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04/12/2020 | FRANCE | N°18LY02724

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 04 décembre 2020, 18LY02724


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision du 26 juillet 2013 par laquelle le directeur du centre hospitalier de la région d'Annecy a refusé de renouveler son contrat à durée déterminée au-delà de la date du 31 octobre 2013 ;

2°) de condamner le centre hospitalier Annecy Genevois, venant aux droits du centre hospitalier de la région d'Annecy, à lui verser la somme de 16 800 euros en réparation du préjudice moral et financier subi du fait de l'

illégalité fautive de la décision de ne pas renouveler son contrat.

Par un jugement n° 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision du 26 juillet 2013 par laquelle le directeur du centre hospitalier de la région d'Annecy a refusé de renouveler son contrat à durée déterminée au-delà de la date du 31 octobre 2013 ;

2°) de condamner le centre hospitalier Annecy Genevois, venant aux droits du centre hospitalier de la région d'Annecy, à lui verser la somme de 16 800 euros en réparation du préjudice moral et financier subi du fait de l'illégalité fautive de la décision de ne pas renouveler son contrat.

Par un jugement n° 1604556 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2018, M. A..., représenté par Me Raynaud, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 mai 2018 ;

2°) d'annuler la décision du directeur du centre hospitalier de la région d'Annecy du 26 juillet 2013 ;

3°) de condamner le centre hospitalier Annecy Genevois à lui verser la somme de 16 800 euros ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Annecy Genevois une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- sa requête de première instance était recevable, dès lors qu'elle ne peut être considérée comme tardive, eu égard aux circonstances exceptionnelles dont il se prévaut, et que la jurisprudence du Conseil d'Etat appliquée par les premiers juges est postérieure à la décision qu'il conteste et est contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la décision litigieuse est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'il est titulaire du brevet professionnel de préparateur en pharmacie, et est par suite étrangère à l'intérêt du service ;

- l'illégalité de cette décision lui a causé des préjudices matériel et moral qui peuvent être évalués à 16 800 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 octobre 2018, le centre hospitalier Annecy Genevois, représenté par Me B... (C... cabinet d'avocats Philippe Petit et associés), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2019.

En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, l'instruction a été rouverte pour les éléments demandés en vue de compléter l'instruction 21 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le décret n° 2011-748 du 27 juin 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... F..., première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Garaudet, avocat, représentant le centre hospitalier Annecy Genevois ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté en 2008 comme préparateur en pharmacie par le centre hospitalier de la région d'Annecy, depuis devenu centre hospitalier Annecy Genevois, en qualité de contractuel. Après plusieurs renouvellements de son contrat, le directeur du centre hospitalier a décidé que son contrat ne le serait plus, à compter du 1er novembre 2013, par décision du 26 juillet 2013. Par courrier du 21 avril 2016, M. A... a saisi le centre hospitalier d'une demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis en conséquence de cette décision. Cette demande a été rejetée par décision du 22 juin 2016. Le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation du centre hospitalier Annecy Genevois à lui verser 16 800 euros d'indemnisation, par un jugement du 17 mai 2018 dont M. A... relève appel.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Il résulte des dispositions de l'article R. 421-5 du même code que ce délai n'est opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.

3. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, cela ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

4. En premier lieu, la règle énoncée au point 3, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance et la date à laquelle le recours a été introduit, sans qu'y fassent obstacle les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que cette règle ne lui serait pas applicable eu égard à la date à laquelle il a présenté une réclamation préalable.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier du courrier qu'il a lui-même daté du 1er septembre 2013, que M. A... a eu connaissance, au plus tard à cette date, de la décision du directeur du centre hospitalier de la région d'Annecy du 26 juillet 2013 en litige. S'il indique avoir formé, par ce même courrier, un recours gracieux à l'encontre de cette décision, il n'établit nullement, en dépit de la mesure d'instruction diligentée en ce sens par la cour, l'avoir effectivement notifié au centre hospitalier. Celui-ci ne peut dès lors avoir eu pour effet de proroger les délais de recours qui lui étaient ouverts. Par ailleurs, s'il est établi que la mère de M. A... est brutalement décédée le 14 janvier 2014 dans des circonstances qui ont amené le requérant à porter plainte et à se constituer partie civile pour mise en danger d'autrui, non-assistance à personne en danger et homicide involontaire, ce décès, antérieur de plus de deux ans et demi à l'introduction de son recours, ne saurait suffire à justifier que le requérant ait ainsi excédé de plus de dix mois le délai raisonnable dont il disposait pour introduire un recours contre la décision de non-renouvellement litigieuse. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions à fin d'annulation comme tardives et, par suite, irrecevables.

6. M. A... n'est ainsi pas fondé à soutenir que le jugement du 17 mai 2018 du tribunal administratif de Grenoble est entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Aucun agent contractuel ne peut être recruté si, étant de nationalité française : (...) 3° Lorsque le recrutement est effectué en application des articles 9 et 9-1 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, il ne possède pas les titres requis par le statut particulier fixant, pour les fonctionnaires, les conditions d'accès à l'emploi concerné (...) ". Selon l'article 3 du décret du 27 juin 2011 portant statuts particuliers des corps des personnels médico-techniques de la catégorie B de la fonction publique hospitalière : " I. _ Les préparateurs en pharmacie hospitalière exercent les activités de leur profession conformément aux dispositions de l'article L. 4241-13 du code de la santé publique (...) ". L'article 5 du même décret précise que : " I. _ Les préparateurs en pharmacie hospitalière sont recrutés par voie d'un concours sur titres ouvert, dans chaque établissement, aux candidats titulaires soit du titre de formation mentionné à l'article L. 4241-13 du code de la santé publique, soit d'une autorisation d'exercer la profession de préparateur en pharmacie hospitalière délivrée en application de l'article L. 4241-14 du même code ". L'article L. 4241-13 du code de la santé publique dispose que : " Est qualifiée préparateur en pharmacie hospitalière dans les établissements publics de santé toute personne titulaire du diplôme de préparateur en pharmacie hospitalière défini par arrêté pris par le ministre chargé de la santé, après avis de la commission prévue à l'article L. 4241-5 (...) ". Enfin, en application de l'article L. 4241-4 du code de la santé publique, est qualifié de préparateur en pharmacie toute personne titulaire du brevet professionnel de préparateur en pharmacie.

8. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le diplôme de préparateur en pharmacie hospitalière, ou l'autorisation équivalente délivrée en application de l'article L. 4241-14 du code de la santé publique, est requis pour être recruté, y compris en qualité de contractuel, comme préparateur en pharmacie hospitalière.

9. Contrairement à ce que prétend M. A..., le brevet professionnel de préparateur en pharmacie ne lui permettait pas d'exercer les fonctions de préparateur en pharmacie hospitalière pour lesquelles il a été recruté, y compris en qualité de non-titulaire. Il est constant qu'à la date de la décision en litige, il n'était pas titulaire d'un diplôme de préparateur en pharmacie hospitalière, ni ne disposait d'une autorisation équivalente délivrée en application de l'article L. 4241-14 du code de la santé publique. Par suite, ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, le centre hospitalier de la région d'Annecy était tenu de ne pas renouveler son contrat.

10. En second lieu, le centre hospitalier de la région d'Annecy ayant ainsi été tenu de refuser le renouvellement du contrat de M. A..., les autres moyens dirigés contre la décision du 26 juillet 2013, tenant à l'erreur de fait dont serait entaché le motif tiré de l'engagement de démarches tendant à l'obtention du diplôme de préparateur en pharmacie hospitalière et, par suite, au caractère étranger de cette mesure à l'intérêt du service, doivent être écartés comme inopérants.

11. En l'absence de toute illégalité fautive, M. A... n'est pas fondé à demander réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du non renouvellement de son contrat par le centre hospitalier de la région d'Annecy.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Annecy Genevois, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 800 euros à verser au centre hospitalier Annecy Genevois en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera au centre hospitalier Annecy Genevois une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au centre hospitalier Annecy Genevois.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme D... F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 décembre 2020.

2

N° 18LY02724


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02724
Date de la décision : 04/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CABINET PHILIPPE PETIT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-04;18ly02724 ?
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