Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... E... et M. F... D... ont demandé au tribunal administratif de Dijon :
- d'annuler la délibération du 18 octobre 2018 du conseil communautaire du Grand Chalon par laquelle le plan local d'urbanisme intercommunal du Grand Chalon a été approuvé, ainsi que la décision du 23 janvier 2019 rejetant leur recours gracieux ;
- d'enjoindre au Grand Chalon de classer leurs parcelles en zone constructible du plan local d'urbanisme intercommunal.
Par un jugement n° 1900508 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 janvier et 3 juillet 2020, M. E... et M. D..., représentés par Me Renouard, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 31 octobre 2019 en tant qu'il rejette leur demande ;
2°) d'annuler la délibération du 18 octobre 2018 pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération du Grand Chalon :
- à titre principal, de classer l'ensemble des parcelles en zone U dans le nouveau zonage du PLUi ;
- à titre subsidiaire, de classer l'ensemble des parcelles en zone AU dans le nouveau zonage du PLUi ;
- à titre très subsidiaire, de classer la frange sud des parcelles n°B1484, B200, B201 et B202 en zone U ou, à titre subsidiaire, en zone AU dans le nouveau zonage du PLUi ;
- à titre infiniment subsidiaire, statuer à nouveau sur le classement des parcelles n°B1484, B198, B199, B200, B201, B202, B204, B205, B206 et B1204 dans un délai déterminé ;
4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Grand Chalon une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne les risques de ruissellement sur leurs parcelles, et en ce qui concerne l'inadéquation du classement en zone N de ces parcelles au regard, d'une part, de l'état des réseaux et, d'autre part, de leur situation géographique ;
- la délibération du conseil municipal de Saint-Mard-de-Vaux du 19 janvier 2018 est illégale du fait de la participation d'un élu intéressé et l'avis défavorable au projet qu'aurait dû rendre le conseil municipal justifiait que le conseil communautaire du Grand Chalon délibère à nouveau ;
- en l'absence de risque de ruissellement et compte tenu de l'existence de réseaux publics, ainsi que de la présence d'habitations et du centre-bourg, à proximité, le classement en zone N de leurs parcelles procède d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires enregistrés les 14 mai et 6 novembre 2020, la communauté d'agglomération du Grand Chalon, représentée par Me A... conclut au rejet de la requête, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit solidairement mise à la charge de M. E... et M. D..., en application de l'article L. 761-1
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
- la présence de M. H... lors de la délibération de la commune de Saint-Mard-de-Vaux n'a pas eu d'influence sur la délibération litigieuse ;
- les parcelles litigieuses sont bien soumises à un risque de ruissellement et la majorité des surfaces concernées est située au sein d'un vaste ensemble naturel et agricole ; de plus le classement de ces parcelles s'inscrit totalement dans les orientations du projet d'aménagement et de développement durables et plus généralement dans les principes de limitation de l'étalement urbain et de préservation des terres naturelles et agricoles ; ainsi, ce classement n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B..., présidente assesseure ;
- les conclusions de M. Vallechia, rapporteur public ;
- les observations de Me I..., représentant M. E... et M. D..., et de Me A..., représentant la communauté d'agglomération du Grand Chalon ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 18 octobre 2018, le conseil communautaire du Grand Chalon a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi). M. E... et M. D..., qui sont propriétaires indivis de la parcelle cadastrée B.1484, et M. D..., propriétaire des parcelles B.198, B.199, B.200, B.201, B.202, B.204, B.205, B.206 et B.1204, situées sur le territoire de la commune de Saint-Mard-de-Vaux compris dans le périmètre du PLUi ont formé un recours gracieux à l'encontre de cette délibération, le 21 décembre 2018, qui a été rejeté le 23 janvier 2019. M. E... et M. D... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Dijon du 31 octobre 2019 qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les premiers juges ont, au point 15 de leur jugement, suffisamment répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché le classement des parcelles des requérants en zone N alors qu'ils n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments développés au soutien de ce moyen. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait à cet égard entaché d'une insuffisance de motivation doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, d'une part aux termes de l'article L. 153-15 du code de l'urbanisme : " Lorsque l'une des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale émet un avis défavorable sur les orientations d'aménagement et de programmation ou les dispositions du règlement qui la concernent directement, l'organe délibérant compétent de l'établissement public de coopération intercommunale délibère à nouveau et arrête le projet de plan local d'urbanisme à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés. "
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ". Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller municipal intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'està-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération. Cependant, s'agissant d'une délibération déterminant des prévisions et règles d'urbanisme applicables dans l'ensemble d'une commune ou d'une agglomération, la circonstance qu'un conseiller intéressé au classement d'une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération ou à son vote n'est de nature à entraîner son illégalité que s'il ressort des pièces du dossier que, du fait de l'influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel.
5. Il ressort des pièces du dossier que le 19 janvier 2018, le conseil municipal de SaintMard-de-Vaux a émis un avis favorable au projet PLUi en demandant une correction tendant au maintien en zone constructible de parcelles dont M. H... était propriétaire. Il est constant que M. H... a pris part à la délibération du conseil municipal de Saint-Mard-de-Vaux du 19 janvier 2018. Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne ressort pas des pièces du dossier que, si ce conseiller personnellement intéressé s'était abstenu de participer à la délibération du 19 janvier 2018, le conseil municipal aurait rendu un avis défavorable au projet, nécessitant que le conseil communautaire du Grand Chalon délibère à nouveau et arrête le projet de PLUi à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 153-15 du code de l'urbanisme.
6. En second lieu, aux termes de l'article R. 15124 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues. ".
7. La cohérence exigée au sein du PLU entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables (PADD), qui s'apprécie à l'échelle du territoire couvert par le plan, impose que le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du PLU à une orientation ou un objectif du PADD ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.
8. Il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce PLU, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
9. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles appartenant aux requérants qui sont situées sur le territoire de la commune de Saint-Mard-de-Vaux ont été classées en zone N dans le PLUi en litige. Elles sont constituées en grande majorité de prairies et sont situées à la sortie du bourg. Les requérants font valoir que ces parcelles ne sont distantes que de 300 mètres de la mairie et qu'elles sont entourées d'habitations. Toutefois, les photographies produites ne permettent pas de considérer que ces terrains font partie d'un secteur densément bâti, alors que le PADD fixe un objectif de développement de l'urbanisation par concentration à partir de l'existant, en visant notamment les centres-bourgs et en soulignant la nécessité de limiter la consommation d'espaces naturels et agricoles. Ainsi, le classement en zone naturelle de ces parcelles qui représentent une superficie importante, répond tant à leurs caractéristiques qu'aux objectifs des auteurs du PLUi, alors même qu'il existerait un faible risque de ruissellement et que ces parcelles pourraient aisément être raccordées aux réseaux d'eau potable et d'électricité. Par suite, ce classement ne procède ainsi d'aucune erreur manifeste d'appréciation et n'apparaît pas incohérent avec les orientations du PADD.
10. Il résulte de ce qui précède que M. E... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande. Leurs conclusions à fin d'injonction doivent par suite être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. E... et M. D... demandent sur leur fondement soit mise à la charge de la communauté d'agglomération du Grand Chalon, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions du même article, de mettre à la charge de chacun des requérants le versement d'une somme de 1 000 euros à la communauté d'agglomération du Grand Chalon au titre des frais exposés à l'occasion du litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... et de M. D... est rejetée.
Article 2 : M. E... et M. D... verseront chacun une somme de 1 000 euros à la communauté d'agglomération du Grand Chalon au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à M. F... D... et à la communauté d'agglomération du Grand Chalon.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme B..., présidente assesseure,
Mme J..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.
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N° 20LY00261
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