Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 30 avril 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1905296 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 30 juin 2020, Mme E..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les décisions du 30 avril 2019 du préfet du Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire pendant la durée de l'instruction ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'un défaut de motivation en ce qu'il ne fait pas référence au certificat médical postérieur à l'avis du collège de médecins qu'elle produisait ;
- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent les articles L. 313-11 (11°) et L. 511-4 (10°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Cameroun ;
- les décisions attaquées violent son droit au respect de sa vie privée et familiale, dès lors qu'elle a un entourage proche sur le territoire français où elle a reconstruit depuis quatre ans l'ensemble de sa vie privée.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
En application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction est intervenue trois jours francs avant l'audience.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère,
- et les observations de Me F..., représentant Mme E... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante du Cameroun née le 27 janvier 1970, a déclaré être entrée en France au cours du mois de juillet 2016. Elle a demandé, le 7 septembre 2017, son admission au séjour en raison de son état de santé et demande à la cour d'annuler le jugement du 11 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête dirigée contre les décisions du préfet du Rhône du 30 avril 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours à destination du pays dont elle a la nationalité, ainsi que d'annuler ces décisions préfectorales.
2. En premier lieu, la circonstance que le tribunal, lorsqu'il a examiné la disponibilité effective du traitement de Mme E... au Cameroun, ait omis de faire état d'un certificat médical du médecin de cette dernière n'entache pas, par elle-même, le jugement d'un défaut de motivation, mais est seulement susceptible d'en affecter éventuellement le bien-fondé. Ce moyen doit en conséquence être écarté.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Il résulte par ailleurs des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code que les personnes remplissant ces conditions ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
4. Il résulte de ces dispositions que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement lui refuser le titre de séjour sollicité ou l'éloigner que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, en vertu des règles gouvernant l'administration de la preuve devant le juge administratif, la partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.
5. En l'espèce, le collège de médecins de l'OFII a émis, le 2 juillet 2018, un avis, dont le préfet du Rhône s'est approprié les conclusions, estimant que si l'état de santé de Mme E... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Cameroun, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays. Le certificat médical d'un médecin de la requérante du 16 mai 2019 estimant que l'état de santé de cette dernière ne lui permet pas d'être soignée dans son pays d'origine " sans prendre un risque grave pour sa santé " est très insuffisamment circonstancié pour remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII, qui n'est davantage utilement renversé ni par des éléments médicaux postérieurs aux décisions attaquées se rapportant à une opération de pose d'un anneau gastrique sans lien avec la pathologie pulmonaire initiale de l'intéressée, ni par deux certificats médicaux d'octobre 2020, non circonstanciés quant aux possibilités de soins au Cameroun. Les pièces présentées comme des certificats de médecins camerounais de Mme E... sont par ailleurs dépourvues de force probante, eu égard en particulier à l'insuffisance ou à l'incohérence des mentions censées permettre l'identification du médecin ou des structures au sein desquelles ils disent exercer. Si est versé aux débats un rapport datant de 2012, établi par quatre personnes dont les qualifications médicales ne sont pas précisées, à l'issue d'un stage d'un mois dans trois structures médicales spécifiques, il demeure très général sur le système de santé camerounais pris dans son ensemble, et ne comporte en particulier aucun élément précis se rapportant à la pathologie de la requérante ayant justifié la demande de titre de séjour. Enfin, la liste des médicaments essentiels du Cameroun est insuffisante à démontrer que le traitement par " Trelegy Ellipta " prescrit à Mme E..., et dont la commission de la transparence de la Haute autorité de santé a estimé en avril 2018 qu'il n'apportait pas d'amélioration réelle du service médical rendu, ne serait pas substituable en cas de retour au Cameroun. Dans ces conditions, la disponibilité dans ce pays d'un traitement approprié à l'état de santé de Mme E... à la date de la décision attaquée n'est pas remise en cause. L'intéressée, qui se borne à alléguer en des termes généraux une absence de moyens financiers et l'absence de système de sécurité sociale au Cameroun, sur la foi du rapport de 2012 précité, dépourvu de valeur probante, n'apporte pas d'éléments suffisants, tirés des particularités de sa situation personnelle, au regard notamment du coût du traitement ou de son accessibilité à la généralité de la population, de nature à remettre utilement en cause l'avis médical émis par l'OFII s'agissant de l'effectivité de l'accès aux soins nécessités par son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par les décisions attaquées, des dispositions précitées doit être écarté.
6. En dernier lieu, Mme E... n'était présente en France que depuis un peu moins de trois ans à la date de la décision attaquée, après avoir vécu l'essentiel de son existence au Cameroun, où résident encore, selon les éléments communiqués au soutien de sa demande de titre de séjour, 9 de ses frères et soeurs, 9 de ses enfants majeurs ainsi qu'un enfant mineur âgé de 17 ans. Dans ces conditions, alors même que la requérante garderait parfois les enfants mineurs de l'un de ses frères, présent sur le territoire français, et à supposer établi ce lien de parenté, le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ne portent pas au droit de Mme E... au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par ces mesures.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 30 avril 2019 portant refus de séjour et mesure d'éloignement à destination du pays dont elle a la nationalité. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, dès lors, être également rejetées.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en conséquence obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au conseil de Mme E... la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme A..., présidente assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.
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N° 20LY01733
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