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12/11/2020 | FRANCE | N°20LY02341

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 12 novembre 2020, 20LY02341


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... a demandé à la présidente du tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 4 février 2020 du préfet du Rhône portant transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile, d'enjoindre à l'autorité préfectorale d'enregistrer sa demande d'asile sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par un jugement n° 2001312 du 17 juillet 2020, le magist

rat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... a demandé à la présidente du tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 4 février 2020 du préfet du Rhône portant transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile, d'enjoindre à l'autorité préfectorale d'enregistrer sa demande d'asile sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par un jugement n° 2001312 du 17 juillet 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 août 2020 et le 12 octobre 2020, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 février 2020 par lequel le préfet du Rhône a décidé son transfert aux autorités italiennes ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir ;

4°) à défaut, d'enjoindre au préfet du Rhône, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il ne répond pas au moyen tiré de la méconnaissance des articles 12 paragraphe 4 et 13 paragraphe 1 du règlement (UE) n° 604/2013 relatifs à la détermination de l'Etat membre compétent pour l'examen de sa demande d'asile et se borne à examiner les moyens invoquant les articles 3 et 17 de ce règlement ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en se bornant à examiner l'atteinte à sa vie familiale, sans apprécier l'atteinte portée à sa vie privée ;

- il fait une inexacte application des articles 3 et 17 du règlement précité ;

- l'arrêté préfectoral, fondé sur les dispositions de l'article 12 paragraphe 4 du règlement, qui ne lui sont pas applicables compte tenu de son entrée irrégulière sur le territoire français, est illégal dès lors que sa situation relevait de l'article 13 du même règlement ;

- il méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- eu égard aux défaillances du système italien d'accueil des demandeurs d'asile, et à sa grossesse en cours accentuant sa vulnérabilité, la décision du préfet de Rhône de la remettre aux autorités italiennes procède d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard des articles 3 et 17 du règlement n° 604/2013.

Par des mémoires en défense, enregistré le 30 septembre 2020 et le 26 octobre 2020, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il n'a pas commis d'erreur de droit en faisant application de l'article 12 du règlement " Dublin " à la situation de Mme B..., titulaire d'un visa périmé depuis moins de six mois ;

- il n'a pas méconnu les articles 3 et 17 du règlement en refusant de faire usage de la clause discrétionnaire, dès lors que la requérante ne démontre pas que les autorités italiennes seraient dans l'impossibilité de prendre en compte sa demande d'asile, qu'elle n'a jamais fait état de problèmes de santé ni ne démontre être dans l'incapacité de voyager ou de se faire soigner en Italie, et que les considérations relatives à son intégration en France sont sans influence sur la détermination de l'Etat membre responsable de sa demande d'asile ;

- la décision attaquée ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n ° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F..., première conseillère,

- et les observations de Me D..., représentant Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante de République du Kosovo née le 6 mars 1991, a déclaré être entrée en France le 14 août 2019. Elle s'est présentée en préfecture le 2 septembre 2019 en vue de faire enregistrer sa demande d'asile et demande à la cour d'annuler le jugement du 17 juillet 2020 par lequel un magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 février 2020 par lequel le préfet du Rhône, à l'issue de la procédure de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, a décidé de la remettre aux autorités italiennes.

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté de transfert du 4 février 2020 est fondé sur l'article 12 paragraphe 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013, le préfet du Rhône ayant notamment estimé que Mme B... était titulaire d'un visa délivré par les autorités italiennes valide jusqu'au 20 août 2019 lui ayant effectivement permis de pénétrer sur le territoire des Etats membres et que cette circonstance emportait la responsabilité de l'Italie pour l'examen de sa demande d'asile.

4. Dans sa requête, Mme B... contestait la base légale de l'arrêté préfectoral en faisant valoir qu'elle était entrée directement en France le 14 août 2019 sans passer par l'Italie ni faire usage de son visa en cours de validité délivré par les autorités italiennes, de sorte qu'elle estimait que sa situation relevait, non de l'article 12 paragraphe 4 du règlement précité mais de son article 13 prévoyant la responsabilité de l'Etat membre dont le demandeur a irrégulièrement franchi les frontières en provenance d'un Etat tiers moins de douze mois avant de présenter sa demande de protection internationale.

5. En se bornant, pour répondre à ce moyen tiré de la méconnaissance de l'article 12 paragraphe 4 du règlement, qu'il avait visé et qui n'était pas inopérant, à relever, après avoir écarté la méconnaissance des articles 3 et 17 du règlement, que " le préfet n'a pas davantage méconnu les dispositions de l'article 12-4 du même règlement ", le magistrat désigné a insuffisamment motivé son jugement sur ce point. Celui-ci doit, par suite, être annulé.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Lyon pour qu'il statue à nouveau sur la demande de Mme B....

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... d'une somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 17 juillet 2020 est annulé.

Article 2 : Mme B... est renvoyée devant le tribunal administratif de Lyon pour qu'il soit statué sur sa demande.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A... B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme C..., présidente assesseure,

Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.

2

N° 20LY02341


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02341
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-06-04-02 Procédure. Jugements. Rédaction des jugements. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : OLIVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-12;20ly02341 ?
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