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17/12/2020 | FRANCE | N°19LY04639

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 17 décembre 2020, 19LY04639


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme G... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, et d'enjoindre au préfet de l'Ain, à titre principal, de procéder au renouvellement de son titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugem

ent à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme G... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, et d'enjoindre au préfet de l'Ain, à titre principal, de procéder au renouvellement de son titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

M. G... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, et d'enjoindre au préfet de l'Ain, à titre principal, de procéder au renouvellement de son titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Par deux jugements n° 1907637 et 1907638 du 11 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a d'une part, renvoyé le jugement des conclusions des demandes de M. et Mme G... tendant à l'annulation de la décision du 15 mars 2019 par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de leur délivrer un titre de séjour et les conclusions accessoires qui s'y rattachent en formation collégiale, et d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions des demandes.

Par un jugement n° 1907637 et 1907638 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon, après avoir joint ces deux demandes, a annulé les arrêtés du 15 mars 2019 par lesquels le préfet de l'Ain a refusé d'admettre au séjour M. et Mme G..., a enjoint au préfet de l'Ain de délivrer à M. et à Mme G..., chacun en ce qui les concerne, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 700 euros à verser à Me C..., conseil de M. et Mme G..., en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, puis a rejeté le surplus de ces demandes.

Procédure devant la cour

I - Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 1904639 le 13 décembre 2019 et le 18 juin 2020, M. G..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 octobre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;

3°) d'annuler la décision du préfet de l'Ain notifiée le 2 octobre 2019 fixant une assignation à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Ain, à titre principal, de procéder au renouvellement de son titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve que de ce dernier renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

1°) s'agissant de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en l'absence d'examen effectif de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

2°) s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en l'absence d'examen sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

3°) s'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

4°) s'agissant de la décision l'assignant à résidence :

- le préfet n'a pas entrepris d'examen effectif de sa situation, dès lors que la décision ne fait pas mention de la situation médicale de son épouse ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il a été porté atteinte à sa liberté d'aller et venir.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2020, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés par M. G... ne sont pas fondés.

II - Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 1904640 le 13 décembre 2019 et le 18 juin 2020, Mme G..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 octobre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office ;

3°) d'annuler la décision du préfet de l'Ain notifiée le 2 octobre 2019 fixant une assignation à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Ain, à titre principal, de procéder au renouvellement de son titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve que de ce dernier renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

1°) s'agissant de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en l'absence d'examen effectif de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

2°) s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en l'absence d'examen sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

3°) s'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

4°) s'agissant de la décision l'assignant à résidence :

- le préfet n'a pas entrepris d'examen effectif de sa situation, dès lors que la décision ne fait pas mention de sa situation médicale ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il a été porté atteinte à sa liberté d'aller et venir.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2020, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés par Mme G... ne sont pas fondés.

III - Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 20LY01244 le 2 avril 2020 et le 3 juin 2020, le préfet de l'Ain demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 mars 2020 et de rejeter les requêtes des époux G....

Il soutient que :

- le jugement déféré est irrégulier, dès lors que les requêtes étaient irrecevables ;

- les motifs retenus par les premiers juges pour annuler ses décisions sont entachés d'erreurs de fait et de droit ;

- les mesures d'exécution excédaient ce qui était nécessaire.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 8 mai 2020 et le 18 juin 2020, M. et Mme G..., représentés par Me C..., concluent au rejet de la requête et demandent à la cour :

1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 1907637 et 1907638 du 17 mars 2020 en toutes ses dispositions, et en tant que de besoin ;

2°) d'annuler les décisions du 15 mars 2019 par lesquelles le Préfet de l'Ain a refusé de les admettre au séjour ;

3°) à titre principal d'enjoindre au Préfet de l'Ain de leur délivrer respectivement un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) à titre subsidiaire d'enjoindre au Préfet de l'Ain de procéder au réexamen de leur situation, et dans cette attente, de leur délivrer, chacun en ce qui les concerne, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve que de ce dernier renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Ils font valoir que les moyens présentés par le préfet de l'Ain ne sont pas fondés.

M. et Mme G... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du 13 novembre 2019 et du 3 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur ;

- et les observations de Me F..., représentant M. et Mme G... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme et M. G..., de nationalité albanaise, nés respectivement en 1971 et 1966, déclarent être entrés en France, les 20 janvier et 4 mars 2015, accompagnés de leurs filles. Leurs demandes d'asile ont été rejetées tant par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides, le 30 mars 2016, que par la cour nationale du droit d'asile, le 28 septembre 2016. Mme G... a bénéficié d'une carte de séjour temporaire au titre de son état de santé et M. G... a ainsi bénéficié d'une autorisation de séjour provisoire en qualité d'accompagnant d'étranger malade. Ils ont sollicité le renouvellement de leurs titres de séjour le 16 juillet 2018. Par deux arrêtés du 15 mars 2019, le préfet de l'Ain a rejeté leurs demandes et les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant l'Albanie comme pays de destination et assignant les intéressés à résidence. Par deux jugements du 11 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a renvoyé le jugement des conclusions des demandes de M. et Mme G... tendant à l'annulation de la décision du 15 mars 2019 et les conclusions accessoires qui s'y rattachaient en formation collégiale, et a rejeté le surplus des conclusions des demandes. Par un jugement n° 1907637 et 1907638 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon, après avoir joint ces deux demandes, a annulé les arrêtés du 15 mars 2019 par lesquels le préfet de l'Ain a refusé d'admettre au séjour M. et Mme G..., a enjoint au préfet de l'Ain de délivrer à M. et Mme G..., chacun en ce qui les concerne, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. M. et Mme G... relèvent appel du jugement rendu le 11 octobre 2019 par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon qui a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 15 mars 2019 les obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination. Le préfet de l'Ain, quant à lui, relève appel du jugement du 17 mars 2020, par lequel le tribunal administratif de Lyon a d'une part, annulé ses arrêtés du 15 mars 2019 par lesquels il avait refusé d'admettre au séjour M. et Mme G..., et d'autre part, enjoint au préfet de l'Ain de délivrer à M. et à Mme G..., un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées enregistrées sous les numéros 19LY04639, 19LY04640 et 20LY01244 présentées pour M. et Mme G... et par le préfet de l'Ain concernent la situation de membres d'une même famille, ont fait l'objet d'une instruction commune et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. Le préfet de l'Ain soutient dans son mémoire du 2 avril 2020 que pour écarter la fin de non-recevoir, le tribunal a jugé que le délai de recours courant contre les décisions du 15 mars 2019 notifiées le 14 août 2019 a été interrompu par une demande d'aide juridictionnelle introduite le 28 août 2019 et octroyée le 22 novembre 2019, qu'il a sollicité des pièces auprès du bureau d'aide juridictionnelle qui n'ont, en raison de l'état d'urgence sanitaire et du fonctionnement de ce service en mode très dégradé, pas encore été communiquées et qu'enfin le moyen sera donc développé ultérieurement. Dans son mémoire du 3 juin 2020, le préfet de l'Ain, qui n'a pas développé son moyen, doit être considéré comme l'ayant abandonné. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur la légalité des décisions concernant Mme G... :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour opposée à Mme G... :

4. La décision par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme G... vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle rappelle les conditions de son entrée et de son séjour en France en mentionnant notamment le rejet de la demande d'asile des époux G... par l'OFPRA et la CNDA. L'arrêté fait mention du précédent refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire dont elle a fait l'objet le 19 mai 2016 et du premier titre de séjour dont elle a bénéficié en qualité d'étranger malade par décision du 8 septembre 2017. Le préfet de l'Ain fait état dans son arrêté de la pathologie de l'intéressée et précise qu'un avis du collège de médecins de l'OFII a été rendu le 4 décembre 2018 sur sa situation médicale dans le cadre de sa demande de renouvellement de titre de séjour. Il précise par ailleurs que son époux fait l'objet d'une décision similaire et qu'aucun de ses enfants ne dispose d'un droit au séjour. La circonstance que les deux arrêtés ne visent pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant n'est pas de nature à entacher les arrêtés attaqués d'une insuffisance de motivation. Ainsi, la décision attaquée comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Cette motivation, suffisante, permet également d'établir que le préfet de l'Ain a procédé à un examen particulier de la situation médicale et familiale de l'intéressée.

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 1° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). Selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle se prononce.

7. Le collège de l'OFII a estimé, dans son avis du 4 décembre 2018, que l'état de santé de Mme G... nécessite une prise en charge médicale, que le défaut de celle-ci peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Le préfet de l'Ain a considéré que l'intéressée, qui n'a transmis aucun élément médical nouveau à l'appui de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, ne remplissait pas les conditions du 11° de l'article L. 313-11du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En l'espèce, il est constant que Mme G... présentait à son arrivée en France une " volumineuse fistule recto vaginale récidivante post-obstétricale " à la suite de laquelle elle avait subi, en Albanie, deux interventions en 1994 et 1995. Elle a, par la suite, subi en France une première intervention chirurgicale pour réaliser une iléostomie latérale, consistant en une dérivation intestinale, le 2 octobre 2015, qui n'a pas abouti. La deuxième intervention du 12 avril 2016 aux fins de " réparation directe de la fistule recto vaginale par voie périnéo vaginale " a entraîné, le 21 avril suivant, une hémorragie post-opératoire justifiant une nouvelle intervention, qui a été réalisée le 29 novembre 2016 aux fins " d'instauration d'une iléostomie latérale terminalisée ". Le praticien a indiqué le 5 décembre 2016 que " dans le meilleur des cas, si la fistule recto vaginale pouvait être enfin contrôlée, l'iléostomie latérale terminalisée serait conservée pour une durée minimum de neuf à douze mois à compter de son instauration le 29 novembre 2016 ". Le 11 avril 2017, Mme G... a été de nouveau opérée, le médecin précisant alors : " La seule dernière possibilité chirurgicale pourrait être une résection rectale avec une anastomose colo anale différée, sous couvert de l'iléostomie actuellement en place, mais les conditions anatomiques ne s'y prêtent guère et l'intervention serait à haut risque de récidive. (....) ". Il ressort par ailleurs de la lecture des pièces produites et notamment des nombreuses attestations ainsi que des multiples certificats et avis médicaux datés de 2016 à 2019, que Mme G... souffre d'une pathologie évolutive sans amélioration possible avec des risques d'aggravation. Toutefois, il n'apparaît pas que, postérieurement à cette opération et jusqu'à la décision litigieuse, l'état de santé de cette dernière ait notablement évolué. Ainsi, le 6 septembre 2017, le docteur Barth a constaté que si " La seule dernière possibilité chirurgicale pourrait être une résection rectale (...) l'intervention serait à haut risque de récidive " et que " la malade semble s'habituer à son iléostomie et le plus sage serait qu'elle la garde définitivement ". De même, le 26 avril 2018, le professeur Francois, face aux incertitudes et risques d'une nouvelle opération indiquait " Il me parait beaucoup plus sage d'en rester là et de la laisser avec son iléostomie qui est parfaitement appareillée ". Il apparaît ainsi, qu'à la date des arrêtés litigieux, la perspective d'une nouvelle opération de Mme G... était repoussée sine die et aucune pièce du dossier ne permet de justifier une intervention médicale programmée à brève échéance ni même qu'elle était envisagée par l'intéressée. Il n'est pas non plus établi qu'à cette date Mme G... ne pouvait voyager sans risque à destination de son pays d'origine.

9. Il est vrai que Mme G... a présenté en juin 2019, soit plus deux mois après le refus de délivrance du titre de séjour en litige, un syndrome occlusif. Cette circonstance nouvelle qui, d'ailleurs, si l'intéressée s'y croyait fondée, serait de nature à justifier de présenter une nouvelle demande de titre de séjour au titre de sa santé, est toutefois sans influence sur la légalité de la décision litigieuse dès lors qu'elle lui est postérieure. Par ailleurs, si les ordonnances délivrées les 6 mars et 21 août 2019 par le docteur Grandjean, psychiatre, et les 30 avril et 6 août 2019 par son médecin généraliste, elles aussi postérieures à la décision litigieuse, attestent de la prise récente de traitements médicamenteux pour une hypertension artérielle et des troubles dépressifs, la seule production par Mme G... d'un extrait de tableau présenté comme listant les médicaments commercialisés en Albanie, non traduit et dont la source n'est pas identifiable, n'est pas de nature à établir l'indisponibilité effective de tels médicaments, le cas échéant sous une autre forme. Dans ces conditions au regard des éléments médicaux qu'elle produit, et alors, que le premier titre de séjour délivré à Mme G... permettait, pour des considérations d'ordre pratique, aux médecins l'ayant opérée, d'assurer le suivi post-opératoire, à la date de l'arrêté en litige, compte tenu de l'avis du collège des médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, rendu le 4 décembre 2018, que le préfet de l'Ain a pu légalement s'approprier, Mme G... n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

11. Mme G... se prévaut de la durée de son séjour en France de son entrée le 20 janvier 2015, accompagnée de trois de ses filles, et du fait qu'elle a été rejointe par son époux, M. A... G... et par leur fille benjamine, D..., peu de temps après, le 4 mars 2015. Elle expose qu'elle a appris la langue française et que l'ensemble des membres de la famille s'est intégré tant professionnellement que socialement. A cet égard, elle produit d'une part, les bulletins de salaire de mai à juillet 2018 correspondant aux missions d'intérim réalisées par son époux en qualité d'opérateur de tri et ceux relatifs à ses prestations de lingère de juillet à août 2018, et d'autre part, les certificats de scolarité, bulletins de notes et diplômes de ses deux plus jeunes filles, H... et D..., une promesse d'embauche de sa fille Domenika en qualité d'assistante de bureau du 9 juillet 2018, ainsi que de nombreuses attestations émanant de paroissiens de Culoz et des associations Scouts de France et Secours catholique au sein desquelles s'est investie la famille. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les quatre premières filles des époux G..., majeures à la date de la décision attaquée, ne disposent d'aucun titre de séjour et ne peuvent être regardées comme ayant vocation à se maintenir sur le territoire français. La circonstance que D..., alors encore mineure à la date de la décision attaquée, soit scolarisée en terminale scientifique et justifie de résultats très honorables ne suffit pas à démontrer que Mme G... est dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale hors de France alors qu'elle a passé la majeure partie de sa vie en Albanie et que son époux fait également l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire du même jour. Dans ces conditions, nonobstant les efforts réels d'intégration de la requérante, le préfet n'a pas porté une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale. Il n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

12. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation. La décision portant refus de titre de séjour opposée à Mme G... n'ayant ni pour objet ni pour effet de la séparer de son enfant D..., au demeurant majeure depuis le 25 juillet 2019, elle n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de cet enfant au sens de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant à trente jours le délai de départ volontaire opposée à Mme G... :

13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, par voie d'exception du refus de titre de séjour doit être écarté.

14. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) /. La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...). ". Le préfet de l'Ain a, par un même arrêté, refusé de délivrer un titre de séjour à Mme G... et lui fait obligation de quitter le territoire français. La décision d'obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à Mme G..., n'a donc pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour qui, ainsi qu'il a été dit, est suffisamment motivée.

15. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Ain a procédé à un examen particulier de la situation, notamment médicale, de Mme G... avant l'édiction de la mesure d'éloignement en litige.

16. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

17. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 11 du présent arrêt, Mme G... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni que le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

18. Il ressort des pièces du dossier que Mme G... a vocation à repartir dans son pays accompagnée de son époux, qui fait lui-même l'objet d'une mesure d'éloignement. La scolarité suivie en France par leur dernière fille, D..., au demeurant majeure depuis le 25 juillet 2019, depuis son arrivée en France en 2015 ne fait pas obstacle à son retour dans son pays d'origine accompagnée de ses parents. Dès lors, Mme G... ne peut valablement soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français porterait atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant, au sens des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination opposée à Mme G... :

19. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination par voie d'exception de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

20. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

21. Le préfet de l'Ain mentionne que Mme G... ne produit aucun élément nouveau de nature à remettre en cause les décisions de rejet de sa demande d'asile par l'OFPRA et la CNDA pour estimer que la décision fixant le pays de destination ne contrevient pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme. Alors que Mme G... ne soutient pas que les risques de menaces dont elle fait état en cas de retour en Albanie sont d'une autre nature que ceux exposés dans sa demande d'asile, cette motivation est suffisante. Les moyens tirés du défaut de motivation de cette décision et d'examen préalable de sa situation personnelle doivent dès lors être écartés. L'appelante fait état de sa confession chrétienne et fait valoir les discriminations subies de ce fait par ses enfants et les agressions dont ont été victimes son époux, le 22 juillet 1997, et l'une de ses filles, enlevée le 20 décembre 2014 pour avoir refusé une demande en mariage de la part d'une personne de confession musulmane. Toutefois, elle ne produit au soutien de ses allégations aucun élément de nature à établir la réalité et l'actualité de ses craintes, alors au demeurant que sa demande d'asile a été rejetée définitivement. Dès lors, les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues. Pour les même raisons, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur d'appréciation de sa situation.

22. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 9 du présent arrêt, Mme G... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence opposée à Mme G... :

23. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) / Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois (...) ".

24. Si la décision attaquée ne cite pas expressément l'alinéa de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile appliqué à la situation de Mme G..., elle reproduit les termes de son alinéa 5, de sorte qu'elle ne peut être regardée comme dépourvue de base légale ou insuffisamment motivée en droit. Il ne ressort pas davantage de cette décision que le préfet de l'Ain, qui déclare avoir procédé à un examen approfondi de sa situation au regard des éléments produits, et qui n'est pas tenu de faire état de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'étranger, ne se soit pas livré à un examen sérieux de la situation de Mme G..., notamment médicale.

25. La décision attaquée, datée du 27 août 2019, mentionne que l'arrêté du 15 mars 2019 portant obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours " doit être regardé comme notifié le 14 août 2019, date à laquelle il est établi que le conseil de l'intéressée en a pris connaissance dans le cadre du recours dirigé contre une précédente assignation " avant d'en déduire que le délai de départ volontaire est expiré. Compte tenu de cette motivation, et ainsi que le fait valoir le préfet de l'Ain en défense, la date du 27 août 2019 mentionnée au lieu du 27 septembre 2019 sur la décision litigieuse, au demeurant notifiée le 2 octobre 2019, doit être regardée comme une simple erreur matérielle. Par suite, Mme G... n'est pas fondée à soutenir que la décision d'assignation à résidence est entachée d'erreur de droit en ce que le délai de départ volontaire de trente jours n'était pas expiré à la date à laquelle elle a été prise.

26. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Ain a assigné Mme G... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois, et lui a fait obligation de se rendre avant 12 h 00 chaque lundi, mercredi et vendredi au commissariat de police d'Oyonnax. La requérante, qui déclare résider à Arbent, dans l'Ain et se borne à soutenir, sans en justifier, que ces modalités de présentation ne tiennent pas compte de la dégradation de son état de santé, n'établit pas que la restriction apportée à sa liberté d'aller et de venir et à son droit de mener une vie familiale normale est disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.

Sur la légalité des décisions concernant M. G... :

27. M. G... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens tirés de ce que la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée, est entachée d'une erreur de droit en l'absence d'examen effectif de sa situation et d'une erreur manifeste d'appréciation, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il est de même s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français puisque M. G... soutient qu'elle est illégale, par exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, qu'elle est insuffisamment motivée et entachée d'une erreur de droit en l'absence d'examen sérieux de sa situation, qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, s'agissant de la décision fixant le pays de destination, M. G... soutient qu'elle est illégale, par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et méconnaît les stipulations de l'article 3 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, ces moyens ne sont, pas plus, assortis d'éléments nouveaux. Enfin, il en est de même pour les moyens, qui ne sont assortis d'aucun élément nouveau en appel et qui sont présentés au soutien de la décision l'assignant à résidence et tirés de ce que le préfet n'a pas entrepris d'examen effectif de sa situation, dès lors que la décision ne fait pas mention de la situation médicale de son épouse, qu'elle est entachée d'une erreur de droit et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'il a été porté atteinte à sa liberté d'aller et venir. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon.

28. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Ain est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé les arrêtés du 15 mars 2019 par lesquels il a refusé d'admettre au séjour M. et Mme G....

29. Par contre, il résulte de ce qui précède que M. et Mme G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1907637 et 1907638 du tribunal administratif de Lyon du 17 mars 2020 est annulé.

Article 2 : Les requêtes n°s 19LY04639 et 19LY04640 sont rejetées.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à Mme B... I... épouse G..., à M. A... G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Fédi, président-assesseur assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme E... J..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

2

N°s 19LY04639-19LY04640-20LY01244


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04639
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-17;19ly04639 ?
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