chambre de commerce et d'industrie de région de Bourgogne Franche-Comté, ainsi que celles de Me D... pour M. E... ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes susvisées ont trait à la situation du même agent public et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

2. M. E..., recruté en 2011 par la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de l'Yonne sous contrat à durée déterminée, puis titularisé, pour promouvoir le nord de la Bourgogne auprès des investisseurs d'Ile-de-France, a été licencié par décision du 12 août 2016 prise par le président de la chambre de commerce et d'industrie de région (CCIR) de Bourgogne Franche-Comté, établissement consulaire dont relève la CCI de l'Yonne, et, suite à l'annulation juridictionnelle du premier licenciement, par décision du 26 novembre 2018 après que l'assemblée générale de la chambre régionale eut approuvé, par délibérations du 30 mars 2016 et du 19 septembre 2018, la suppression de son emploi, elle-même consécutive à la suppression de la mission à destination de l'Ile-de-France délibérée, le 12 janvier 2016, par l'assemblée générale de la CCI de l'Yonne. Dans ses requêtes n° 18LY02989 et n° 20LY00765, la CCIR de Bourgogne Franche-Comté relève appel des jugements par lesquels le tribunal administratif de Dijon a annulé les décisions de licenciement de M. E... au motif que la commission paritaire régionale (CPR) n'avait pas été consultée sur la suppression de l'emploi qu'occupait l'intéressé, et a enjoint au président de l'établissement de le réintégrer, tandis que dans la requête n° 18LY02989, M. E... relève appel du jugement par lequel la même juridiction a rejeté sa demande de condamnation de la CCIR à l'indemniser des conséquences de l'illégalité du licenciement prononcé le 12 août 2016.

Sur l'intervention volontaire de CCI France dans l'instance n° 20LY00765 :

3. D'une part, le président de la CCI France étant de plein droit le représentant de l'établissement en vertu de l'article R. 711-61 du code de commerce, l'intervention n'est pas irrecevable au motif qu'elle ne précise pas l'identité de la personne physique investie de ce mandat. D'autre part, en sa qualité d'établissement investi, par l'article L. 711-16 du code de commerce, de l'unification des normes appliquées par les établissements du réseau national des chambres de commerce et d'industrie, CCI France justifie d'un intérêt suffisant eu égard à l'objet du litige. En conséquence, son intervention volontaire doit être admise.

Sur les appels de la CCIR de Bourgogne Franche-Comté :

4. Le président de la CCIR de Bourgogne Franche-Comté étant de plein droit le représentant de l'établissement en vertu de l'article L. 712-1 du code de commerce, la requête n° 18LY02989 n'est pas irrecevable au motif qu'elle ne précise pas l'identité de la personne physique investie de ce mandat. La fin de non-recevoir opposée en défense doit, dès lors être écartée.

5. Aux termes de l'article 6.2.4.2 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie approuvé le 19 décembre 2012 en application des articles 11 et 50 quinquiès de l'annexe à l'arrêté du 25 juillet 1997 susvisé : " D'une façon générale, la CPR est compétente pour donner son avis sur toutes questions concernant le personnel (...) / L'avis consultatif de la Commission Paritaire Régionale est impérativement requis dans les cas suivants : - questions concernant le personnel : la CPR est compétente pour donner son avis sur toutes questions concernant le personnel (...) ", tandis qu'aux termes de l'article 33 de l'annexe à l'arrêté du 25 juillet 1997 susvisé : " La cessation de fonctions de tout agent titulaire ne peut intervenir dans les conditions suivantes : (...) 5) Par suppression d'emploi, après avis de la commission paritaire compétente (...) ".

6. Au sens de ces dispositions de l'article 6.2.4.2, concernent le personnel les questions qui affectent directement soit la situation individuelle d'un agent ou d'une catégorie d'agents soit les droits et obligations découlant du statut ou des textes réglementaires pris pour son application. Or, en supprimant, par délibérations du 30 mars 2016 et du 19 septembre 2018, l'emploi affecté à la mission de promotion en Ile-de-France elle-même supprimée par la CCI de l'Yonne, l'assemblée générale de la CCIR de Bourgogne Franche-Comté a pris une décision budgétaire n'affectant pas la situation individuelle de M. E... dont le reclassement ou le licenciement devait faire l'objet de décisions d'ailleurs soumises à l'information puis à la consultation des instances paritaires en vertu de l'article 35-1 de l'annexe à l'arrêté du 25 juillet 1997. Il suit de là que l'objet de la délibération ne peut être regardé comme une question concernant le personnel au sens de l'article 6.2.4.2 précité. A cet égard, ne saurait être utilement invoqué le 5 de l'article 33 précité de l'annexe à l'arrêté du 25 juillet 1997 qui requiert la consultation préalable de la commission paritaire sur le licenciement lui-même, non sur la suppression d'emploi qui n'est mentionnée par cette disposition qu'au titre de l'un des cas pouvant fonder un licenciement, non un avis préalable de l'instance paritaire. C'est, dès lors, à tort que par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Dijon a annulé les décisions de licenciement de M. E... au motif que la suppression de l'emploi budgétaire qu'il occupait n'avait pas été précédée de la consultation de la commission paritaire régionale.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. E... devant le tribunal.

8. En premier lieu, par sa délibération du 12 janvier 2016, l'assemblée générale de la CCI de l'Yonne, si elle supprime la mission en Ile-de-France, se borne à demander à la chambre régionale de supprimer l'emploi affecté à cette mission. Il suit de là que les licenciements pour suppression d'emploi de M. E... prononcés le 12 août 2016 et le 26 novembre 2018 reposent exclusivement, l'un, sur la délibération du 30 mars 2016, l'autre, sur celle du 19 septembre 2018 et que les exceptions d'illégalités de la délibération du 12 janvier 2016 tirées des irrégularités qui entacheraient la convocation de ses membres, de l'absence de consultation préalable de la commission paritaire régionale, de l'absence de motif d'intérêt général et de détournement de pouvoir doivent être écartées comme inopérantes.

9. En deuxième lieu et d'une part, aux termes de l'article R. 711-70 du code de commerce : " Les services (...) des chambres de commerce et d'industrie de région (...) sont dirigés par un directeur général, placé sous l'autorité du président de la chambre. / (...) / (...) / Dans le cadre des orientations définies par la chambre, et dans le respect de son règlement intérieur, le directeur général (...) est chargé de l'animation de l'ensemble des services ainsi que du suivi de leurs activités, de la réalisation de leurs objectifs (...) dont il rend compte au président. / Le directeur général (...) assiste les membres élus dans l'exercice de leurs fonctions. A ce titre, il informe les élus des conditions de régularité dans lesquelles les décisions doivent être prises. Il a la charge de leur mise en oeuvre et contrôle la régularité de toutes les opérations correspondantes (...) ". Il résulte de ces dispositions que le secrétaire général est investi de la responsabilité de préparer puis de mettre en oeuvre les décisions des instances délibératives sous l'autorité du président, à qui il rend compte.

10. D'autre part, en vertu de l'article 35-1 de l'annexe à l'arrêté du 25 juillet 1997 susvisé, l'agent qui fait l'objet d'une procédure de licenciement pour suppression d'emploi est convoqué à un entretien individuel préalable par le président de la chambre ou son délégataire. L'entretien individuel étant un acte préparatoire et non pas une décision, il importe seulement de vérifier que le délégataire disposait, en raison de ses fonctions, de la qualité pour l'accomplir au nom du président. Tel est le cas, en vertu de ce qui est dit au point 9, du secrétaire général qui, en conduisant l'entretien organisé le 11 mai 2016 avec M. E..., a assuré l'exécution de la délibération du 30 mars 2016 et préparé la décision prise le 16 août 2016 par le président de la chambre à qui il a rendu compte et qui a validé les conclusions de cet entretien en signant le licenciement. Il suit de là que M. E... n'est pas fondé à soutenir que le licenciement du 16 août 2016 serait entaché d'irrégularité pour avoir été prononcé au visa d'un entretien conduit par un agent non habilité.

11. En troisième lieu et d'une part, si l'article 35-1 de l'annexe à l'arrêté du 25 juillet 1997 susvisé fait obligation au président de la commission paritaire d'informer les membres de la commission, dans les quinze jours de la délibération portant suppression d'emplois, des motifs de cette mesure, de la liste de ces emplois et des moyens de reclassement envisagés, cette information n'est que provisoire et s'effectue, en vertu du même article, sans préjudice de la convocation des membres de la commission à la séance consacrée à l'examen des licenciements à laquelle doivent être annexés d'autres documents retraçant le résultat des tentatives de reclassement, dont l'absence est seule susceptible de vicier l'avis émis par l'instance consultative. Il suit de là que M. E... ne peut utilement alléguer l'incomplète information des membres de la commission paritaire régionale, accomplie consécutivement à la délibération du 30 mars 2016 par laquelle l'assemblée générale de la chambre régionale s'est prononcée sur le principe de suppressions d'emplois, pour soutenir que l'avis émis, le 30 juin 2016, par la commission paritaire régionale sur son licenciement au visa d'une convocation à laquelle était annexée d'autres documents, serait irrégulier et entacherait d'illégalité la décision du 12 août 2016.

12. D'autre part, le recours pour excès de pouvoir a pour objet, non de sommer le défendeur de justifier a priori de la légalité de la (ou des) décision(s) attaquée(s), mais de soumettre au débat des moyens sur lesquels le juge puisse statuer. Le défendeur n'est, en conséquence, tenu de verser des éléments au débat que si les moyens invoqués sont appuyés d'arguments ou de commencements de démonstration appelant une réfutation par la production d'éléments propres à l'espèce. Or, M. E... s'est borné à affirmer devant le tribunal, puis dernièrement devant la cour, qu'il appartenait à la CCIR de Bourgogne Franche-Comté de démontrer, au regard de l'article D. 711-71-1 du code de commerce, de l'article 35-1 du statut et des articles 30 et 29 des règlements intérieurs applicables à chacun des établissements, la régularité de l'information préalable et de la convocation des membres de l'assemblée générale et de la commission paritaire régionale, convoquées respectivement le 19 septembre 2018 et le 15 novembre 2018, sans préciser ce qui vicierait ces éléments de procédure. Il suit de là qu'il n'est pas fondé à soutenir que le licenciement prononcé le 26 novembre 2018 serait entaché d'irrégularités de procédure.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 33 bis de l'annexe à l'arrêté du 25 juillet 1997 susvisé : " Le licenciement (...) de tout agent titulaire ayant la qualité de délégué syndical (...) ne peut intervenir, après avis de la Commission Paritaire (...) donné dans les conditions prévues à l'article 33, paragraphes (...) 5 (...), que sur avis conforme des Ministres de Tutelle. Si la demande de licenciement n'a pas reçu de réponse dans un délai d'un mois à compter de sa date de réception par lesdits Ministres, l'avis conforme est réputé avoir été donné ".

14. D'une part, contrairement aux entreprises privées qui agissent de manière indépendante et dont certaines décisions susceptibles de porter atteinte à l'intérêt général peuvent nécessiter de la part de l'administration une vérification préalable approfondie des conditions dans lesquelles il est envisagé de rompre la relation de travail des salariés investis de responsabilités syndicales, les chambres de commerce et d'industrie sont soumises à la tutelle du ministère de l'économie dont les services ont le pouvoir d'obtenir tous renseignements nécessaires à l'instruction de la demande d'avis conforme sur un projet de licenciement du délégué syndical et sont habilités à recevoir toutes observations que l'intéressé jugerait utile de leur faire parvenir. Il suit de là que les dispositions précitées suffisent à assurer le respect, au sein des chambres de commerce et d'industrie, de la liberté d'action syndicale proclamée par le 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et ne sont pas contraires à ces dispositions pour ne pas obliger le ministère de tutelle à recourir, à l'instar des demandes d'autorisation de licenciement des salariés protégés soumis au code du travail, à une instruction contradictoire.

15. D'autre part, l'article 33 bis du statut ne s'oppose pas à ce que le contrôle de l'autorité de tutelle porte sur tous les aspects de la protection de l'agent investi d'un mandat au nombre desquels figure l'intérêt qui s'attacherait à la persistance d'une représentation syndicale au sein de l'établissement nonobstant le bien fondé du motif du licenciement. Il suit de là que cet article ne méconnaît pas le 6 du préambule de la Constitution pour ne pas comporter de disposition expresse en ce sens, le code du travail n'en comportant pas non plus en matière d'autorisation de licenciement des salariés protégés ce qui n'exonère pas l'inspection du travail d'exercer un contrôle en la matière.

16. Il résulte de ce qui est dit aux points 13 à 15 qu'à l'appui de sa demande dirigée contre la décision du 12 août 2016, prise au visa de l'article 33 bis précité, M. E... n'est pas fondé à exciper de l'inconstitutionnalité de ces dispositions et que le président de la CCIR de Bourgogne Franche-Comté a légalement recueilli l'avis conforme du ministère de tutelle sur le fondement de ces dispositions, après avoir recueilli celui de la commission paritaire régionale, pour le licencier alors qu'il était investi d'un mandat de délégué syndical.

17. En cinquième lieu, aux termes de l'article 32 du règlement intérieur susvisé, définissant le régime de quorum des séances ordinaires de l'assemblée générale de la CCIR de Bourgogne Franche-Comté : " L'assemblée générale (...) ne peut valablement délibérer que si le nombre des membres présents ou représentés dépasse la moitié du nombre des membres en exercice. / Un membre peut donner un pouvoir à un autre membre ; ce dernier ne peut disposer de plus d'un pouvoir (...) ". Il résulte des pièces produites devant le tribunal par la CCIR de Bourgogne Franche-Comté que chaque membre représenté à l'assemblée générale du 30 mars 2016 a donné un pouvoir écrit à l'un des membres présents et qu'aucun de ceux-ci ne détenait plus d'un pouvoir. En conséquence, la branche de l'exception d'illégalité de ladite délibération, dirigée contre la décision du 12 août 2016 et tirée de la méconnaissance de la disposition précitée, doit être écartée comme manquant en fait.

18. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que la suppression de l'emploi occupé par M. E... résulte de la conjonction du désengagement financier définitif de la communauté de communes du Sénonais, territoire du nord de l'Yonne qui était le principal bénéficiaire des actions de promotion conduites en Ile-de-France, et de la baisse continue des ressources de la CCI de l'Yonne, affectataire de cet emploi. Contrairement à ce que soutient M. E..., ces motifs tirés de l'intérêt du service ont pu valablement fonder la délibération du 30 mars 2016 comme celle du 19 septembre 2018 et les décisions litigieuses du 12 août 2016 et du 26 novembre 2018, tandis qu'il ne relève pas de l'office du juge d'apprécier les choix effectués par l'assemblée générale quant aux orientations de l'action de l'établissement.

19. En septième lieu, les motifs qui ont conduit l'assemblée générale de la CCIR de Bourgogne Franche-Comté à supprimer un emploi puis le président de la chambre à licencier M. E... étant conformes aux buts en vue desquels ils devaient exercer leurs attributions, le moyen tiré du détournement de pouvoir invoqué par voie d'exception contre les délibérations du 30 mars 2016 et du 19 septembre 2018 et directement contre les décisions du 12 août 2016 et du 26 novembre 2018 doit être écarté.

20. En dernier lieu, M. E..., qui ne conteste pas avoir été rendu destinataire de tous les avis de vacance de poste de directeurs, niveau hiérarchique équivalent à l'emploi qu'il occupait, n'établit pas en quoi la CCIR de Bourgogne Franche-Comté aurait manqué de loyauté ou de diligence dans sa tentative de reclassement. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de recherche de reclassement instituée par les articles 35-1 et 35­3 de l'annexe à l'arrêté du 25 juillet 1997 susvisé doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la CCIR de Bourgogne Franche-Comté est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements n° 1602820 et n° 1900228 lus le 31 mai 2018 et le 28 janvier 2020 le tribunal administratif de Dijon a annulé les décisions du 12 août 2016 et du 26 novembre 2018 par lesquelles son président a licencié M. E.... Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les demandes de ce dernier à fins d'injonction et d'astreinte.

Sur l'appel de M. E... :

22. L'obligation de motivation définie par l'article L. 9 du code de justice administrative s'entend de l'exposé des arguments de fait et de droit sur lesquels la juridiction fonde sa décision. En énonçant qu'il retenait comme déterminante et matériellement établie, dans la cause directe de la suppression de l'emploi qu'occupait M. E..., la fin de la contribution d'une collectivité publique à la promotion du territoire en Ile-de-France, le tribunal a suffisamment motivé son jugement alors même qu'il n'a pas répondu à l'argument du demandeur tiré de l'absence de corrélation entre le montant de cette participation et le coût de la mission.

23. Ainsi qu'il est dit aux points 4 et 5, la délibération du 30 mars 2016 par laquelle l'assemblée générale de la CCIR de Bourgogne Franche-Comté a supprimé l'emploi qu'occupait M. E... n'est pas illégale au motif qu'elle n'a pas été précédée de la consultation de la CPR. Il suit de là que la décision du 12 août 2016 prononçant le licenciement n'est pas privée de base légale pour ce motif.

24. Le surplus des griefs tendant à démontrer une illégalité fautive, invoqués en cause d'appel par M. E... à l'appui de ses prétentions, doit être écarté par les motifs des points 8 à 20. Il suit de là que M. E... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande indemnitaire. Dès lors que n'étaient pas invoqués en première instance d'autres griefs susceptibles d'engager la responsabilité de la CCIR de Bourgogne Franche-Comté, les conclusions de la requête doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la CCIR de Bourgogne Franche-Comté, tandis que les conclusions présentées par M. E..., partie perdante, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de CCI France dans l'instance n° 20LY00765 est admise.

Article 2 : Les jugements n° 1602820 et n° 1900228 du tribunal administratif de Dijon lus le 31 mai 2018 et le 28 janvier 2020 sont annulés.

Article 3 : Les demandes présentées par M. E... tendant à l'annulation des décisions du 12 août 2016 et du 26 novembre 2018 par lesquelles le président de la CCIR de Bourgogne Franche-Comté l'a licencié, ainsi que ses demandes à fins d'injonction et d'astreinte sont rejetées.

Article 4 : La requête n° 19LY03119 de M. E... est rejetée.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de commerce et d'industrie de région de Bourgogne Franche-Comté, à M. C... E... et à la chambre de commerce et d'industrie France.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président ;

Mme Djebiri, premier conseiller ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2021.

Nos 18LY02989, 19LY03119, 20LY00765 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-06-01-03 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Organisation professionnelle des activités économiques. Chambres de commerce et d'industrie. Personnel.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : C R T D et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 07/01/2021
Date de l'import : 27/01/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18LY02989
Numéro NOR : CETATEXT000042896217 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-07;18ly02989 ?
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