La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2020 | FRANCE | N°20LY00184

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 17 novembre 2020, 20LY00184


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'une part, d'annuler la décision du 1er juillet 2019 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office d'autre part, d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à

compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'une part, d'annuler la décision du 1er juillet 2019 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office d'autre part, d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1904615 et 1905590 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2020, M. D... B..., représenté par la Selarl BS2A Bescou et F... avocats associés agissant par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du 1er juillet 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions du 7° et du 11°de l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision l'obligeant à quitter le territoire français :

- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision lui refusant le séjour en France ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° l'article L. 511-4 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et lui refusant le séjour en France.

Le préfet du Rhône, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.

M. D... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- et les observations de Me C... représentant M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant kosovar, né le 8 mai 1974, relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 décembre 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfet du Rhône du 1er juillet 2019 qui a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Kosovo comme pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...). ".

3. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.

4. Pour refuser le titre de séjour sollicité par M. B..., le préfet s'est fondé sur l'avis du collège de médecins selon lequel, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire et vers lequel il peut voyager sans risque médical, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié. M B... a produit, au dossier de première instance, différents certificats médicaux récents, qui établissent que, victime d'un infarctus en fin d'année 2012, il présente une pathologie cardiaque sévère, une hypertension artérielle, un diabète et un syndrome d'apnée du sommeil, nécessitant un suivi très rapproché, en cardiologie et pneumologie. Il conteste l'appréciation du collège de médecins et soutient qu'il ne pourra pas effectivement accéder à un traitement approprié au Kosovo dès lors que sa pathologie nécessite un suivi régulier impossible dans ce pays et qu'il n'a pas les moyens de financer les coûts de son traitement, en l'absence d'assurance maladie.

5. En se fondant, d'une part, sur un certificat médical établi le 13 août 2019, par lequel le directeur adjoint du centre principal de médecine familiale de la municipalité de Kaçanik indique que des structures dotées des équipements adéquats existent dans d'autres communes du Kosovo que celle où il réside, et d'autre part, sur le rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés qui fait état de l'insuffisance des soins de santé au Kosovo, du manque de médicaments, de la mauvaise qualité des services de santé, des coûts élevés à la charge des personnes ainsi que des difficultés de mise en place du régime d'assurance-maladie et enfin sur un document, en date du 3 mars 2020, émanant du Service Hospitalier des Cliniques universitaires du Kosovo, produit pour la première fois dans la présente instance, qui indique que le service ne dispose pas de certains médicaments, lesquels ne font pas partie de la liste essentielle des médicaments, M. B... ne démontre pas que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même que le secteur où il réside connaîtrait des coupure de courant fréquentes.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Pour l'application de ces stipulations et dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

7. M. B... fait état de la durée de son séjour en France, du suivi médical dont il bénéficie, de son impossibilité à voyager et de son intégration. Si M. B... est présent en France depuis 2012, il s'y est maintenu à compter d'octobre 2015 en méconnaissance de décisions de refus d'asile et de séjour ainsi que de mesures d'éloignement dont la légalité a été confirmée par la juridiction administrative. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que M. B... disposerait d'attaches anciennes et stables sur le territoire français, alors qu'il a vécu l'essentiel de son existence au Kosovo où résident son épouse et sa mère. En outre, le requérant n'établit pas qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Kosovo, vers lequel il ne démontre pas qu'il ne pourrait pas voyager sans risque. Enfin, l'apprentissage de la langue française ne permet pas, à elle seule, de justifier d'une intégration particulière sur le territoire français. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7°de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. Pour les mêmes motifs exposés aux points précédents, la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas davantage entachée d'erreur de droit.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

Mme E... A..., présidente de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.

2

N° 20LY00184


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00184
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-17;20ly00184 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award