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03/12/2020 | FRANCE | N°18LY03466

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 03 décembre 2020, 18LY03466


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société ThyssenKrupp Mavilor a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le titre de perception émis le 17 mars 2016 par le préfet de la Loire pour le recouvrement de la somme de 330 000 euros correspondant à la consignation dudit montant en application d'une convention de revitalisation conclue le 15 novembre 2010.

Par un jugement n° 1700058 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le

11 septembre 2018, et un mémoire enregistré le 5 avril 2019, présentés pour la société Thys...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société ThyssenKrupp Mavilor a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le titre de perception émis le 17 mars 2016 par le préfet de la Loire pour le recouvrement de la somme de 330 000 euros correspondant à la consignation dudit montant en application d'une convention de revitalisation conclue le 15 novembre 2010.

Par un jugement n° 1700058 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 septembre 2018, et un mémoire enregistré le 5 avril 2019, présentés pour la société ThyssenKrupp Mavilor, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1700058 du 10 juillet 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire et à la direction régionale des finances publiques d'Auvergne-Rhône-Alpes et du département du Rhône de déconsigner la somme de 330 000 euros depuis la consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations au profit de la société ThyssenKrupp Mavilor dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 30 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la préfecture de la Loire réclame une consignation d'un montant allant au-delà de celui qui serait requis, en application de la convention, pour le versement de primes à l'emploi correspondant au nombre de créations effectives d'emplois avancé par la préfecture de la Loire elle-même alors qu'il avait été convenu qu'au-delà de la consignation initiale de 330 000 euros, les consignations supplémentaires interviendraient au fur et à mesure de la création effective des emplois, selon un courrier de la préfecture du 13 septembre 2012 ; dès lors que les dispositions de la convention n'avaient pas été respectées, le titre de perception était dépourvu de tout fondement et le titre de perception ne pouvait être fondé sur l'arrêté du 30 juillet 2011 qui portait uniquement autorisation de consigner les sommes ;

- la préfecture de la Loire se fonde sur des créations d'emplois qui ne sont pas éligibles au versement d'une prime en application de la convention ;

- il n'existe aucun autre fondement pouvant justifier une demande de paiement en raison de l'expiration de la convention le 14 novembre 2012 ;

- l'interprétation et l'application de la convention faites tant par l'administration que par les premiers juges ont pour conséquence de transformer le dispositif de prime à l'emploi en une aide d'État, incompatible avec le droit de la concurrence et le droit de l'Union européenne, entachant le titre de perception d'illégalité ;

- le préfet de la Loire a pris en 2018 des arrêtés de déconsignation en violation des stipulations de la convention et de la procédure tant d'attribution que de déconsignation des sommes issues de ladite convention.

Par un mémoire enregistré le 24 janvier 2019, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., substituant Me B... pour la société ThyssenKrupp Mavilor ;

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la cessation de l'activité exercée par la société ThyssenKrupp Mavilor, sur le site industriel de l'Horme, dans le département de la Loire, qui a conduit au licenciement économique de près de 360 salariés, le préfet de la Loire a assujetti cette société à l'obligation de revitalisation prévue à l'article L. 1233-84 du code du travail, par un arrêté du 4 janvier 2010. Une convention de revitalisation a été conclue le 15 novembre 2010, pour une durée de vingt-quatre mois, en vertu de laquelle une participation de la société, égale au quadruple de la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance multipliée par le nombre d'emplois supprimés, soit 358, a été décidée pour un montant total de 1 924 278 euros. Parmi les actions prévues par ladite convention, la société ThyssenKrupp Mavilor s'est notamment engagée à participer à un dispositif de primes à l'emploi, à hauteur de 3 000 euros en moyenne par emploi créé, pour une enveloppe globale la concernant fixée à la somme de 660 000 euros, et ce dispositif a été mutualisé avec deux autres entreprises également soumises à une obligation de revitalisation dans le bassin d'emploi, les sociétés Siemens VAI MT et Akers Fraisse, la participation de la société ThyssenKrupp Mavilor au financement de chaque prime, calculée selon les dotations de ces trois sociétés au titre de leurs conventions de revitalisation respectives, s'élevant à 51 % du montant de chaque prime, soit 1 530 euros par emploi créé. Elle a mandaté le cabinet Altedia pour la représenter dans les différentes instances mises en place : un comité stratégique, un comité technique et un comité d'engagement, ce dernier ayant pour mission de valider les candidatures des entreprises créatrices d'emploi pour l'octroi d'une prime, faisant ensuite l'objet d'une convention de financement. Par un arrêté du 30 juin 2011, le préfet de la Loire a autorisé la société ThyssenKrupp Mavilor a consigné les sommes dues auprès de la Caisse des dépôts et consignations et les sommes de 66 000 euros et 325 878 euros ont été effectivement consignées respectivement les 30 juin 2011 et 15 novembre 2011 alors que ledit arrêté prévoyait le versement de la dernière tranche de la somme consignée, soit un montant de 330 000 euros, à la date du 30 juin 2012. La société ThyssenKrupp Mavilor n'ayant procédé à aucune nouvelle consignation par la suite, le préfet de la Loire, par un courriel du 12 décembre 2014, a indiqué à la société que la quasi-totalité des fonds consignés pour le dispositif de prime à l'emploi était consommée et lui a demandé de verser la somme de 330 000 euros pour poursuivre ce financement. Le 17 mars 2016, la direction régionale des finances publiques Auvergne-Rhône-Alpes a émis un titre de perception pour la consignation de la somme de 330 000 euros, lequel a fait l'objet d'un recours administratif rejeté le 28 octobre 2016. La société ThyssenKrupp Mavilor relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation du titre de perception émis le 17 mars 2016 par le préfet de la Loire.

2. Aux termes de l'article L. 1233-84 du code du travail : " Lorsqu'elles procèdent à un licenciement collectif affectant, par son ampleur, l'équilibre du ou des bassins d'emploi dans lesquels elles sont implantées, les entreprises mentionnées à l'article L. 1233-71 sont tenues de contribuer à la création d'activités et au développement des emplois et d'atténuer les effets du licenciement envisagé sur les autres entreprises dans le ou les bassins d'emploi. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-85 du même code dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige : " Une convention entre l'entreprise et l'autorité administrative, conclue dans un délai de six mois à compter de la notification prévue à l'article L. 1233-46, détermine, le cas échéant sur la base d'une étude d'impact social et territorial prescrite par l'autorité administrative, la nature ainsi que les modalités de financement et de mise en oeuvre des actions prévues à l'article L. 1233-84. La convention tient compte des actions de même nature éventuellement mises en oeuvre par anticipation dans le cadre d'un accord collectif relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou prévues dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi établi par l'entreprise. Lorsqu'un accord collectif de groupe, d'entreprise ou d'établissement prévoit des actions de telle nature, assorties d'engagements financiers de l'entreprise au moins égaux au montant de la contribution prévue à l'article L. 1233-86, cet accord tient lieu, à la demande de l'entreprise, de la convention prévue au présent article entre l'entreprise et l'autorité administrative, sauf opposition de cette dernière motivée et exprimée dans les deux mois suivant la demande. " Aux termes de l'article L. 1233-86 du code : " Le montant de la contribution versée par l'entreprise ne peut être inférieur à deux fois la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance par emploi supprimé. Toutefois, l'autorité administrative peut fixer un montant inférieur lorsque l'entreprise est dans l'incapacité d'assurer la charge financière de cette contribution. / En l'absence de convention signée ou d'accord collectif en tenant lieu, les entreprises versent au Trésor public une contribution égale au double du montant prévu au premier alinéa. "

3. S'il résulte des dispositions précitées du code du travail que le montant de la contribution que doit verser une entreprise tenue à une obligation de revitalisation, lorsqu'elle conclut une convention à cette fin, est égal à la moitié de celui qu'elle devrait verser en l'absence de convention, il en résulte aussi nécessairement, en l'absence de dispositions législative ou réglementaire de ce code prévoyant la mainlevée de la part non consommée de la contribution consignée à l'expiration de la convention ou l'exemption de payer la part non encore versée à cette date de la contribution, que le montant total de cette contribution fixé par la convention de revitalisation doit être versé par l'entreprise, indépendamment du nombre d'emplois effectivement créés et acceptés par le comité de pilotage, qui conditionne seulement le déblocage des sommes en cours d'exécution de la convention. Au demeurant, en l'espèce, les stipulations de l'article 6 de la convention de revitalisation conclue le 15 novembre 2010 qui déterminent les conditions d'utilisation des fonds non consommés à l'issue de la convention, ne prévoient pas le reversement à la société ThyssenKrupp Mavilor des fonds au versement desquelles elle était tenue.

4. Il résulte des stipulations de la convention de revitalisation conclue le 15 novembre 2010, par laquelle, ainsi qu'il a été dit au point 1, la société ThyssenKrupp Mavilor s'était notamment engagée à participer à un dispositif de primes à l'emploi pour une enveloppe globale la concernant fixée à la somme de 660 000 euros, et, en particulier, des stipulations de l'article 4.3 de cette convention, en vertu desquelles " la comptabilisation des emplois prendra en compte les emplois validés par le comité d'engagement ", que l'engagement des fonds correspondant aux primes à l'emploi était réalisé par le comité d'engagement dès la validation par ce dernier de l'octroi de l'aide, après vérification par ce comité, au sein duquel cette société, comme son mandataire, le cabinet Altedia, étaient représentés, que les conditions d'attribution des primes étaient remplies. Il résulte également de l'arrêté préfectoral du 30 juin 2011, par lequel le préfet de la Loire avait autorisé la société ThyssenKrupp Mavilor à consigner les sommes destinées au financement d'une telle action auprès de la Caisse des dépôts et consignations, que le versement de la somme totale que la société était autorisée à consigner devait intervenir par tranches, dont la dernière, d'un montant de 330 000 euros, à la date du 30 juin 2012. Il appartenait dès lors à la société de procéder à la consignation auprès de la Caisse des dépôts et des consignations de la somme restante de 330 000 euros alors, au demeurant, que, comme l'avait constaté le comité d'engagement mutualisé avec les sociétés Siemens VAI MT et Akers Fraisse, avant l'expiration de la convention de revitalisation, avait été validé l'octroi d'une prime pour la création d'un total de 408 emplois, dont 220 bénéficiant d'une aide de la société ThyssenKrupp Mavilor, ainsi qu'il résulte du tableau annexé au courriel de la préfecture de la Loire du 12 décembre 2014, mentionnant ce chiffre au titre des créations d'emplois programmées, et du compte rendu dudit comité d'engagement du 15 novembre 2012. La société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, pour soutenir qu'elle n'était pas tenue de procéder à la consignation de la somme réclamée par le titre de perception en litige, de ce que les conditions de versement des primes, posées en particulier par les conventions de financement conclues ensuite avec les entreprises candidates au versement de ces primes, n'auraient pas été remplies par l'ensemble de ces entreprises, en dépit de la circonstance que, par une lettre du 12 septembre 2012, le préfet de la Loire avait pris acte des modalités de versement souhaitées par la société, " par tranches de 30 000 euros à due concurrence des emplois effectivement créés ", une telle lettre n'ayant pas pour effet de remettre en cause les conditions d'engagement des fonds destinés au financement des primes. La société requérante ne peut davantage se prévaloir, pour les mêmes raisons, de ce que la préfecture de la Loire aurait pris en compte des créations d'emplois inéligibles à la prime à défaut pour les entreprises concernées de remplir les conditions de versement de la prime posées par le comité d'engagement et/ou par la convention de financement ni de la circonstance que le préfet de la Loire aurait pris au cours de l'année 2018 des arrêtés de déconsignation en violation des stipulations de la convention et de la procédure tant d'attribution que de déconsignation des sommes issues de ladite convention. Enfin si la société requérante affirme que l'interprétation et l'application de la convention faites tant par l'administration que par les premiers juges auraient pour conséquence de transformer le dispositif de prime à l'emploi en une aide d'État, incompatible avec le droit de la concurrence et le droit de l'Union européenne, un tel moyen, à le supposer assorti des précisions permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé, porterait sur les conditions d'attribution et de versement des primes et non sur le financement par la requérante du fonds de revitalisation auquel elle s'était engagée à contribuer par la convention de revitalisation qu'elle avait conclue, et à l'effet duquel a été émis le titre contesté.

5. Il résulte de ce qui précède que la société ThyssenKrupp Mavilor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société ThyssenKrupp Mavilor est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société ThyssenKrupp Mavilor et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire et au directeur régional des finances publiques d'Auvergne-Rhône-Alpes

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président ;

Mme Djebiri, premier conseiller ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.

1

2

N° 18LY03466


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03466
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : PAETZOLD ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-03;18ly03466 ?
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