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03/12/2020 | FRANCE | N°18LY04322

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 03 décembre 2020, 18LY04322


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) B... Investissements a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1701620 du 5 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire rectificatif, enregistrés les 4 e

t 5 décembre 2018, la SARL B... Investissements, représentée par Me Balleydier, demande à la cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) B... Investissements a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1701620 du 5 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire rectificatif, enregistrés les 4 et 5 décembre 2018, la SARL B... Investissements, représentée par Me Balleydier, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 octobre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014 pour un montant de 58 867 euros.

Elle soutient que :

- la réalité des difficultés de sa filiale Nouvel'R, qu'il était dans son propre intérêt de soutenir financièrement, est établie par la production des comptes annuels de cette filiale et son placement en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire ;

- les cotisations sociales comptabilisées au titre des rémunérations versées à son gérant étaient bien dues au titre du régime social des indépendants, peu importe qu'elles diffèrent des charges, erronées, effectivement appelées, dès lors que le délai de prescription du recouvrement de ces charges n'est pas expiré ;

- l'erreur éventuellement commise sur la périodicité des charges, dont la prise en charge par la société a été validée par procès-verbal de décision de l'associé unique, ne justifiait pas un rejet total mais un simple ajustement au prorata ;

- les reports de déficits trouvent leur origine dans les exercices antérieurs au premier exercice vérifié et ont été déclarés à l'administration à partir d'une comptabilité dont la sincérité ne peut être remise en cause du seul fait d'un dépôt tardif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les impositions supplémentaires litigieuses procèdent d'une taxation d'office sur le fondement du 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, faute de dépôt des déclarations de résultat dans le délai après mise en demeure, de sorte que la société supporte, en vertu de l'article L. 193 du même livre, la charge de prouver leur exagération ;

- la société requérante n'établit pas que les abandons de créances volontairement consentis à sa filiale Nouvel'R, laquelle ne lui procurait qu'un chiffre d'affaires marginal, étaient conformes à son propre intérêt ;

- s'agissant des cotisations sociales de son gérant, la société a comptabilisé des charges à payer par année civile, et non par exercice, et n'apporte aucun élément de nature à justifier le montant des charges inscrites en comptabilité au titre des trois exercices en litige, dont seulement 6,8% ont été effectivement recouvrés pour l'exercice 2012, 4,8% pour 2013 et 4,4% pour 2014, justifiant ainsi le rejet par l'administration des charges à payer,

- il appartient au contribuable qui entend reporter sur ses bénéfices ultérieurs le déficit subi au cours d'un exercice de justifier l'existence de ce déficit, une société ne pouvant apporter une telle preuve n'étant pas fondée à en faire état pour établir le caractère exagéré de l'évaluation faite par l'administration de ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre des années vérifiées.

En application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction est intervenue trois jours francs avant l'audience.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de sa comptabilité, et par proposition de rectification du 17 juillet 2015 ayant donné lieu à un avis de mise en recouvrement du 27 janvier 2016, la SARL B... Investissements a notamment été assujettie, selon la procédure de taxation d'office, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2012, 2013 et 2014 du fait des exercices clos au 30 juin de chaque année, assorties de majorations et de pénalités, pour un montant total de 58 867 euros. La SARL B... Investissements, dont la réclamation préalable a été rejetée le 6 janvier 2017, demande l'annulation du jugement du 5 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires ainsi mises à sa charge.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant des recettes réintégrées :

2. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Les renonciations à des recettes consenties par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent ainsi pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. Lorsque l'administration soutient qu'une fourniture de services aurait été insuffisamment facturée au client, il lui appartient d'établir les faits dont il ressortirait que l'entreprise aurait renoncé, sans justification, à percevoir une fraction des recettes qui lui auraient été dues et conférerait à cet acte un caractère anormal, alors même que, à raison de la procédure suivie, le contribuable devrait démontrer l'exagération de l'imposition contestée. L'administration est réputée apporter cette preuve dès lors que l'entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties. Dans l'hypothèse où l'entreprise s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration d'apporter la preuve que cet avantage est dépourvu de contrepartie, qu'il a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour l'entreprise ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

3. En l'espèce, la SARL B... Investissements ne conteste pas avoir conclu avec la société Nouvel'R, dont elle détient une participation, une " convention de management " portant sur diverses prestations, effectuées pour son compte en contrepartie d'une rémunération de 15 000 euros par an, ni avoir engagé des frais pour l'exécution de cette convention, sans établir de facturation au titre des trois exercices vérifiés. Il n'est pas davantage contesté qu'elle a, en outre, au cours des exercices clos en 2012 et 2013, consenti à Nouvel'R des avoirs d'un montant total de 18 000 euros au titre de la facturation qui avait été établie pour la période 2008­2011. La société B... Investissements ne justifie pas, et n'allègue d'ailleurs plus, ne pas avoir fourni les prestations contractuellement prévues par la convention. Elle n'apporte en outre aucun élément de nature à justifier qu'elle aurait bénéficié en retour de la moindre contrepartie, qui ne saurait résulter de la seule circonstance que les sociétés B... Investissements et Nouvel'R auraient le même client principal, la société MCE 5 Development, dont le président est également gérant de la société requérante comme de la société Nouvel'R.

4. Par suite, la société B... Investissements n'est pas fondée à contester la réintégration des sommes en litige à son résultat, pour les trois exercices en cause.

S'agissant de la déductibilité des charges sociales :

5. En vertu du 1 de l'article 39 du code général des impôts, auquel renvoie l'article 209 du même code pour la détermination de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment les frais généraux de toute nature ainsi que les dépenses de personnel et main d'oeuvre. Ces dispositions s'entendent, eu égard au principe de l'indépendance des exercices qui résulte des dispositions du 2 de l'article 38 dudit code, comme autorisant la déduction des charges payées par l'entreprise au cours de l'exercice dont les résultats doivent servir de base à l'impôt. Pour être admis en déduction du bénéfice imposable, les frais et charges de l'entreprise doivent en outre être exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation, correspondre à une charge effective et être appuyés de justifications suffisantes. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

6. L'administration a relevé au cours des opérations de vérification que la SARL B... Investissements avait comptabilisé et déduit, pour chaque exercice, des charges à payer correspondant aux cotisations du régime social des indépendants de son gérant, calculées à partir de simulations de cotisations effectuées sur la base du montant des revenus du dirigeant et très supérieures aux montants effectivement appelés par cet organisme. La production par la société requérante des simulations effectuées par son comptable ne saurait suffire, quelle que soit leur périodicité, à justifier de la prise en charge effective par elle des cotisations correspondantes, quand bien même seraient­elles certaines dans leur principe, car obligatoires, et susceptibles d'être déterminées dans leur montant, du fait de l'application de taux connus, alors que le gérant était personnellement redevable du paiement de ses cotisations au régime social des indépendants. Cette preuve n'est pas davantage apportée par la production, pour la première fois en cause d'appel, d'un procès-verbal de l'associé unique de la SARL B... Investissements daté du 2 juillet 2012, qui n'est pas signé, relatif à la prise en charge par la société, au demeurant sans effet rétroactif sur l'exercice clos au 30 juin 2012, des cotisations sociales du gérant majoritaire, en l'absence d'éléments permettant de justifier de l'appel effectif des montants inscrits en comptabilité au titre des trois exercices en litige. A cet égard, le protocole transactionnel du 24 janvier 2020 conclu entre l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Rhône-Alpes et M. B..., pour l'apurement de cotisations impayées, ne permet pas de déterminer si les cotisations mises en recouvrement se rattachent à l'activité de M. B... en qualité de gérant de la société requérante, ou en qualité de gérant d'autres sociétés, en l'absence de précisions sur ce point et du détail des sommes réclamées. En admettant même que les cotisations en cause se rattachent au moins pour partie à l'activité de M. B... en qualité de gérant de la société B... Investissements, il résulte des mentions figurant sur le protocole qu'il porte sur des cotisations réclamées en vertu de contraintes qui n'ont été délivrées qu'à compter du 23 janvier 2016, sans précision de la date à laquelle elles ont été appelées pour la première fois. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les charges comptabilisées, alors qu'elles n'avaient pas été appelées au cours des exercices litigieux et ne pouvaient donc qu'être provisionnées, ont été écartées à tort par l'administration.

Sur le report de déficits antérieurs :

7. Il résulte de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige, qu'un déficit subi pendant un exercice est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice ou, s'il n'est pas suffisant, au cours des exercices suivants. Il résulte en conséquence de ce qui a été dit au point 5 qu'il incombe à la société requérante de justifier tant de son principe que de son montant.

8. Les impositions litigieuses ayant au surplus été mises à la charge de la société B... Investissements selon la procédure de taxation d'office, la requérante ne contestant pas s'être abstenue de déposer ses déclarations dans les trente jours des mises en demeure lui ayant été adressées, il lui incombe, en vertu des dispositions combinées du 2° de l'article L. 66 et des articles L. 68, L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, de démontrer le caractère exagéré de ces impositions supplémentaires.

9. La société B... Investissements reprend en appel le moyen invoqué en première instance tiré de ce que l'administration fiscale ne pouvait refuser d'imputer sur ses bénéfices le déficit de l'exercice clos au 30 juin 2011, d'un montant de 241 095 euros, sans avoir contrôlé les recettes et les charges correspondantes, la requérante se bornant à ajouter dans ses écritures d'appel que la sincérité de sa comptabilité antérieure n'a pas été contestée. Pour écarter ce moyen, le tribunal a retenu que la société B... Investissements n'avait pas justifié en cours d'instance de l'existence de ces déficits.

10. La société requérante ne produit en cause d'appel toujours aucun document comptable ou fiscal régulier se rapportant au déficit dont elle demande l'imputation sur ses bénéfices des exercices vérifiés. Dans ces conditions, elle ne rapporte pas la preuve de l'exagération des impositions supplémentaires mises à sa charge, de sorte que le moyen ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société B... Investissements n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société B... Investissements est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL B... Investissements et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.

2

N° 18LY04322


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04322
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : BALLEYDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-03;18ly04322 ?
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