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19/11/2020 | FRANCE | N°19LY03748

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 19 novembre 2020, 19LY03748


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 23 mai 2019 par lequel le préfet de la Drôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation ou de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admi

nistrative.

Par un jugement n° 1904161 du 27 septembre 2019, le tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 23 mai 2019 par lequel le préfet de la Drôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation ou de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1904161 du 27 septembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir admis M. B... à l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé les décisions du 23 mai 2019 du préfet de la Drôme portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, délivrées à l'encontre de M. B..., a enjoint au préfet de la Drôme de délivrer à ce dernier un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois, et a rejeté le surplus de la demande de M. B....

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2019, le préfet de la Drôme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 septembre 2019 ;

2°) de rejeter la requête présentée par M. B....

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les dispositions extrêmement claires de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne permettent la délivrance du titre de séjour qu'elles prévoient qu'à un étranger placé auprès de l'aide sociale à l'enfance, aucune exception n'ayant été prévue au bénéfice d'un étranger placé auprès de tiers dignes de confiance, comme c'est le cas en l'espèce ;

- par ailleurs, la circonstance que l'intéressé ait bénéficié de contrats " jeune majeur " après sa majorité n'est pas de nature à lui permettre de bénéficier du titre de séjour litigieux ;

- il confirme l'ensemble des motifs développés en première instance pour défendre les décisions attaquées.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 décembre 2019, le 30 janvier 2020 et le 24 juin 2020, M. D... B..., représenté par Me C..., conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement et au rejet de la requête du préfet de la Drôme et, à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2019 du préfet de la Drôme portant refus de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le Mali comme pays de destination, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Drôme ou tout autre préfet compétent, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, en cas d'annulation pour vice de forme, ou de lui délivrer le titre de séjour sollicité lui permettant d'exercer une activité salariée en France, dans un délai de trente jours, en cas d'annulation pour vice de fond, et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'un somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête de première instance est recevable ;

S'agissant du refus de titre de séjour :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure car il ne ressort pas de la décision contestée que le préfet de la Drôme ait sollicité, avant de prendre sa décision, l'avis de la structure d'accueil s'agissant de son insertion dans la société française ;

- il est entaché d'une erreur de droit et méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile, en l'absence d'examen global de sa situation et alors qu'un étranger confié à des tiers dignes de confiance est un mineur confié à l'aide sociale à l'enfance pour l'application de ce texte, dont il remplit par ailleurs toutes les conditions ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée par voie de conséquence ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 janvier 2020.

Le préfet de la Drôme a produit un nouveau mémoire le 19 octobre 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G..., première conseillère,

- et les observations de Me C..., représentant M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien né le 1er mars 2001, a déclaré être entré en France en juin 2017, à l'âge de seize ans révolus. Le 8 novembre 2018, il a sollicité du préfet de la Drôme son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté dont les parties s'accordent à dire qu'il est intervenu le 23 mai 2019, le préfet de la Drôme a rejeté la demande de titre de séjour de M. B... et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du Mali. Le préfet de la Drôme relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français délivrées à M. B..., et lui a enjoint de lui délivrer le titre de séjour sollicité.

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

3. Selon l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : / 3° Les mineurs confiés au service en application du 3° de l'article 375-3 du code civil, des articles 375-5, 377, 377-1, 380, 411 du même code ou du 4° de l'article 10 et du 4° de l'article 15 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ; (...) ". Aux termes de l'article 375-5 du code civil : " A titre provisoire mais à charge d'appel, le juge peut, pendant l'instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d'accueil ou d'observation, soit prendre l'une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4 ". Parmi les mesures prévues à l'article 375-3 du même code figurent notamment le placement auprès d'un tiers digne de confiance (2°) et le placement direct auprès du service de l'aide sociale à l'enfance (3°). En vertu de l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles : " Le département prend en charge financièrement au titre de l'aide sociale à l'enfance (...) les dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite de chaque mineur : / 1° Confié par l'autorité judiciaire en application des articles 375-3, 375-5 et 433 du code civil à des personnes physiques, établissements ou services publics ou privés " ;

4. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et de dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

5. Le préfet de la Drôme, pour rejeter la demande de titre de séjour de M. B..., s'est exclusivement fondé sur la circonstance que l'intéressé n'avait pas été confié à l'aide sociale à l'enfance pendant sa minorité, puisqu'il avait été confié par l'autorité judiciaire à des tiers dignes de confiance.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'un juge des enfants du tribunal pour enfants F..., agissant en matière d'assistance éducative, a, le 4 mai 2018, pris une ordonnance de placement provisoire par laquelle il a, d'une part, confié l'intéressé à deux tiers dignes de confiance en application de l'article 375-5 et du 2° de l'article 375-3 du code civil, et, d'autre part, dit que le conseil départemental verserait aux tiers désignés l'allocation d'entretien prévue par l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles. Cette mesure provisoire a été prorogée par ordonnance du 15 janvier 2019 puis maintenue jusqu'à la majorité de l'intéressé par jugement en assistance éducative du 28 février 2019. M. B... a en conséquence bénéficié, le 16 août 2018, avec effet au 4 mai 2018, d'une décision du président du conseil départemental de la Drôme l'admettant dans le service de l'aide sociale à l'enfance, sur le fondement de l'article L. 222-5 précité du code de l'action sociale et des familles, qui prévoit notamment la prise en charge par ce service des mineurs confiés par l'autorité judiciaire sur le fondement de l'article 375-5 du code civil, quelle que soit la mesure prévue à l'article 375-3 du même code auquel a provisoirement recours le juge des enfants.

7. En excluant M. B... du bénéfice des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au seul motif qu'il avait été confié à des tiers dignes de confiance, alors qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du code civil et du code de l'action sociale et des familles qu'un mineur judiciairement confié d'abord à titre provisoire puis en assistance éducative à des tiers dignes de confiance et pris en charge à ce titre par les services de l'aide sociale à l'enfance est un mineur confié à l'aide sociale à l'enfance au sens et pour l'application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Drôme a bien commis une erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Drôme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 23 mai 2019 par lequel il a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement au conseil de M. B... d'une somme de 1 000 euros, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Drôme est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me C..., conseil de M. B..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... et à Me C....

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente assesseure,

Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.

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N° 19LY03748

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03748
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Aide sociale - Différentes formes d'aide sociale - Aide sociale à l'enfance.

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour - Octroi du titre de séjour.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ALBERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-19;19ly03748 ?
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